La pression du veau d'or

L’hebdomadaire « Famille Chrétienne » publie dans son numéro du 22 décembre un article sur la politique de Nicolas Sarkozy pour la relance du pouvoir d’achat, et y présente les 5 mesures phares censées traiter le problème : les primes et participations, les heures supplémentaires, l’indexation des loyers, le paiement des RTT, et le travail du dimanche.

Peu suspecte d’anti-Sarkozysme, la rédaction de Famille Chrétienne est très sombre sur l’efficacité supposée de ces mesures, et donne la parole à Joseph Thouvenel pour la question du travail du dimanche.

Joseph Thouvenel, secrétaire général adjoint de la CFTC, monte au créneau pour défendre le repos dominical.

Travailler le dimanche pour gagner plus, n’est-ce pas une possibilité revendiquée par une majorité de Français (sondage Ifop du 11 décembre) ?

Les sondages sur le repos dominical sont étrangement contradictoires. Car 59 % des Français se déclarent prêts à renoncer à travailler le dimanche et à ne pas gagner plus pour profiter intégralement du week-end, selon un sondage Ifop-Joumaldu dimanche du 8 décembre. À la question : « Vous personnellement, seriez-vous prêt à travailler le dimanche ?’, seulement 15 % des sondés répondent : « Oui, certainement ». Ce qui correspond au pourcentage de salariés employés habituellement le septième jour.

En juin 2006, 88 % des personnes interrogées par BVA voulaient préserver le dimanche comme jour de repos commun consacré à la vie personnelle, familiale ou associative. Quant aux professionnels concernés, 87 % des commerçants sont, d’après la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), 
favorables au repos hebdomadaire, et parmi eux, 93 % souhaiteraient que ce jour soit le dimanche.

Toujours d’après le sondage Ifop, l’opinion publique est de plus en plus favorable (63 %) à l’ouverture des enseignes le dimanche. Pourquoi résister?

Je ne suis pas sûr que les sondages sont le reflet exact de l’opinion publique. Fréquemment, la question posée est biaisée car elle ne différencie pas les commerces qui sont utilement et traditionnellement ouverts le dimanche (marchés, boulangeries…) – qu’il n’est évidemment pas question de fermer – des grandes surfaces.

Quels que soient les chiffres, le fond du problème est : quelle société construisons-nous ? Voulons-nous un temps dans la semaine où la production et la consommation sont mises entre parenthèses pour permettre la vie familiale, associative, culturelle et spirituelle ? L’homme n’est-il qu’une capacité à produire et à consommer? ou a-t-il une dimension sociale et spirituelle qui transcende ses pulsions matérialistes ? Laisser croire que le bonheur se trouverait dans les rayons des supermarchés est contraire à la conception de l’être humain défendue par la CFTC.

L’amendement à la loi Chatel va autoriser l’ouverture des enseignes d’équipement le dimanche. N’est-ce pas une bonne idée pour les familles ?

Certainement pas pour les familles de ceux qui devront travailler le dimanche, notamment des mères célibataires. Et que l’on ne parle pas de liberté de choix en la matière ! Quel est mon espace de liberté quand un tiers décide de m’embaucher ou non, de m’augmenter ou non, de me donner une prime ou non, fixe mes dates de congés ou de RTT? En outre, au cas où certains ne l’auraient pas remarqué, les magasins d’équipement sont ouverts du lundi au samedi, souvent tard le soir, et l’on peut de plus en plus effectuer ses commandes sur Internet.

C’est avoir une idée bien pauvre de la vie familiale que de penser que le lieu approprié d’épanouissement de celle-ci se trouve au milieu des machines à laver. La famille mérite un projet plus ambitieux que la consommation non-stop.

Benoît XVI s’inquiète de la mercantilisation du jour du Seigneur en Europe. Partagez-vous son inquiétude ?

Benoît XVI a raison. Alors que nos sociétés occidentales souffrent du manque de repères, ce marqueur essentiel pour l’équilibre de tous qu’est le repos dominical tend à disparaître sous la pression du veau d’or. Si, pour les catholiques, il semble clair que le dimanche doit rester un jour consacré à Dieu, les Européens doivent avoir conscience que l’Europe s’est très largement construite sur ses racines chrétiennes. Les renier en cédant au mercantilisme est suicidaire pour notre société. En ce sens, le combat pour le repos dominical est un véritable combat de civilisation.

C’est pour cette raison que la CFTC travaille de plus en plus étroitement avec les organisations syndicales sociales chrétiennes de notre continent. Chacun peut agir en signant la pétition pour le respect du repos dominical en ligne sur http://www.cftc-paris.com/.

 

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