Regardez bien ce qui se passe pour les 35 heures :
Première phase, on réduit le temps de travail des salariés, pour leur bien être, pour partager le travail.
En échange les patrons obtiennent :
– le principe de l’annualisation du temps de travail qui permet d’adapter les horaires des salariés aux contraintes économiques avec des semaines creuses et des semaines plus travaillées,
– une modération salariale, les organisations syndicales ayant accepté, contre le maintien du salaire, de modérer leurs revendications les années suivantes, ce qui a été fait. Il suffit de regarder les accords de branche concernant les minimas conventionnels depuis 2000,
– des réductions de charges sociales, au détriment des comptes sociaux.
Le deal initial : moins de travail pour les salariés avec la même rémunération, plus de flexibilité pour les entreprises.
Le résultat : des gains de productivité énormes (rapport entre le temps de travail et la production de chaque salarié), un salaire maintenu mais pas augmenté pour amortir le passage aux 35 heures (prime d’ARTT qui disparaît au fil des ans) et une plus grande souplesse pour les entreprises.
Deuxième phase, maintenant que les salariés sont beaucoup plus productifs, ont bien été pressés comme des citrons (regardez les suicides sur les lieux de travail et les salariés qui se plaignent à la Médecine du Travail de la dégradation de leur santé), bien flexibles, peu rémunérés, le gouvernement veut faire sauter les 35 heures en permettant aux employeurs de les faire travailler plus.
Les patrons obtiennent :
– la conservation des avantages précédemment cités (annualisation, productivité, modération salariale),
– de nouvelles exonérations de charges sociales, sur les heures supplémentaires, de nouveau au détriment essentiellement des comptes sociaux pas de ceux de l’Etat,
– la possibilité de retirer aux salariés tous les avantages obtenus précédemment à l’initiative de chaque employeur.
En échange, ils n’ont aucune obligation et peuvent ne pas donner d’heures supplémentaires, n’en donner qu’à certains salariés et pas aux autres.
Que reste t-il aux salariés ? Un avantage fiscal assez mince qui finira par disparaître au nom de la réalité de la dette publique, à condition qu’on leur donne des heures supplémentaires, la possibilité de « monétiser » leurs RTT, pour ceux qui en ont et si le patron le veut bien.
En réalité, le bilan social est bien mince. Il permet simplement de parler de rémunération globale au lieu de salaire. Il y aura ceux qui bénéficient de ces mesures et les autres qui ne verront rien venir, les recours massifs aux heures supplémentaires au lieu d’embauches dans certains secteurs (plus faciles d’emploi et bien moins chères)
C’est la flex-sécurité du MEDEF : flexibilité, je fais ce que je veux sans autre contrainte que celles de la production, la sécurité, la mienne puisque je ne dois de compte à personne. J’ai beau chercher, je ne vois aucune sécurité pour le salarié…
Que pourrait-il se passer pour le dimanche en suivant ce bel exemple :
Première phase, on le banalise tout en maintenant une rémunération majorée. On maintient le principe du « volontariat », sans donner la moindre garantie qui permette de le rendre effectif.
« Regardez, il est inscrit dans la Loi, c’est bien suffisant, les entreprises la respecteront », sans doute comme elles respectent le cadre légal actuel.
Le deal : travaillez le dimanche, vous gagnerez plus
Résultat : Le jour de repos commun des salariés saute. Le salarié gagne plus en termes de rémunération mais en réalité son salaire reste le même.
Il devient toujours volontaire, ce n’est pas difficile, les commentaires sur le site et sur d’autres le démontrent. Quelques recettes simples permettent d’y parvenir :
– il suffit de prévoir au contrat de travail quand il est embauché une déclaration de volontariat, on évince alors les non volontaires, (j’en ai déjà vu une dans un dossier)
– on le punit en le lui refusant lorsqu’il en a besoin pour payer ses factures (j’en ai déjà vu des exemples avec des délégués du personnel),
– on continue de maintenir des salaires à leur montant qui ne lui laissent pas d’autre choix économique et on refuse de les négocier,
– on promeut ceux qui ont l’esprit maison, belle et grande tradition imparable d’un point de vue juridique puisqu’on affronte une preuve impossible…
Deuxième phase, une fois entré dans les mœurs, on fait sauter la majoration au motif de l’égalité des salariés.
Réfléchissez : Qu’est-ce qui justifie un régime spécial pour le dimanche ?
C’est au nom de cette même égalité qu’a lieu la réforme des régimes spéciaux de retraite, un alignement toujours dans le même sens de situations « égales ».
Que direz-vous alors ?
Le jour du seigneur, mais « nous sommes dans un état laïc et républicain. »
Le jour de repos des enfants, mais « il y a le mercredi et le samedi (bientôt selon le Ministre de l’Education Nationale) »
L’ancien temps, mais « il est révolu, nous sommes en 2008 ».
Pour y parvenir, je prendrai même un salarié pour pousser le cynisme à son comble à qui je ferai faire un recours sur la violation du principe « à travail égal, salaire égal. »
Résultat, le dimanche sera devenu un jour comme les autres, pas plus payé et le salaire n’aura pas évolué. Les salariés n’auront plus le choix.
La société française sera alors sans âme.