Le Respect

Cela s’apprend.

C’est principalement ce que m’inspire le communiqué de presse de Monsieur DELATTRE qui s’enflamme subitement contre le syndicat Force Ouvrière lorsque l’enseigne phare située sur sa commune se trouve contrainte de respecter le Code du Travail. 

Lorsqu’un élu, ancien député et député honoraire qui plus est, commence à parler d’une confédération syndicale de salariés comme FO en la présentant comme un dinosaure ou un groupuscule, on est partagé entre l’envie d’engager une procédure en diffamation et celle de lui demander s’il aurait accepté qu’on lui parle comme cela à propos de ses idées, de ses opinions, de ses convictions ou de son action politique. 

Lorsqu’il finit ses propos en disant que le Code du Travail est à jeter aux orties car il faudrait davantage encore de flexibilité, c’est une injure faite aux salariés. Ils ne s’en sortent pas et ils supportent déjà le poids de la flexibilité, sans la moindre contrepartie depuis déjà plusieurs années. 

L’excès de ces propos les rend grotesques. 

C’est plutôt la démonstration de la méconnaissance par cet élu du problème de société qu’est le repos dominical. 

Nous sommes également bien loin de l’exemplarité que l’on attend d’un élu pour ce qui concerne sa vigilance à faire respecter les Lois de la République qu’il a contribué à faire voter, loin de la « tolérance zéro » prônée il n’y a pas si longtemps. 

Le fait que des tribunaux, à tous les niveaux et de tous ordres, rappellent que la Loi en vigueur est bafouée et doit être respectée ne semble pas même lui poser question. 

En tout cas, il est clair qu’il ne se pose visiblement pas celle des responsabilités d’une situation qu’il estime visiblement acquise. 

Pour démonter le fond de ses propos, nous allons examiner l’une après l’autre les affirmations de son communiqué de presse : 

« Les arguments non désintéressés de ce groupuscule ont pour conséquence immédiate » 

Je ne reviens pas sur le terme groupuscule éloquent du peu de considération de cet élu pour les partenaires sociaux. 

En visant le non désintéressement, il est plus patelin. 

Il ne veut vraisemblablement pas parler de la taxe professionnelle perçue par la Commune qu’il dirige. Il faudrait qu’il précise s’il a refusé cette manne économique, pour ce qui concerne la partie du chiffre d’affaires réalisé illicitement en employant des salariés le dimanche, ni des avantages que sa commune a pu tirer de l’implantation de cette enseigne. 

Non, il veut sans doute en réalité parler des astreintes. 

A ce jour, pas un seul centime pourtant n’a été versé par les enseignes puisque les astreintes ne sont pas liquidées. 

Elles sont en cours de liquidation pour celles des enseignes qui, malgré les décisions judiciaires continuent à braver la Loi. 

Le juge peut encore les modérer pour tenir compte du comportement de chacune d’entre elle et son empressement à respecter la Loi. 

Je renvoie ici à mon précédent article sur l’attitude de la société CASA qui a fini par fermer et la décision de FO qui a demandé une liquidation modérée à la seule marge illicite pour tenir compte de ce retour à l’application contrainte mais réelle de la Loi. 

Il aurait également fallu que le Maire de Franconville lise les décisions des juges pour constater que les astreintes n’ont pas vocation à être liquidées mais se veulent suffisamment dissuasives pour permettre le respect de la Loi. 

Le « L » majuscule à la Loi traduit le respect de la République et des Lois qui fondent un Etat de droit. 

Pour les élections prud’homales de l’an prochain, FO accepte de prendre des risques qui en auraient fait reculer d’autres pour défendre des idées et des valeurs. 

C’est l’idée que je me fais du courage. Qu’il soit syndical ou politique, c’est une vertu qui se raréfie. 

Pour cet élu, c’est plutôt une façon de surfer sur une vague qui ne peut que le porter. C’est une vision à court terme, pas un projet de société et une manière d’évacuer sans s’attarder ses responsabilités. 

« 130 emplois menacés dont la moitié tenus par des jeunes étudiants. » 

En quoi sont ils menacés ? Ne cherchez pas une démonstration juridique ou factuelle, il n’y en a aucune. 

Elle reste à ce jour impossible à faire. C’est la reprise d’une antienne des enseignes qui tentent ainsi de faire peur aux salariés pour les mobiliser à peu de frais et les monter contre les syndicats. 

C’est pourtant un ancien député, ancien membre de la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale, qui reprend cette affirmation à son compte et lui apporte le poids de sa parole, c’est-à-dire un de ceux qui durant plusieurs législatures a édicté les Lois de la République dont FO demande aujourd’hui simplement le respect. 

Une fois encore, je le rappelle, un employeur ne peut tirer de l’illégalité qu’il a commise un moyen de justifier le licenciement du salarié qu’il a engagé en violant la Loi en parfaite connaissance de cause. 

En relayant cette fausse information, quel est le but qui est poursuivi ? 

Est-ce faire avancer le débat que de vouloir mettre de l’huile sur le feu ? 

« une iniquité totale entre les villes : ainsi un concurrent d’Ikea, Leroy Merlin de Montigny, à quelques centaines de mètres, est ouvert le dimanche depuis des lustres » 

La Loi reste la même, que ce soit à Franconville, à Montigny ou à Herblay. Le postulat de départ utilisé dans son propos est donc parfaitement incorrect. La conséquence qu’il en tire est d’autant plus caricaturale. 

Pourquoi les élus de la République ne font ils pas respecter la Loi ? Pourquoi cet élu n’en appelle t’il pas plutôt à la responsabilité du Préfet à qui il appartient de mobiliser les moyens de l’Etat, celle des autorités judicaires, celle des autorités de contrôle et notamment la Direction Départementale de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, aux autres élus des villes voisines ? 

La violation par Ikea de la Loi lui a-t-elle posé un souci lorsqu’il s’est agi d’enseignes concurrentes respectueuses de la Loi en dehors de la ville dont il est Maire ? 

Je vous invite à vous souvenir des salariés et cadres de Conforama qui sont venus manifester à la fin septembre sous les fenêtres d’Ikea en criant à la concurrence déloyale, lorsque cette enseigne a fermé deux dimanche après sa condamnation. 

Visiblement, ils auraient dû pousser jusque la Mairie de Franconville parce que leurs cris pour la faire cesser
n’ont visiblement pas atteint l’élu qui y réside… S’il les a entendus, il est alors resté de marbre. 

Je rappelle qu’officiellement, une des raisons de la réouverture de Conforama, c’est qu’Ikea restait ouvert et risquait de détourner la clientèle du dimanche… 

C’est au tour maintenant du Marie de Franconville que de crier à la concurrence déloyale en visant un concurrent de la commune voisine. Nous allons voir si le Maire de Montigny l’entend et interviendra pour faire cesser les pratiques illégales sur le territoire de sa propre commune ou si comme son collègue de Franconville, il n’aura pas vent de la situation.

 

« Les dangers routiers et autoroutiers d’un report de la clientèle sur le samedi ont été démontrés par les bureaux d’études de la Direction Départementale de l’Equipement. A ce sujet, si un grave accident se produisait sur le territoire de Franconville, je porterai immédiatement plainte contre ce syndicat irresponsable. » 

C’est le summum de ce communiqué de presse. 

Il faudrait qu’il nous fournisse les études qui sont citées. Ni le Préfet, ni les enseignes ne les ont produites devant le Tribunal Administratif aujourd’hui. 

C’est bien dommage, nous pourrions alors prendre connaissance de la date à laquelle elles ont été réalisées. 

Lorsque le Maire de Franconville, déjà le même à l’époque, a autorisé l’implantation, dans une zone déjà largement saturée les fins de semaine, des 30.000 mètres carrés d’Ikea, décidant encore d’ajouter au trafic, alors que le repos dominical était déjà la règle, n’a-t-il pas jugé suffisantes les voies de desserte ? J’ai souvenir des plaintes des riverains et des élus de la Commune de Montigny à cette époque sur les conséquences de cette nouvelle implantation. 

S’il a estimé qu’il pouvait laisser s’implanter cette enseigne, la sécurité des personnes n’a-t-elle pas été au cœur de ses préoccupations ? 

Sans nul doute que si. Pas de viles préoccupations pour cet élu qui prend aujourd’hui le public à témoin. 

L’attraction de cette enseigne, sa profitabilité, les apports financiers pour sa commune ont sans nul doute pesé bien peu au regard du bien être de ses concitoyens, des riverains de cette zone commerciale qui ont vu cette belle bâtisse s’installer en face de chez eux, ne générant aucune nuisance, aucun trafic et aucune pollution. Le bleu profond et le jaune les font sans doute aujourd’hui rêver. 

Faut-il alors le considérer responsable de tout accident déjà survenu ou qui surviendrait un dimanche ? 

Son raisonnement consiste donc à se tirer une balle dans le pied. 

Il faut également lui rappeler que c’est la Loi qui prévoit le repos dominical des salariés. L’astreinte n’est que le support de son respect. Il va donc plutôt devoir attaquer l’Etat et les parlementaires qui ont voté cette Loi et l’ont amendé, notamment en 2000 et en 2002, à une époque où il était parlementaire… 

Une façon pour lui de se tirer une balle dans l’autre pied.

Maître Vincent Lecourt

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