« Au Touquet, on travaille chaque week-end mais on n'est pas payé plus »

La Voix du Nord – dimanche 26.10.2008 – A.M.

ENQUÊTE : LE TRAVAIL LE DIMANCHE

Pour soutenir l’emploi et le pouvoir d’achat face à la crise, le gouvernement a proposé une rémunération majorée en compensation du travail dominical*. Au Touquet, on travaille plus le dimanche… sans pour autant gagner plus.

« Quand j’ai entendu ça, ça m’a fait bien fait rire, grince Maryse, employée dans une boutique de vêtements depuis plus de dix ans. On travaille tous les dimanches mais on n’est pas payé plus. » Au Touquet, chez les petits commerçants de la rue Saint-Jean, règne comme une omerta. « Les vendeurs ont peur de parler mais ce n’est pas normal  », souffle Maryse. « Pas normal » de travailler tous les dimanches, sans rémunération supplementaire.

« On reste parce qu’on a un travail »

Maryse n’est pas la seule à connaître cette situation. « On travaille tous les dimanches, sauf celui de l’Enduropale, sans pourcentage au niveau de la paie  », assure Bastien, un autre vendeur.

« Il faudrait une compensation et un roulement avec le personnel pour avoir un week-end par mois, estime sa collègue. On travaille dimanche après dimanche sauf quand on est en vacances ou malade. » Pas de vie de famille non plus, même si les jours de repos tombent la semaine. « Mais on reste parce qu’au moins on a un travail », reprend Bastien. Mais à quelles conditions ?

« C’est à la limite de l’esclavage », témoigne Catherine, une ancienne employée. « Pas de majoration le dimanche, pas d’heures supplémentaires non plus. C’est du n’importe quoi. » Alors, évidemment, des rictus se forment au coin des lèvres quand ces employés entendent parler de « majoration ». « Peut-être que c’est vrai mais il faudra que ce soit écrit sur les contrats. » Tous les employés ne sont pas logés à la même enseigne. Quelques rares privilégiés, dans les magasins franchisés notamment, bénéficient d’une prime. « Nos dimanches sont payés double, assure Tom. Nous ne sommes pas comme les commerces indépendants. » Du côté des gérants, le discours varie selon les cas. Certains se défendent de sous-payer les salariés : « Il n’y a pas de majoration le dimanche mais les vendeuses sont payées plus que le SMIC tous les mois. » De petits arrangements entre gérants et employés équilibreraient la situation.

D’autres avouent complètement zapper la spécificité du dimanche travaillé : « Mes employés sont payés comme n’importe quel jour. Je n’en sais pas plus sur les dispositions du travail le dimanche et je ne cherche pas à savoir. »

« Le Touquet, c’est spécial »

La méconnaissance des conventions collectives, volontaire ou non, arrange bien des situations. Car la loi ne prévoit rien en terme de majorations de salaire. Ce sont les conventions collectives qui peuvent prévoir des dispositions particulières. Quant à savoir où les consulter… « N’importe quel gérant peut se renseigner en mairie ou à la sous-préfecture », explique-t-on à l’hôtel de ville du Touquet.

En attendant, loi du silence oblige, de nombreux commerces fonctionnent ainsi depuis des années. « Quand on se plaint à l’inspection du travail, on nous dit : « Le Touquet, c’est spécial ». On n’a jamais très bien compris pourquoi », termine, désabusée, Maryse.

> Les prénoms ont été modifiés pour respecter l’anonymat des vendeurs qui ont accepté de témoigner. .

* Non, la proposition Mallié ne comporte AUCUNE garantie d’augmentation de rémunération (NDLR)

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