Ouverture du dimanche : pas de révolution en vue. Tel est le titre de l’article du Figaro de vendredi. Le Figaro, c’est notoire, est contre le pouvoir. Tout contre. Ainsi, il est difficile de savoir si le titre de cet article veut rassurer le Français d’en bas qui, comme toujours, peine à comprendre les subtilités de tous ces gens de la France d’en haut qui lui veulent pourtant du bien, ou l’endormir. En effet, si Madame Lagarde a – pour l’instant – décidé que l’ouverture du dimanche ne fera pas partie de la loi de modernisation de l’économie, Luc Chatel – celui qui a soutenu l’amendement ConfoKea au Sénat – déclare dans le même temps qu’il faut « arrêter d’empêcher des gens qui veulent travailler le dimanche de le faire », tandis que Jean-Patrick Grumberg n’hésite pas, en toute innocence, à faire état de la « complaisance » du Gouvernement pour les déliquants économiques ouverts le dimanche illégalement. Difficile de s’y retrouver. |
Mathilde Visseyrias – 28/03/2008 | Le Figaro
L’UMP planche sur un texte qui réformera la législation a minima.
Un temps envisagée, la réforme de l’ouverture des magasins le dimanche ne fera finalement pas partie de la loi de modernisation de l’économie. Christine Lagarde l’a officialisé mercredi. En revanche, un groupe de travail parlementaire prépare « une proposition de loi, pour fin avril, début mai », a expliqué hier au Figaro son président, Richard Mallié, premier questeur de l’Assemblée nationale. Lequel évoque la nécessité d’un « texte consensuel au niveau du groupe UMP ». Constitué fin novembre, ce groupe a donc réalisé une série d’auditions. Richard Mallié souhaite donner davantage de souplesse aux commerces sédentaires à proximité des marchés, et permettre aux commerces alimentaires d’ouvrir une heure de plus, jusqu’à 13 heures. Il veut également que « dans certaines zones frontalières, touristiques et agglomérées », les magasins puissent bénéficier de dérogations. « Ils pourraient ouvrir tous les dimanches avec une dérogation préfectorale », précise Richard Mallié, qui pense en particulier, pour Paris, à la rue des Francs-Bourgeois, au boulevard Haussmann et aux Champs-Élysées.
Interrogée, la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution se déclare toujours pour une dizaine d’ouvertures dominicales par an, contre cinq actuellement. L’Association Familles rurales rappelle pour sa part qu’elle n’est « pas favorable » à l’ouverture des magasins le dimanche.
La question entretient une vive polémique depuis longtemps, si bien que, malgré ses nombreuses incohérences, la loi qui l’encadre peine à être réformée. « On ne va pas passer d’un extrême à l’autre , confie Luc Chatel, le porte-parole du gouvernement, au Figaro. Mais il faut arrêter d’empêcher des gens qui veulent travailler le dimanche de le faire. »
Des procès en série
Cette semaine encore, le sujet a donné lieu à une nouvelle bataille. Des peines d’amende de 6 000 euros à plus de 60 000 euros ont été requises contre une vingtaine de magasins du centre commercial de Thiais-Village, en région parisienne. Jeudi, des petits commerçants indépendants et des « gros » comme Ikea, Boulanger et Decathlon ont été cités à comparaître devant le tribunal de police d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), à la suite d’un contrôle effectué le dimanche 11 novembre 2007 par l’Inspection départementale du travail. Il leur est reproché d’avoir employé des salariés le dimanche sans autorisation, du 2 septembre au 11 novembre. Certains avaient demandé une dérogation sans l’obtenir, d’autres s’étaient passés de cette formalité.
Les syndicats FO et CFTC se sont constitués partie civile. « Il est normal que les salariés du commerce aient aussi une vie de famille, argumente Françoise Nicoletta, de FO. Des salariés mal payés sont obligés de travailler le dimanche. Le volontariat on sait ce que ça vaut ! » Il n’empêche : une cinquantaine de salariés de Boulanger se sont déplacés au tribunal pour défendre leur liberté de travailler. Leur magasin n’a pas le droit d’ouvrir, alors que ses concurrents Conforama et But ont cette possibilité grâce à une disposition votée en décembre par le Sénat. Elle accorde une dérogation supplémentaire aux magasins de meubles. Comme Boulanger n’en vend pas, il est condamné à fermer dans le Val-de-Marne…, alors qu’à Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne), il bénéficie d’une autorisation préfectorale pour ouvrir.
Attaqué, le centre commercial Usines Center de Villacoublay, dans les Yvelines, s’est toujours battu pour rester ouvert le dimanche. Ses commerces sont fermés le lundi et le mardi. Ils réalisent 35 % à 40 % de leur chiffre d’affaires le dimanche. « Aujourd’hui, on est revenu à la situation dans laquelle on était depuis vingt ans, déclare Jean-Patrick Grumberg, président de l’association des exploitants du centre. Le gouvernement est complaisant à notre égard et ne nous embête pas. » Mais FO ne désarme pas. Dans le Val-d’Oise, il a déjà obtenu la fermeture d’un Planète Saturn, de Darty, de trois magasins Boulanger et d’une Fnac. Lundi, son avocat plaidera contre Conforama à qui il demande 1,4 million d’euros d’astreinte. Il attend également un jugement à Pontoise, pour une astreinte de 450 000 euros contre Ikea.