Un article du Monde, 18/3/08
Accroître le pouvoir d’achat des salariés ? Un casse-tête quand les caisses de l’Etat sont vides. A moins de se tourner vers les entreprises. Telle semble être la philosophie de certaines mesures envisagées par le gouvernement.
[…] Le gouvernement a également envisagé de généraliser l’ouverture des commerces le dimanche. Mais cette mesure risque de « détruire plus d’emplois dans le petit commerce que cela n’en créera dans les grandes enseignes où la productivité est supérieure », estime M. Heyer (Directeur adjoint au département analyse et prévision de l’OFCE) […]
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LE MONDE ECONOMIE | 18.03.08
Accroître le pouvoir d’achat des salariés ? Un casse-tête quand les caisses de l’Etat sont vides. A moins de se tourner vers les entreprises. Telle semble être la philosophie de certaines mesures envisagées par le gouvernement. Parmi celles-ci figure l’extension de l’intéressement aux sociétés employant moins de 50 salariés, dont environ 10 % appliquent déjà un tel dispositif. Le gouvernement souhaite les inciter à le faire en contrepartie d’avantages fiscaux. Une telle mesure « compenserait un peu les inégalités d’attractivité entre grandes et petites entreprises, observe Mathieu Plane, économiste à l’Office français des conjonctures économiques (OFCE). Mais elle risque aussi d’encourager les employeurs à verser de l’intéressement plutôt qu’à augmenter les salaires », sans garantie de stabilité. Pour que les petites entreprises soient réellement incitées, « il leur faudrait une compensation fiscale totale, qui pèserait sur le budget de l’Etat, observe Marie-Suzie Pungier, secrétaire confédérale Force ouvrière. Ce n’est pas la bonne solution ». L’Etat pourrait-il au final s’y retrouver ? « Si l’intéressement est débloqué par les salariés et dépensé, les incitations fiscales pourraient être compensées par la TVA dégagée, le surcroît de croissance, etc. », calcule M. Plane. Mais une étude de 2004 montre que « seuls 13 % des sommes débloquées de l’épargne salariale ont été consommées, les autres ayant été réépargnées ».
EFFET DISSUASIF
Le président de la République, Nicolas Sarkozy, imagine également que l’intéressement et la participation soient assujettis aux cotisations vieillesse et génèrent des droits pour la retraite. Mais ces prélèvements nouveaux risquent d’avoir un effet dissuasif sur les employeurs.
Autre piste : conditionner l’octroi des allégements de charges sociales à des revalorisations salariales. Dans son avis rendu début février, le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) suggère par exemple que, dans les branches où les minimas conventionnels sont inférieurs au smic, les allégements soient basés non pas sur le smic mais sur ces minima. Cette mesure « mettra à mal la priorité absolue d’alléger durablement le coût du travail » peu qualifié, juge l’Union professionnelle artisanale (UPA). Mais pour Eric Heyer, directeur adjoint au département analyse et prévision de l’OFCE, elle serait apte « à inciter au relèvement des minima, ce qui permettrait aussi d’accélérer la progression de carrière des premiers échelons ». D’autres mécanismes sont envisageables. Mais quelle que soit la formule retenue, si elle atteint son but, elle aboutira à des revalorisations salariales, pour le même coût budgétaire qu’aujourd’hui ; si elle ne l’atteint pas, les salariés n’auront rien gagné, mais les caisses de l’Etat, elles, feront des économies grâce aux allégements supprimés…
Le gouvernement a également envisagé de généraliser l’ouverture des commerces le dimanche. Mais cette mesure risque de « détruire plus d’emplois dans le petit commerce que cela n’en créera dans les grandes enseignes où la productivité est supérieure », estime M. Heyer.
Reste que pour l’heure, aucun dispositif n’est prêt. « Rien n’est arbitré » au sujet de l’intéressement dans les petites entreprises, dit-on au ministère du travail. S’il était décidé de créer ce dispositif, un texte pourrait intervenir « probablement avant l’été ». « Rien n’est prévu » non plus concernant la généralisation du travail du dimanche. La conditionnalité des allégements de charges fait, elle, l’objet de consultation des partenaires sociaux, sachant que rien ne sera mis en place « avant le mois de mai ». Quant à l’assujettissement de l’intéressement aux cotisations vieillesse, impossible d’en savoir plus au ministère du travail comme à l’Elysée, chacun expliquant que c’est l’autre qui gère la question.
Francine Aizicovici
Article paru dans l’édition du 19.03.08.