Arrêt contradictoire du 12 janvier 2007

 L’arrêt qui condamne la société Conforama

 

Extrait des minutes de Greffe
de la Cour d’Appel de Versailles

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 82E

24ème chambre

ARRET N° 1

CONTRADICTOIRE

DU 12 JANVIER 2007 R.G. N° 07/00022

AFFAIRE :

S.A. CONFORAMA FRANCE

c/

UNION
DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS CFTC DU VAL D’OISE

Décision déférée à la cour :

Ordonnance de référé rendue le 21 Décembre 2006 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE

N° RG : 06/01282

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le 12 JAN. 2007 à :

SCP BOMMART-MINAULT
SCP GAS

LE DOUZE JANVIER DEUX MILLE SEPT,

 

 

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A. CONFORAMA FRANCE,

dont le siège est : 80 boulevard du Mandinet – 77185 LOGNES, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

Concluant par la SCP BOMMART-MINAULT, avoués – N° du dossier 00033944

Plaidant par Me Stéphane FREGARD, (avocat au barreau de PARIS)

APPELANT

************

UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS CFTC DU VAL D’OISE,

dont le siège est : Maison des Syndicats – 26 Rue Francis Combe – 95014 CERGY PONTOISE CEDEX, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Concluant par la SCP GAS, avoués – N° dossier 20070006 Plaidant par Me Vincent LECOURT, avocat au barreau de PONTOISE

INTIMEE

************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 03 Janvier 2007 devant la cour composée de :

Madame Sylvie MANDEL, président,
Madame Annie DABOSVILLE, conseiller, remplaçant
Madame Marie-Christine MASSUET, conseiller, en vertu d’une ordonnance du 3 janvier 2007
Monsieur Marc REGIMBEAU, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Didier ALARY

 

La société CONFORAMA exploite trois établissements sur le département du Val d’Oise au sein desquels elle vend principalement des meubles.

Par lettre en date du 7 décembre 2006, le comité d’entreprise CFTC a sollicité de la directrice de l’établissement CONFORAMA de Herblay, la fermeture du magasin les dimanches 24 et 31 décembre 2006. Puis par lettre en date du 11 décembre 2006, l’Union Départementale du Val d’Oise du syndicat CFTC a indiqué à la directrice de ce même établissement qu’il s’opposait à l’ouverture des dimanches 24 et 31 décembre 2006 en accord avec la section syndicale de l’établissement.

C’est dans ces circonstances que par assignation délivrée sur autorisation présidentielle du 19 décembre 2006, l’Union Départementale de la CFTC du Val d’Oise a assigné en référé la société CONFORAMA aux fins de voir faire interdiction à cette dernière d’ouvrir le dimanche et ce, sous astreinte provisoire de 150 000 euros par jour d’infraction et ce pour chacun des établissements sis à Garges les Gonesse, Saint Brice sous Forêt et Herblay. Elle sollicitait par ailleurs le versement d’une somme de 2 000 euros en application de l’article 700 duNCPC et demandait que l’ordonnance à intervenir soit exécutoire sur minute.

CONFORAMA concluait au rejet de la demande et subsidiairement sollicitait la réduction de l’astreinte. Elle réclamait par ailleurs le paiement d’une somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du NCPC.

Par ordonnance de référé en date du 21 décembre 2006 le Premier Vice-Président du tribunal de grande instance de Pontoise, a fait interdiction à la société CONFORAMA d’ouvrir ses magasins d’Herblay, Garges les Gonesses et Saint Brice sous Forêt le dimanche aussi longtemps qu’elle n’aura pas obtenu d’autorisation dérogatoire à cet effet de l’autorité compétente et ce sous astreinte de 100 000 euros par infraction constatée par magasin. Il a en outre condamné la société CONFORAMA au paiement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du NCPC.

Autorisée par ordonnance en date du 29 décembre 2006 a interjeté appel pour l’audience du 3 janvier 2007, la société CONFORAMA demande à la cour d’infirmer l’ordonnance entreprise dans son intégralité, à titre subsidiaire de cantonner le fermeture dominicale aux seuls dimanche 24 et 31 décembre 2006, à titre infiniment subsidiaire de réduire le montant de l’astreinte. Enfin, elle réclame le versement d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du NCPC.

Elle soutient que la fermeture le dimanche des magasins concernés constitue une violation des règles de concurrence devant présider au sein d’un même secteur commercial dès lors que les magasins concurrents sont ouverts sans qu’ils justifient d’une autorisation préfectorale d’ouverture. Elle ajoute que les dispositions de l’article L 221-5 du code du travail aux termes duquel le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche est incompatible avec le droit communautaire et en particulier avec l’article 28 du traité en matière de libre circulation des marchandises, avec l’article 43 en matière de libre circulation des services et avec la directive du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail et qui consacre le principe du repos hebdomadaire de 24 heures sans qu’aucune circonstances puisse justifier l’inclusion obligatoire du dimanche. Elle prétend par ailleurs que la finalité de l’article L 221 -5 du code du travail relève de l’ordre public social et qu’elle est donc susceptible d’aménagements. Sur ce dernier point, elle insiste sur le fait que le travail dominical se fait sur la base du volontariat et que la grande majorité des salariés des magasins y est favorable. La société CONFORAMA expose par ailleurs que la fermeture le dimanche aura des conséquences négatives tant du point de vue financier qu’au niveau de l’emploi. Enfin, elle soutient qu’en prononçant une mesure de fermeture de façon générale tous les dimanches, le juge des référés, a été au-delà du pouvoir que lui confère les dispositions de l’article 809 du code de procédure civile. En tout état de cause, elle estime que le montant de l’astreinte est disproportionné au regard du préjudice qui prétend être causé.

L’Union Départementale des Syndicats CFTC du Val d’Oise réfutant chacun des moyens invoqués par la société CONFORAMA conclut à la confirmation de l’ordonnance et réclame le versement d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du NCPC.

SUR CE, LA COUR.

Considérant que l’article L 221-5 du c
ode du travail impose de donner aux travailleurs le repos hebdomadaire le dimanche ;

Que CONFORAMA ne saurait valablement soutenir qu’en ordonnant, en application de ce texte, la fermeture le dimanche de ses établissements sis à Herblay, Saint Brice sous Forêt et Garges les Gonesses, il est porté atteinte à l’égalité de la concurrence au motif que ses concurrents sont manifestement ouverts le dimanche ;

Qu’en effet, la mesure ordonnée ne constitue qu’une application de la loi çt qu’il n’appartient pas au juge de tenir compte de considérations économique^ ou de l’évolution des habitudes des consommateurs dans l’application d’une réglementation d’ordre public qui a pour objet d’assurer la protection des salariés et qui en l’état du droit positif s’impose à tous; qu’il est pour le moins paradoxal d’exciper de la liberté du commerce pour violer un texte législatif ;

Considérant au surplus, qu’ainsi que l’a relevé le premier juge, il existe un dispositif de dérogations possibles sur autorisation préfectorale, précisément pour tenir compte des impératifs de la concurrence et de l’intérêt des consommateurs, autorisations que CONFORAMA ne justifie avoir sollicité qu’après le prononcé de l’ordonnance entreprise ;

Considérant que la règle dominicale de fermeture du dimanche ne se heurte pas davantage au droit communautaire positif ainsi que l’a rappelé à plusieurs reprises la Cour de justice des Communautés Européennes et notamment dans un arrêt du 28 février 1991 opposant l’Union Départementale des syndicats CGT de l’Aisne à la société SIDEF-CONFORAMA ;

Que cette interdiction ne porte ni atteinte à la libre circulation des marchandises, ni à la libre circulation des services dès lors qu’elle s’applique à tous les distributeurs de meubles tels que CONFORAMA et affecte de la même manière, la distribution des produits nationaux d’ameublement et celle des produits provenant d’autres Etats membres d’une part, la délivrance des services nationaux ou en provenance d’autres Etats membres dans ce secteur d’autre part et que cette mesure est destinée à assurer la protection des salariés ;

Que si la directive 2003/88/CE qui a remplacé la directive 93/104 prévoit en son article 5 que les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que chaque travailleur bénéficie au cours de chaque période de 7 jours d’une période minimale de repos sans interruption de 24 heures auxquelles s’ajoutent les 11 heures de repos journaliers prévues à l’article 3, chaque Etat membre demeure libre de déterminer le choix de ce jour ; que ce choix peut être dicté par des considérations de nature historique, culturelle, sociale ou religieuse relevant de l’appréciation de chaque Etat ;

Considérant enfin que CONFORAMA ne peut valablement soutenir qu’en lui interdisant de façon générale d’ouvrir ses 3 magasins le dimanche, le premier juge a outrepassé les pouvoirs qui lui sont conférés par les dispositions de l’article 809 du NCPC;

Que l’emploi de salariés par CONFORAMA le dimanche, dans les trois établissements ci-dessus désignés, sans bénéficier d’une dérogation aux dispositions de l’article L 221-5 du code du travail constitue un trouble manifestement illicite en ce qu’elle rompt l’égalité au préjudice des commerçants qui exerçant la même activité respectent la règle légale et en ce qu’elle porte atteinte au droit des salariés de bénéficier d’un repos hebdomadaire le dimanche ;

Que l’ordonnance entreprise doit donc être confirmée en ce qu’elle a fait interdiction à la société CONFORAMA d’ouvrir ses magasins de Garges les Gonesse^Saint Brice sous Forêt et Herblay, dans le Val d’Oise le dimanche aussi longtemps qu’elle n’aura pas obtenu d’autorisation dérogatoire à cet effet de l’autorité compétente ;

Considérant que pour assurer l’exécution de cette décision, il convient de l’assortir d’une astreinte provisoire ; qu’eu égard aux circonstances de l’espèce, au fait qu’un nombre relativement important de salariés ne sont pas opposés à travailler le dimanche, aux chiffres d’affaires et à la marge moyenne réalisée par CONFORAMA dans ses magasins le dimanche, il convient de ramener cette astreinte à la somme de 40 000 euros pour le magasin d’Herblay, de 35 000 euros pour le magasin de Saint Brice sous Forêt et de 30 000 euros pour le magasin de Garges les Gonesses et ce par infraction journalière constatée ;

Considérant que l’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du NCPC ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement :

– CONFIRME l’ordonnance entreprise sauf en ce qu’elle a fixé le montant de l’astreinte à la somme de 100 000 euros et en ce qu’elle a condamné la société CONFORAMA au paiement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du NCPC,

LE RÉFORMANT de ces chefs et statuant à nouveau :

– CONDAMNE la société CONFORAMA au paiement d’une astreinte provisoire de 40 000 euros (quarent mille euros) pour le magasin d’Herblay , de 35 000 euros pour le magasin de Saint Brice sous Forêt et de 30 000 euros pour le magasin de Garges les Gonesses et ce par infraction journalière constatée faute de respecter l’interdiction qui lui est faite d’ouvrir le dimanche aussi longtemps qu’ elle n’aura pas obtenu d’autorisation dérogatoire à cet effet de l’autorité compétente,

-DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 duNCPÇ,

– CONDAMNE la société CONFORAMA aux dépens de première instance et d’appel dont les dépens seront recouvrés directement par les avoués de la cause conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été avisées préalablement dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau code de procédure civile.

– signé par Sylvie MANDEL, président et par Didier ALARY, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

 

LE GREFFIER                                  LE PRESIDENT

 

Laisser un commentaire