Pouvait-on obtenir une réponse différente à la question posée ?
Telle est ma réaction à la lecture du sondage réalisé une nouvelle fois par le CSA pour le compte du Parisien et publié dans sa dernière édition dominicale qui dit que 51% des français sont favorables à l’ouverture des commerces le dimanche.
Tous se souviendront sans doute que lorsque l’on est certain de ce qu’on souhaite trouver, il suffit de trouver la bonne question pour obtenir le résultat escompté.
Un récent fiasco judiciaire en a été la démonstration absolue pour ceux qui ont de la mémoire.
La justice a tenté de tirer des leçons de ses errements et de quelques autres qui l’ont précédé en apprenant à ses enquêteurs à poser des questions ouvertes, à enregistrer les questions comme les réponses sur les procès verbaux et à chercher à cultiver le doute.
Bref, lorsqu’on se plante, normalement, on cherche à en tirer des leçons et à s’améliorer.
Le sondage du CSA qui vient d’être réalisé est la démonstration qu’une méthode qui continue à être appliquée sans discernement produit des résultats qui aboutissent à travestir une réalité plus complexe en réduisant le débat à sa plus simple expression.
Non que Le Parisien puisse être à blâmer de souhaiter poser une question qui l’avait été en décembre dernier, mais au sondeur de ne pas s’interroger sur les résultats du sondage réalisé par son concurrent BVA dont la méthode aboutit à un résultat sans doute plus complet à une question dont chacun sait qu’elle est complexe.
Quel consommateur n’est pas favorable à l’ouverture du dimanche. En fait, sans doute aucun.
C’est pratique, lorsque l’on a besoin de quelque chose de trouver un commerçant prêt à nous le vendre. C’est la même chose la nuit. Seul celui qui n’a jamais manqué d’un paquet de couche pourrait le nier.
Cela doit il justifier l’ouverture des magasins 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 ? Le père aimant qui change son fils serait tenté de dire oui. Le sondeur aurait pu poser d’ailleurs cette même question.
Mais en poussant la réflexion plus loin, que reste t’il ?
Ce que le sondage BVA avait en son temps pointé du doigt, c’est que nous avons une opinion de consommateur égoïste qui change du tout au tout lorsqu’il s’agit de savoir si le sondé est quant à lui prêt à travailler le dimanche.
Accepteriez vous de travailler le dimanche ? Cette question là, elle n’a pas été posée et elle est pourtant fondamentale.
J’avais récemment une conversation avec une fonctionnaire émérite qui a signé la pétition présentée par les employés de CONFORAMA que l’enseigne avait envoyé manifester en septembre devant le magasin IKEA, coincée qu’elle était dans un embouteillage provoqué par lesdits manifestants.
Lorsque j’ai évoqué que le Tribunal pourrait également travailler le dimanche, ce qui arrangerait les justiciables et qui permettrait de rendre une justice plus rapide, de divorcer en quelques semaines, de combler les retards pris par bien des procès, de créer des emplois, j’ai eu un tout autre son de cloches.
Encore une fois, la question que pose l’ouverture du dimanche, c’est un choix de société plus complexe.
Doit-on privilégier l’homo consumeris liberalis ou l’homo laboris miserabilis ?
Maître Lecourt