Dans le Figaro des 29 et 30 mars, Monsieur Yves Thréard fait un éditorial titré : « l’anomalie du septième jour. », dans lequel il attaque avec virulence le repos dominical.
La loi de 1906 institua un jour de repos obligatoire pour tous les travailleurs après six jours de labeur consécutifs. A cette époque l’espérance de vie était de quarante ans et, les classes laborieuses étaient les plus touchées par la mortalité précoce.
La loi de 1906, toujours en vigueur donnait un jour de repos républicain obligatoire mais elle permettait des dérogations en prenant en compte les obligations de sécurité, de santé, de service et les particularismes artisanaux, industriels, commerciaux ou régionaux.
Cette loi est d’un équilibre remarquable, et fonctionne encore parfaitement aujourd’hui, même si certaines exceptions peuvent paraître surannées.
Il faut singulièrement méconnaître les mécanismes économiques pour oser soutenir, comme Yves Thréard le fait sans vergogne, que le travail du dimanche pourrait avoir une influence significative sur la consommation et le pouvoir d’achat. Ce n’est pas la création de quelques emplois supplémentaires, nécessairement à caractère précaire, qui permettrait la relance tant espérée de notre économie.
On sait aussi que cette ouverture du dimanche profiterait d’abord aux grandes enseignes de la distribution au détriment du commerce de proximité, de centre ville ou des campagnes. Prétendre le contraire est un contre-sens dont on sait que les lobbies du grand commerce usent, en espérant en tirer de substantiels profits. Les petits commerçants, eux, ne peuvent pas en supporter les charges supplémentaires.
Aujourd’hui, la loi permet aux commerces de bouches et aux commerces proches des marchés en ville, des marchés et foires locales, des commerces liés au tourisme national ou régional d’accueillir les clients dans les meilleures conditions. Elle permet aussi aux responsables d’entreprises de travailler le dimanche, à partir du moment où ils travaillent eux-même et ne font pas travailler leurs salariés.
En revanche, elle ne permet pas d’ouvrir ses rayons dans n’importe quelles conditions et les enseignes qui font fi de la loi s’exposent, en toute connaissance de cause, à des poursuites et à de fortes amendes. Lorsque l’on se place dans l’illégalité on ne peut pas hurler quand on est pénalisé.
Et l’on ne peut pas arguer du fait que, l’obligation de fermer le dimanche, ce qui est la loi, vous fait perdre du chiffre d’affaires et va vous conduire à supprimer des emplois! Est-ce que cette ouverture a permis de créer des emplois? Est-ce que le chiffre d’affaires n’est pas tout bonnement un détournement, un hold-up au détriment d’autres enseignes qui elles appliquent la loi? On sait très bien, que dans notre économie stagnante, la capacité de consommer est un gâteau stable et ce qui est dépensé là ne l’est pas ailleurs. L’ouverture du dimanche ne crée pas de part de marché supplémentaire.
D’autre part, le fait d’avoir un jour de repos commun, c’est cela qui fait le ciment social car cela permet la vie communautaire à travers la famille, les amis, les activités associatives, sportives, culturelles, cultuelles. Cela favorise la perception d’appartenir à une communauté, cela confère un intérêt pour les personnes et permet de lutter contre l’individualisme et le communautarisme qui sont les plaies de notre société.
A l’heure d’internet, qui comme le dit notre éditorialiste est ouvert sept jour sur sept et 24 heures sur 24, est-ce une activité enrichissante que d’emmener ses enfants, ses vieux parents dans une grande surface pour faire des courses au lieu d’aller dans les bois, dans les musées, dans les stades, à la mer, à la montagne…
De Platon et sa cité idéale à Jean-Jacques Rousseau et son contrat social, l’origine de l’état est pensée comme une convention établie entre une communauté d’hommes. Ceux-ci renoncent à une partie de leur liberté (ou droits naturels), en échange de lois qui garantissent la pérennité du corps social.
Le droit du travail du dimanche (liberté individuelle) ne doit pas primer sur le droit au repos du septième jour (intérêt général).
Comme disait Lacordaire en 1848 lors de la 52 ème conférence de Notre Dame : Entre le faible et le fort, le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit »
L’état doit organiser le rythme de la société et ce dans le but de favoriser le bon épanouissement de tous.
N’en déplaise à Monsieur Yves Thérard, c’est ce qu’a fait la République en 1906 et notre code du travail est tout à fait, en l’occurrence parfaitement adapté en ce sens qu’il organise la société harmonieusement et contient en son énoncé le principe de subsidiarité.
Jean Dionnot
Président
Collectif des Amis du Dimanche