L'UMP dynamite le principe du repos dominical

Programme 2007 : l’UMP choisit de dynamiter le principe du repos dominical

Avec l’aimable autorisation de l’auteur, nous publions un article de Thibault Mortier, paru sur Agoravox le 6/12/2006, qui présente, pour ce qui concerne le travail du dimanche, les dispositions que l’UMP présente dans son programme officiel.

(URL de l’article original http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=16302 – Vous pouvez voter et/ou commenter l’article)

Sur ce point, le programme de l’UMP a le mérite d’être clair, mais la perspective de l’UMP pour le travail du dimanche est consternante : le parti de Nicolas Sarkozy prévoit rien moins que de dynamiter le principe du repos dominical, en prévoyant l’ouverture des commerces le dimanche.

(Le site n’entend dénigrer aucun parti que ce soit. Il ne s’agit ici aucunement d’une attaque qui serait dirigée contre l’UMP, mais simplement de présenter les propositions de l’UMP pour ce qui concerne le repos dominical)

 

Programme 2007 :
l’UMP choisit de dynamiter
le principe du repos dominical

« 48 heures pour le projet de la France d’après », ce n’est pas la Redoute, mais c’est sous ce titre que l’UMP a consacré deux jours, ces 25 et 26 Novembre 2006, à travailler à son projet législatif.

A cette occasion, le parti de Nicolas Sarkozy a présenté aux suffrages de ses membres un programme articulé en deux parties. La première présente un exposé des principes dont veut s’inspirer le parti, tandis que la seconde détaille les propositions de gouvernement qui en découlent.

Si les domaines abordés sont évidemment nombreux, nous ne relevons ici que ce qui concerne le point particulier du travail du dimanche, dont il est de plus en plus question, notamment à l’occasion des affaires Vuitton ou Usines Center.

Le programme de l’UMP, s’inscrivant dans la continuité des déclaration de son chef (discours d’Agen, 22/6/06) a au moins le mérite d’être clair: l’UMP tiraillé entre une demande forte des consommateurs et un refus encore plus fort des salariés, a choisi, par ce projet adopté à 97,5%(!) des votants, de dynamiter le principe du repos dominical.

Voici ce que dit le programme de l’UMP, au sujet du dimanche :

« Mais la France est surtout le seul pays du monde qui interdit à ceux qui veulent travailler plus de le faire ! Interdit de travailler lorsqu’on est étudiant, sauf à perdre la bourse dont on bénéficie. Interdit de travailler plus que 35 heures si un accord de branche s’y oppose. Interdit d’ouvrir un commerce le dimanche, même si tous les salariés sont d’accord. Interdit de reculer l’âge de son départ à la retraite même si l’on se sent encore en pleine forme ou que l’on a besoin de vous ! »

UMP-projet législatif 2007, page 27, chapitre « Revaloriser le travail »

Les programmes politiques sont maintenant des produits tellement marketés que la juxtaposition des propositions qu’ils énoncent est parfois cocasse. Ainsi, il est par exemple assez piquant de relever que l’UMP, par nature assez peu encline aux révolutions, prévoit rien moins que de ressusciter les soviets de travailleurs, en estimant que devrait devenir légale toute proposition sur laquelle la majorité des salariés d’une entreprise seraient d’accord. Une taupe soviétique se serait-elle infiltrée rue de la Boétie ?!

Mais soyons plus sérieux.

Dans ce chapitre, « Revaloriser le travail », l’UMP relève d’un air contristé que « la France est le pays de l’OCDE où l’on travaille le moins« , et en parle comme d’un « triste record« , ou d’une maladie honteuse. Toutefois, l’UMP ne parle pas d’un autre record, qui est celui de la productivité des salariés français, l’une des meilleure au monde, si ce n’est la meilleure. Un oubli, sans doute.

Or que propose l’UMP, pour combler ce retard fâcheux sur nos voisins de l’OCDE ? De passer de 35 heures à 38 heures ? De retarder de 5 ans l’âge de la retraite ?? Que nenni !

Pourtant, le parti de M Sarkozy, disposant à l’Assemblée d’une écrasante majorité de députés soumis, d’une opposition qui fut longtemps atone, et de syndicats relativement calmes, ne peut pas avoir les coudées plus franches. Qui ne se souvient, d’ailleurs, des hurlements de l’UMP au moment de l’instauration des 35 heures, à la ruine de la France qui allait s’ensuivre, la banqueroute, la révolution, peut-être ?

Mais non. Les créatifs de l’UMP proposent plus efficace, plus novateur : faire travailler les salariés le dimanche (après avoir presque réussi la suppression du lundi de Pentecôte). La nature du remède proposé rend assez difficile de croire en la véracité de la prétendue maladie…

Toujours dans le même chapitre, « Revaloriser le travail« , l’UMP évoque une nouvelle liberté qui serait révolutionnaire : celle de travailler plus pour gagner plus, un argument déjà employé en d’autres circonstances.

« Une nouvelle liberté : celle de travailler plus pour gagner davantage

La liberté de travailler plus pour gagner plus sera reconnue comme un droit. Les entreprises pourront négocier avec leurs salariés le régime des heures supplémentaires ou la transformation de RTT en jours travaillés. Il en sera de même pour les agents publics qui seront volontaires pour s’affranchir de la règle des 35 heures. Chacun pourra choisir l’âge de son départ à la retraite et arbitrer lui-même entre travailler moins longtemps ou avoir une pension de retraite plus élevée. Si les salariés sont volontaires, les maires pourront autoriser l’ouverture des commerces le dimanche. »

UMP – projet législatif 2007, page 27/28, chapitre « Revaloriser le travail »

Quelle belle idée, soi dit en passant, que de proposer d’inscrire dans le droit – et pourquoi pas dans la constitution – la « liberté de travailler plus pour gagner plus ». L’histoire ne dit pas s’il sera interdit de travailler moins pour gagner moins !

Ainsi donc, l’UMP, sous réserve de l’accord du Maire, prévoit de pouvoir ouvrir les commerces sans autre limite que le volontariat des salariés. Si tel devenait le cas, il est clair que les entreprises en B to B et les administrations seraient visées dans la foulée, puisque le consommateur modèle, épanoui de pouvoir enfin aller chez Ikéa le dimanche pour y acheter l’armoire de ses rêves, comprendrait mal de ne pouvoir le même jour retirer la carte grise de son véhicule, ou de s’adresser à son employeur pour obtenir le relevé de ses points de retraite.

Or l’UMP ne peut pas ignorer qu’environ trois français sur quatre, selon toutes les enquêtes d’opinion, ne
veulent pas travailler le dimanche, préférant le consacrer aux activités sociales, familiales ou spirituelles.

Donc de deux choses l’une. Soit l’UMP énonce volontairement une proposition de gascon, dont elle sait qu’elle n’arrivera jamais à exécution, car les majorités de salariés stakhanovistes seront impossibles à trouver dans les entreprises.

Soit, plus probable, l’UMP a une vision somme toute assez réaliste du degré véritable de liberté des salariés. En effet, quelle est la marge de manœuvre réelle d’un salarié dont l’entreprise décide d’ouvrir sept jours sur sept ? Un candidat à un poste peut-il vraiment refuser de travailler le dimanche, surtout, par exemple, s’il est quinquagénaire ?

Bientôt, des caissiers de cinquante-cinq ans dans tous les hypers le dimanche ?

Si le noble objectif de « revaloriser le travail » est inscrit aux principes dont l’UMP entend porter haut les couleurs à l’occasion de l’élection de 2007, la proposition qui en découle pour ce qui concerne le travail du dimanche est la suivante :

« Permettre aux maires d’autoriser l’ouverture des commerces le dimanche, sous réserve du volontariat et de la juste rémunération des salariés concernés, pour que chacun soit libre de consommer ou de travailler le dimanche. »

UMP – programme législatif 2007, proposition n°8

Hardiment, l’UMP entend se cacher derrière les maires, qui devront donc, en plus de leur gestion au quotidien, souvent très courageuse (car réellement proche du terrain), faire front face aux pressions qu’ils ne vont pas manquer de subir de la part des grands groupes de distribution, commissions occultes à la clé, des syndicats, des associations de lobbying, des commerçants, etc.

Venant d’un « grand » parti comme l’UMP, la niaiserie de la restriction « sous réserve de volontariat et de juste rémunération » n’est pas sans étonner. Si la question du « volontariat » a été évoquée ci dessus, la question de la « juste rémunération » est aussi un concept assez vague pour se prêter aux pièges les plus grossiers : faisons miroiter de grosses primes pour faire passer l’idée dans la loi, et, une fois celle-ci passée, supprimons ensuite ces primes.

L’UMP n’a même pas la primeur de l’idée, c’est de cette façon que cela s’est passé en Irlande.

Il est difficile, enfin, de ne pas relever la phrase « pour que chacun soit libre de consommer ou de travailler le dimanche« , point culminant d’une pensée purement matérialiste et consumériste, sans doute partagée par M Le Lay, qui avait eu cette phrase restés célèbre pour définir son métier : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de ce cerveau humain disponible. » (Déclaration à la presse de M. Le Lay, 2004).

Ceci démontre que la question du repos dominical est beaucoup plus large que le souci du groupe LVMH, qui voudrait bien pouvoir vendre le dimanche des sacs Vuitton aux Japonais sur les Champs. Consumérisme sans limites, ou réflexion sur le mode d’organisation communautaire du temps, il s’agit d’un vrai choix de société, d’un des éléments qui constitue le visage de la société dans laquelle nous voulons vivre, et pour lequel on pourrait souhaiter que ceux qui se présentent aux suffrages des électeurs présentent des projets différents de ceux que leur soufflent leurs analystes marketing, ou les représentants des grandes chaînes de distribution, qu’ils y mettent davantage de convictions, d’idées fortes, de valeurs morales, d’honnêteté, de courage, voire de rêve. Pour de vrai.

Le programme législatif 2007 de l’UMP est disponible ici : http://www.ump-legislatives2007.org/index.php?section=texte&id=14

Un site de référence sur le travail du dimanche : www.travail-dimanche.com

Laisser un commentaire