Polémique autour du travail dominical

Deux propositions de loi ont relancé la polémique sur l’ouverture des magasins le dimanche. Salariés et patrons du secteur préparent leurs arguments en vue d’un éventuel débat parlementaire.

Il y a des centenaires plus apaisés. Alors que l’on vient tout juste de célébrer les 100 ans de la loi du 13 juillet 1906, qui instaure le dimanche comme jour de repos hebdomadaire, cette disposition du code du travail n’a jamais été autant remise en cause malgré les multiples dérogations qui ont été accordées depuis (lire ci-dessous).

Dernier coup de boutoir : la proposition de loi déposée le 25 juillet par 10 sénateurs UMP autour du sarkozyste Roger Karoutchi, élu UMP des Hauts-de-Seine. Elle consiste à habiliter le maire à autoriser toute l’année les commerces de détail à ouvrir le dimanche, et à porter à dix par an, au lieu de cinq actuellement, le nombre de dimanches ouvrables pour les grandes surfaces.

Trois semaines auparavant, le député UMP de Paris, Pierre Lellouche, avait lui aussi déposé à l’Assemblée nationale une proposition de loi, prônant cette fois la possibilité de déroger au repos dominical pour toutes les « activités de service en relation directe avec le public ».

Arlésienne de l’actualité sociale, l’aménagement du repos dominical est surtout une marotte des amis de Nicolas Sarkozy, qui, en mai 2004, alors qu’il était aux commandes à Bercy, s’était exprimé en faveur de 10 possibilités annuelles d’ouverture dominicale. Les proches de Dominique de Villepin sont, eux, plus réservés. Le ministre du commerce Renaud Dutreil a même estimé le 29 juillet que l’ouverture dominicale détruirait « des centaines de milliers d’emplois ».

56% des personnes interrogées favorables à plus de souplesse
L’idée semble cependant faire son chemin puisque, selon un sondage Ifop pour La Croix réalisé fin juin, 56 % des personnes interrogées seraient désormais favorables à un assouplissement de la loi, contre 46 % deux ans plus tôt. Profitant de cette plus grande tolérance dans l’opinion publique, deux entreprises ont décidé de passer à l’offensive.

Ainsi, les magasins Usines Center de Villacoublay (Yvelines), condamnés le 14 juin pour une ouverture dominicale pratiquée depuis des années, ont décidé de rouvrir le dimanche tout en déposant près de 120 demandes de dérogation auprès du préfet. Quant au magasin de luxe Louis-Vuitton, situé sur la très touristique avenue des Champs-Élysées à Paris, il a été lui aussi sommé, le 31 mai dernier, de fermer le dimanche… avant d’être finalement autorisé à ouvrir, en attendant un nouvel examen du dossier.

Dans ce contexte tendu, chaque camp fourbit ses arguments, dans l’attente d’un éventuel débat parlementaire. Côté syndical, sans surprise, l’idée est très combattue, la fédération CGT du commerce dénonçant une « véritable régression sociale » tandis qu’à la CFTC, Joseph Thouvenel rappelle qu’« il s’agit d’un véritable choix de société pour savoir si la vie économique des entreprises doit primer sur la vie personnelle et familiale des salariés ».

Le repos dominical et ses dérogations
D’après l’article L. 221-5, le « repos hebdomadaire doit être donné le dimanche » aux salariés mais il ne concerne pas les commerçants qui exploitent seuls leur fonds de commerce. Cependant, deux types de dérogations existent :

  • des dérogations de plein droit pour les commerces alimentaires «qui peuvent employer des salariés le dimanche matin jusqu’à midi» et les entreprises qui ne peuvent s’interrompre pour raisons techniques ou qui sont nécessaires à une «vie économique et sociale»
  • des dérogations sur autorisation pour les entreprises où le repos dominical «serait préjudiciable au public» ou «compromettrait gravement» leur fonctionnement ; des dérogations permanentes pour les «zones touristiques ou thermales» ; des dérogations « cinq dimanches par an » pour les commerces de détail
  • « Il n’est pas normal que certains maires refusent les dérogations »
    Mais le projet ne fait pas non plus l’unanimité chez les patrons du secteur. Lucien Odier, président du Conseil national des succursalistes de l’habillement (Célio, Zara…), plaide pour « l’égalité juridique » : « La loi autorise les commerçants qui exercent sur Internet ou sur les petits marchés à travailler le dimanche. Pourquoi pas nous ? »

    Tout comme Jacques Périllat, président de l’Union du grand commerce de centre-ville (UCV), qui réclame une « clarification des règles juridiques », expliquant par exemple qu’« il n’est pas normal que certains maires, comme ceux de Nantes et Rennes, refusent systématiquement d’accorder les cinq dérogations annuelles alors que d’autres le font sans problème ».

    À l’inverse, à la Fédération nationale de l’habillement (FNH), qui représente 55.000 petites boutiques, Charles Melcer dénonce un « non-sens économique » : « Tant que le pouvoir d’achat n’augmentera pas, le client qui va dépenser son argent le dimanche dans des grands magasins qui auront les moyens de payer des heures supplémentaires dépensera moins en semaine dans les petits magasins. Or on sait que les emplois des petits commerces sont pérennes tandis que ce sont souvent des salariés précaires qui travaillent le dimanche. »

    Nathalie BIRCHEM
    La Croix du 07-08-2006

    L’avis du Père Ubu

    Alors, Père Ubu, ça te fait rire ?
    Pas tellement. Au final, c’est quoi, le but ? Que les gens aillent à Auchan le dimanche ? Et pourquoi pas en pleine nuit, non plus ? On va finir par bosser 20 heures par semaines, 365 jours par an. Et Black Jack annonce qu’il veut défendre le lien social ? Quelle connerie !

     

     

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