Vous vous souvenez ? La commission Attali pour la « libération de la croissance » (et Ingrid, alors ?) avait lancé le bruit qu’elle préconiserait l’ouverture dominicale comme agent de relance de l’économie, puis avait soigneusement expurgé ce point de son rapport d’étape, après avoir suscité le tollé qu’elle méritait. Coup de sonde.
Finalement, le rapport est sorti, avec la recommandation de l’ouverture dominicale, figurant il est vrai parmi 300 autres mesures magiques.
On ne peut vraiment avoir confiance en personne !
Un article des Echos du 21 janvier 2008
Attali demande à Sarkozy d’appliquer d’ici à juin 2009 ses « 300 décisions pour changer la France »
Invitant à une vaste dérégulation, le rapport de la Commission pour la libération de la croissance française sera remis mercredi à Nicolas Sarkozy. Son président, Jacques Attali, veut lui imposer un calendrier très serré pour mettre en oeuvre ses quelque 300 propositions.
Jacques Attali avait promis un rapport qui tiendrait « en 3 pages ». Il en compte plus de 300. « Mode d’emploi pour des réformes urgentes et fondatrices », « non partisan » et « résultat d’un consensus » entre les 44 membres de la Commission pour la libération de la croissance française, le document révélé vendredi par lesechos.fr (lire ci-dessous) avant sa présentation à Nicolas Sarkozy après-demain se veut l’un des plus prometteurs et ambitieux jamais réalisés depuis le rapport Armand-Rueff, remis à Michel Debré en 1960 : si les 20 « décisions fondamentales » et plus de 300 propositions (314 dans la version quasi définitive mise en ligne) sont mises en oeuvre, la croissance potentielle de la France, ce « pays trop lent », peut être augmentée de 1 point d’ici à fin 2012, le taux de chômage ramené à 5 %, le nombre de Français sous le seuil de pauvreté abaissé de 7 à 3 millions, 10.000 entreprises créées dans les banlieues, la dette publique ramenée à 55 % du PIB…
Trois priorités
Et le bonheur selon Jacques Attali n’est pas pour un avenir lointain, mais bien pour un futur proche. Son plan s’inscrit, en effet, dans un calendrier politique précis car « le pays voudra en mesurer les effets au printemps 2012 », date des prochaines élections présidentielles. C’est possible, écrit-il, si « toutes » les « décisions » qu’il préconise, sans exception, sont « préparées en détail de janvier à avril 2008 » puis « mises en oeuvre entre avril 2008 et juin 2009 ».
La commission a défini trois priorités : « capter les bénéfices de la croissance mondiale ; promouvoir des acteurs mobiles et sécurisés ; mettre la gouvernance au service de la croissance ». Avec comme premier objectif d’améliorer la situation des « actuels perdants du statu quo » : les jeunes, les pauvres, les exclus du marché du travail « et plus généralement les classes moyen- nes ».
Un pays multispécialisé
Titré « 300 décisions pour changer la France », le rapport balaie tout le spectre de l’économie, plaidant ainsi pour un pays multispécialisé : dans le low-cost et les nanotechnologies, dans les services à la personne et la finance. Presque toujours, il met l’accent sur l’ouverture (des professions réglementées, du secteur de la distribution, du marché du travail aux étrangers, du cumul emploi-retraite, du travail le dimanche, des effectifs de Normale sup ou de Polytechnique…) plutôt que sur la sanction. Jacques Attali ne propose, par exemple, ni de relever l’âge de départ à la retraite ni de contrôler davantage les chômeurs, restant assez flou sur l’instauration d’un bonus-malus pour orienter les comportements des entreprises en matière d’embauche ou pour plafonner les indemnités chômage. Et il ne préconise de quotas pour assurer la diversité aux élections que « faute d’autres moyens ». Son rapport est déjà commenté comme d’inspiration libérale. Il invite, à tout le moins, à un vaste mouvement de dérégulation.
« En bloc » ou pas du tout
Nombre de ses propositions (réduction des délais de paiement de l’Etat aux PME, création de pôles d’enseignement supérieur, réforme de la représentativité, rupture à l’amiable du contrat de travail…) légitiment au passage la politique de réforme menée depuis le printemps dernier. « Celles des décisions impliquant un coût budgétaire nouveau sont toutes financées, et respectent l’objectif de réduction de 1 % de la part des dépenses publiques dans le PIB », assure par ailleurs la commission, qui a pris soin de préconiser l’apport de fonds privés pour l’université, le très haut débit ou les « Ecopolis », ces villes nouvelles modèles d’écologie et de technologie.
Il n’empêche : même s’il se veut « prêt à l’emploi », le travail de la commission Attali risque d’apparaître assez largement irréaliste, a fortiori dans les délais impartis. D’autant qu’il ne propose pas de méthode. Et que l’ancien conseiller de François Mitterrand prévient noir sur blanc : pas question que l’exécutif picore ici ou là, fasse sa « shopping list ». Son oeuvre est à prendre « en bloc » ou pas du tout. « Ce que vous proposerez, nous le ferons », avait imprudemment assuré Nicolas Sarkozy en installant la commission.