Travail du dimanche : déjà en Chine

Un article Bellaciao, 11/08/08, avec le Nouvel Observateur

Reportage dans l’entreprise Foxconn, dans la ville de Longhua.

« Théoriquement, le dimanche est libre. Mais à chaque commande urgente, le repos dominical est annulé. De toute façon, comme l’explique Lin, une jeune ouvrière originaire de la province de Sichuan, à l’autre bout de la Chine : « Il n’y a rien à faire ici, sinon dormir tout son soûl pour récupérer ou laver son linge. Ce que je n’ai jamais le temps de faire en semaine. »

Bienvenue en Chine…

Le Nouvel Observateur, jeudi 7 août 2008, page 46 – 48.

En Chine, des dizaines de millions de paysans quittent la campagne : ils migrent pour se faire embaucher dans les usines. Ils travaillent dix heures par jour, six jours sur sept. Ils dorment toutes les nuits dans les dortoirs de l’usine. Ils sont traités comme de véritables esclaves.

L’envoyé spécial Bruno Birolli a écrit un reportage exceptionnel sur une usine d’assemblage de produits électroniques. Cette usine s’appelle Foxconn, dans la ville de Longhua. Elle est interdite aux journalistes. Le patron de l’usine se comporte comme un seigneur féodal dans son fief. Ce reportage nous replonge dans le Moyen-Age.

« Théoriquement, le dimanche est libre. Mais à chaque commande urgente, le repos dominical est annulé. De toute façon, comme l’explique Lin, une jeune ouvrière originaire de la province de Sichuan, à l’autre bout de la Chine : « Il n’y a rien à faire ici, sinon dormir tout son soûl pour récupérer ou laver son linge. Ce que je n’ai jamais le temps de faire en semaine. »

La forteresse Foxconn a un maître : Terry Gou. Invisible et craint, il est informé en permanence du moindre problème. Il parcourt son fief dans une petite voiture de golf, de préférence la nuit, pour s’assurer que l’ordre règne, que l’usine tourne à plein. L’homme est très riche : avec 4 milliards d’euros, il est selon le magazine américain Forbes la 160ème plus grosse fortune de la planète. […]

En l’absence de syndicats et de mouvements revendicatifs, les salaires de ces mingong ( = migrants ) n’ont quasiment pas progressé en quinze ans. D’où pour Foxconn des marges exceptionnelles à faire pâlir ses concurrents et à faire jubiler la Bourse, de l’ordre de 25 à 30 %.

Et la main d’œuvre ? Depuis deux ans, Jin est ouvrière chez Foxconn. Cette jeune fille d’une grande gentillesse a plutôt l’air paumé. C’est dimanche, et elle rend visite à une amie qui tient un stand de lingerie au sous-sol d’un centre commercial. Jin a décidé de démissionner en janvier prochain. « Le travail n’a aucun intérêt ici, il est très répétitif. »

Pour 84 euros par mois, elle monte des processeurs d’ordinateur. Elle arrive à gagner 100 euros par mois si elle travaille dix heures par jour.

« Les chefs sont très stricts. Nous n’avons droit qu’à dix minutes pour aller aux toilettes. » La nourriture servie dans les réfectoires est quelconque. Elle se plaint des conditions de vie dans les dortoirs. « Il y a des chambres de quatre, et il y a d’autres chambres où on est entassés à vingt dans des lits superposés. »

Outre la promiscuité et l’absence d’intimité, elle se plaint des vols. Les téléphones portables ou l’argent oubliés dans les poches des vêtements disparaissent.

De : Bruno Birolli
lundi 11 août 2008

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