Un article des Echos
Serpent de mer du débat public, l’ouverture des commerces le dimanche a ressurgi au lendemain de l’intervention télévisée de Nicolas Sarkozy, le 29 novembre, sur le pouvoir d’achat. Le président de la République y affirmait son souhait de voir élargies les possibilités de travailler le dimanche, en posant cependant deux conditions : que les salariés soient volontaires, et que les heures travaillées leur soient payées le double. Quelques jours plus tard, Xavier Bertrand annonçait les contours d’une nouvelle législation destinée à entrer en vigueur en 2008.
Comme l’on pouvait s’y attendre, la blogosphère s’est rapidement saisie du sujet. Les étendards ont été levés, et le camp des partisans de la liberté du travail s’est mis en ordre de marche pour affronter une fois encore le camp des défenseurs du droit séculaire au repos dominical. Rien de nouveau sous le soleil d’hiver, à première vue. Sauf que la blogosphère économique, qui connaît ces derniers mois un réjouissant essor, a donné à ce débat un tour plus stimulant que la bataille rangée à laquelle on assiste d’ordinaire.
Appliquons-nous à en tracer les grands axes. L’ouverture élargie des commerces le dimanche vise d’abord à relancer l’activité en stimulant la consommation. Sur ce point, deux visions s’opposent. La première, que défend notamment l’économiste de Toulouse-I Gilles Saint-Paul (1), insiste sur les effets d’opportunité : les consommateurs qui travaillent toute la semaine et rechignent à faire leurs courses le samedi parce qu’ils n’aiment pas les magasins bondés pourraient dépenser le dimanche des sommes qu’ils auraient sinon épargnées. L’argument vaut à Gilles Saint-Paul les railleries de Gizmo, sa consoeur de l’université d’Orléans : « Pourquoi les magasins ne deviendraient-ils pas bondés le dimanche, si les consommateurs effectivement stressés en semaine reportent leurs achats le dimanche ? » (2). Le raisonnement trouve également ses limites dans l’impossibilité dans laquelle se trouvent certains ménages, en particulier les plus modestes, de consommer davantage sans mettre en péril l’équilibre de leurs comptes. Pour ceux-là, avant de songer à consommer plus, il faudra d’abord gagner plus… La seconde vision, portée notamment par l’économiste de l’OFCE Matthieu Plane (3), privilégie les effets de substitution : en cas d’ouverture élargie des magasins le dimanche, « l’achat d’impulsion pourrait être favorisé. Mais ces dépenses se substitueront à d’autres qui, elles, étaient prévues : une sortie, un dîner au restaurant, etc. » A quoi l’on pourra légitimement opposer que le niveau du taux d’épargne des ménages français reste élevé, malgré la légère décrue enregistrée ces dernières années, et qu’un surplus de consommation apparaît donc possible.
Seconde ligne de partage dans le débat économique qui se noue, les effets sur l’emploi. Faute d’études solides sur l’impact que la réforme pourrait avoir sur le niveau global de l’emploi, les échanges se focalisent sur ses conséquences sur les types d’emplois créés. Certains, comme l’économiste Philippe Askénazy, s’inquiètent à l’idée que les grands distributeurs pourraient bientôt « reprendre leur marche d’écrasement des petits commerçants isolés » (4). D’autres, comme le directeur général de SIA-Conseil, Matthieu Courtecuisse, considèrent à l’inverse que la réforme pourrait favoriser un meilleur accès à l’emploi des étudiants et des salariés à temps partiel : « C’est ce qui justifie l’opposition syndicale à une telle ouverture, car selon eux, cela se ferait au détriment de la création de CDI. On retrouve là le réflexe pavlovien de ceux qui sont protégés dans l’emploi : ils privilégient systématiquement le choix du chômage pour les autres plutôt que dans l’emploi même précaire » (5).
Par l’accumulation quasiment infinie des discussions qu’elle charrie, la blogosphère contribue ainsi à éclairer les ressorts économiques de ce qui reste, fondamentalement, un choix de société.
JEAN-DAMIEN PÔ est responsable du site http://www.debateco.fr/
(1) http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3504,36-987637@51-988114,0.html
(2) http://legizmoblog.blogspot.com/2007/12/on-refait-le-match.html
(3) http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3504,36-987636@51-988114,0.html
(4) http://www.lesechos.fr/info/analyses/4627712.htm
(5) http://www.debat2007.fr/blog2/index.php?2006/07/19/131-les-commerces-du-dimanche
topy48 [21/12/2007 08:09] dit :
Purgeons le débat du dimanche :
Aucun élément économique crédible ne justifie la nécessité de développer le travail du dimanche sauf à favoriser les uns au dépens des autres, la diversité des opinions des experts en témoigne suffisamment.
Aucune étude ne détermine le gain d’emplois qui en résulterait et le bon sens qui n’est pas hors du débat économique conduit à craindre des suppressions d’emplois de proximité et à temps plein.
Aucune justification sociale, car aucun texte ne pourra éviter la pression exercée sur les salariés les plus défavorisés contraints de passer sous les fourches caudines du travail du dimanche.
Le débat est aussi sociétal.
Quelle société voulons-nous ?
Une société dans laquelle les personnes peuvent légitimement se réunir, un jour commun, autour d’un élément fédérateur, sport, réunion de famille, école ..
Une société dans laquelle la seule idéologie n’est pas la consommation.
Occasion de donner à l’humain la vraie dimension économique de l’Homme.