Richard Maillé vs Vincent Lecourt

Maillé, en direct de la désinformation.

Richard Maillé est l’auteur d’une proposition de loi – une de plus – visant à supprimer le repos dominical.

Il a commis récemment, dans les pages du journal Le Monde, un article présentant son argumentaire, qu’il partage avec un certain nombre de ses amis, Pierre Lellouche pour ne pas le nommer.

Vincent Lecourt est l’avocat qui a obtenu – entre autre – la condamnation de Conforama pour ouverture illégale. Et il contre-argumente… à coups de maillet !

 

Richard Maillé : CONTRE le dimanche

Maître Vincent Lecourt : POUR le dimanche

Issu de la tradition chrétienne, le repos hebdomadaire dominical s’est imposé avec le vote de la loi du 13 juillet 1906, établissant ce repos en faveur des employés et des ouvriers. Il est donc possible pour tout commerçant travaillant seul ou avec des membres de sa famille non salariés d’ouvrir le dimanche.  

Dès les premières lignes, les premières erreurs : le repos dominical a intégré les lois sociales sous un gouvernement on ne peut plus anti clérical qui venait de voter le principe de la séparation de l’église et de l’Etat. Il a été vôté pour les employés et non pour les ouvriers qui l’avaient antérieurement obtenus. C’est la première lutte sociale des employés. Richard Maillé voudrait-il réouvrir, avec cette affirmation pernicieuse, une guerre religieuse heureusement éteinte ?

Le code du travail dispose qu’il est interdit d’occuper plus de six jours par semaine un même salarié, que ce repos doit avoir une durée minimale de 24 heures consécutives et doit être donné le dimanche. Au niveau européen, la Cour de justice des Communautés européennes, tout en reconnaissant l’obligation d’une journée de repos, a annulé en 1996 le principe du dimanche. Spécificité française donc.

Encore une erreur, cette fois, de droit. La CJCE n’a pas condamné le principe du repos dominical. La seule chose qu’elle a condamné, c’est qu’on puisse imposer le dimanche à tous les états membres alors que chacun dispose de ses propres coutumes. Au contraire, elle a réaffirmé par l’arrêt de 1996 que chaque état membre peut tenir compte de ses particularités sociales.
Aujourd’hui, l’exception prime sur la règle puisque plus de 180 dérogations de plein droit existent. Ne parlons pas de la vingtaine de zones commerciales qui ouvrent chaque dimanche sans qu’aucune autorisation n’ait été donnée ni qu’aucun accord social n’ait été conclu. Inutile aussi de mentionner les bourgs et les chefs-lieux de canton où il est coutume de voir les commerces ouvrir le dimanche matin, avec des salariés, qu’ils aient ou non une dérogation de droit. Encore une erreur. Les exceptions, si elles sont devenues nombreuses ne sont nullement la règle. Elles ne couvrent que les secteurs économiques où l’emploi de salariés est indispensable au fonctionnement de la société (énergie, transports, santé, sécurité, culture, certaines industries qui produisent en continu…). S’agissant des zones ouvertes dans l’illégalité, c’est l’exemple typique de la république bananière. Les grosses enseignes fraudent. Elles se sont crues tout permis dès lors qu’elles remplissaient les caisses des collectivités locales avec de la taxe professionnelle. L’exemple de la Patte d’Oie d’Herblay est éloquent et la guerre pour obtenir l’implantation d’Ikea. Il appartient à l’Etat de faire respecter la Loi, ce qu’il n’a pas fait. Quel bel exemple de comportements illicites récompensés.
Cette réalité répond à un phénomène de société tout aussi important : plus de 54 % des habitants des centres-villes sont favorables à une ouverture dominicale des magasins. Les commerces qui ouvrent actuellement le dimanche réalisent plus du tiers de leur chiffre d’affaires sur cette journée. Sachant que 70 % des achats du dimanche sont exclusifs à cette journée, c’est un levier important pour notre économie. Le dimanche permet d’effectuer des achats en famille, que ce soit pour de la décoration d’intérieur ou pour du bricolage. Hypocrisie totale. Les français sont contre le fait de travailler le dimanche. C’est tout le paradoxe. Les enseignes ont également induit des comportements en ouvrant le dimanche auxquels les consommateurs se sont adaptés. Il est tout à fait possible de faire autrement, les grandes villes de province où la Loi est appliquée le démontrent. Les achats ne sont pas exclusifs à cette journée. Si vous avez besoin d’une chaise, vous l’achèterez, que ce soit un dimanche ou un jour de la semaine. D’où sortent ces chiffres alors qu’aucune étude n’a été réalisée ??? C’est pas difficile, c’est la reprise de l’argumentaire de Conforama. Du lobbying dans toute l’horreur que représente un tel déni de démocratie.

La consommation dominicale n’existe pas, il est vrai, de manière uniforme sur le territoire national. Dans toutes les zones rurales, la demande d’ouverture dominicale est moindre. Un sondage du CSA* le démontre : 67 % des Franciliens sont favorables à ces ouvertures contre 46 % des ruraux. Ces chiffres sont compréhensibles puisque la vie dans les agglomérations n’est pas la même que celle dans des départements ruraux ou semi-ruraux. Concernant le manque de temps, 61 % des Franciliens se disent très occupés la semaine, et cela se comprend : en semaine, les embouteillages autour des grandes agglomérations annihilent toute volonté de réaliser ses achats.

* NDLR : le CSA ne peut plus être considéré comme indépendant depuis l’arrivée majoritaire de Vincent Bolloré dans son capital

Pourquoi alors proposer une dérogation sur tout le pays ? L’argument du temps de transport est aussi stupide pour ceux qui ont déjà été pris dans les embouteillages des centres commerciaux le dimanche où il est impossible de traverser les zones et de se garer. Les temps de parcours sont les mêmes en province qu’à Paris puisque les centres commerciaux sont plus distants pour les consommateurs. Le temps de trajet est donc le même, sauf que le parcours ne se fait pas à la même vitesse.

IMPÉRATIF SOCIÉTAL ET ÉCONOMIQUE

De plus, un « commerce » ouvre légalement, sans autorisation, tous les dimanches, et cela depuis quelques années : le commerce en ligne, accessible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Depuis le début de l’année, 19 millions de Français ont acheté sur Internet, pour 9 milliards d’euros. Plus de 4 % de l’ensemble des ventes de vêtements réalisées en France se fait sur Internet !

Oui, justement, il n’est donc pas utile de demander aux salariés de faire les frais d’une consommation qui peut s’exprimer autrement. Qui possède les principales enseignes de l’e-commerce ? Ce sont les mêmes qui ont obtenu cet amendement. Après, on peut toujours parler de briser une situation de rente alors que le gouvernement ne fait que la renforcer. J’ajoute également que l’e-commerce crée aussi des emplois.

Selon un récent sondage, 53 % des Français ne souhaitent pas travailler le dimanche. Mais pour quelle raison empêcherait-on 47 % des Français d’exercer un des droits fondamentaux de notre Républ
ique : celui de travailler ? A l’heure où le pouvoir d’achat des Français doit être relancé, des centaines de salariés défilent pour pouvoir continuer à travailler le dimanche, à Plan-de-Campagne (Bouches-du-Rhône), Vélizy-Villacoublay (Yvelines) ou dans le Val-d’Oise. La question de l’ouverture dominicale, sous certaines conditions, doit se poser. Ne parlons pas des organisations syndicales qui représentent les salariés et qui, depuis quelques années, font tout pour empêcher ces mêmes salariés de travailler et, in fine, de gagner plus.

Parmi les 47% de français qui ne sont pas hostiles à travailler le dimanche, on trouve les plus misérables, eux qui sont près à accepter la précarité comme remède à leur situation. Les étudiants dont on nous rebat les oreilles des taux d’échec. Ils vont devenir des étudiants salariés du dimanche à temps partiel. La question de l’ouverture dominicale se fait sans condition. L’amendement déposé au Sénat ne suppose ni volontariat, ni majoration du salaire. Il n’y a aucun minima imposé. Comment les petits commerçants pourront ils suivre ce rythme ? Les salariés ne vont pas gagner plus. Il s’agit en réalité de régulariser une situation illégale. Il n’y aura pas d’embauche, pas de rémunération supplémentaire. Le pouvoir d’achat avancé comme argument ne résiste pas à l’analyse face à cette réalité.

L’ouverture dominicale doit permettre non seulement aux commerçants des zones concernées de ne plus aller à l’encontre du droit, mais, en plus, d’assurer une protection aux salariés et un accès au bénéfice de majorations salariales et d’un repos compensateur. Cette dérogation au repos dominical devra d’ailleurs impérativement se faire sur la base du volontariat des salariés. Face à ce double impératif sociétal et économique, il nous faut limiter le champ d’application de l’ouverture dominicale aux grandes zones agglomérées, en excluant la grande distribution. Le cynisme le plus total : Monsieur MALLIE propose t’il également « de légaliser le cannabis pour permettre aux consommateurs de ne plus aller à l’encontre du droit ? Il parle d’un volontariat. Où est-il dans le texte ? Comment le garantir ?Il parle d’une majoration salariale. Elle n’existe pas dans le texte. Il parle d’un repos compensateur. Il s’agit simplement d’une journée de repos un autre jour, pas d’un jour de repos supplémentaire. Où est la limitation aux grandes zones agglomérées ? Quel est ce nouveau concept ? S’agit il d’une conception qui s’articule avec l’aménagement du territoire ou va-t-elle encore renforcer les inégalités sur ce terrain entre les zones rurales et les zones urbaines ? Il veut exclure la grande distribution ? Alinea, c’est pourtant le groupe Auchan. Conforama, c’est le groupe PPR… D’autres géants qui, pour contourner cette règle n’auront qu’à éclater leurs activités.

Il appartiendra aux partenaires sociaux, au représentant de l’Etat et aux instances consulaires de s’entendre afin de définir un périmètre qui fera, ou non, l’objet d’une ouverture dominicale, site par site. La démocratie participative* : nous ne faisons pas qu’en parler ; nous l’appliquons.

NDLR : comme le traité européen, sans doute ?

La preuve, un amendement passe en urgence pour éviter aux copains d’avoir à payer les astreintes financières prononcées par des tribunaux qui demandent le respect de la Loi qu’ils ont délibérément choisi d’ignorer. Faut-il rappeler qu’en 2000, le code du travail prévoyait de faire respecter cette règle au profit de l’Etat qui devait empocher les astreintes ??? C’est mieux que les radars sur les routes, sauf que le public n’est pas le même.

Tenons compte non seulement des intérêts des consommateurs et des employés, mais aussi des données sociales et économiques : une loi nécessaire est une loi qui couronne les évolutions de la société.

La seule chose que cette Loi viendrait couronner, c’est les comportements illicites. La cerise sur un gros gâteau. Au niveau social et économique, il n’y a rien à attendre de cette mesure de positif. Demain, il sera trop tard pour revenir en arrière.

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