Liagre vs Tournez

l’ouverture des magasins le dimanche

Un débat entre le PDG d’Usines Center, qui a monté une association pour la promotion de l’ouverture de ses magasins le dimanche, qui défend la consommation et le commerce débridé, et Daniel Tournez, secrétaire général de l’Indecosa-CGT, qui défend l’art de vivre.

Article paru dans la revue 60 millions de consommateurs.

 

 

POUR

Christian Liagre

Président de l’association « Le dimanche », fondateur des Usines Centers
 
« Nous sommes favorables à la liberté du commerce et à celle des consommateurs »

«Notre association est favorable à l’ouverture dominicale des magasins. D’abord parce que nous défendons la liberté du commerce et celle des consommateurs : si certains commerçants souhaitent ouvrir le dimanche, pourquoi ne le peuvent-ils pas ? Si les consommateurs ont envie de faire des achats ce jour-là, pourquoi les en empêche-t-on ? Il est aberrant de fermer les commerces quand les salariés disposent de temps pour faire leurs achats. Heureusement que des petits épiciers sont ouverts tout le week-end et le soir dans les grandes villes !

Bien entendu, le dimanche n’étant pas un jour comme les autres, il est indispensable de respecter certaines règles. Les salariés doivent être volontaires et avoir la possibilité de changer d’avis. Ils doivent recevoir une compensation financière, par exemple le doublement de leur salaire ce jour-là. Par ailleurs, le système n’est viable que si un accord est signé entre les patrons et les syndicats. Des emplois temporaires seraient également créés. Qui peut prétendre que l’ouverture le dimanche ne favoriserait pas l’activité économique et ne contribuerait pas à la lutte contre le chômage ? Actuellement, 25 % de la population active travaille déjà le dimanche, dans les transports, la santé, les services, les loisirs, etc., mais pas les commerçants qui n’ont droit d’ouvrir que cinq dimanches dans l’année, à moins d’être en zone touristique et de vendre des produits de loisir. Bizarrerie : à Paris, les Champs-Elysées sont en “zone touristique”, mais pas le Marais ou la tour Eiffel !

Le cadre légal actuel est inadapté. Des grandes surfaces de meubles ou de bricolage ouvrent le dimanche malgré la loi, quitte à payer amende sur amende. La bagarre du petit commerce contre l’ouverture dominicale est une erreur stratégique : il en profiterait largement avec des surcoûts salariaux moins importants que ceux des grandes surfaces. À l’heure d’Internet, il faut cesser de raisonner comme il y a cinquante ans. Quant à savoir s’il est bon de permettre aux consommateurs d’aller dans les magasins le dimanche, c’est à eux seuls d’en juger.»

 

CONTRE

Daniel Tournez
Secrétaire général de l’Indecosa-CGT

« C’est tout un art de vivre qui se retrouverait mis en question »

«Nous sommes opposés à l’ouverture systématique des magasins le dimanche ou les jours fériés, non seulement en tant que syndicat défendant les salariés, mais également au titre de représentants des consommateurs. Aujourd’hui, de nombreuses personnes travaillent déjà avec des horaires décalés, le soir, le dimanche ou les week-ends avec des conséquences négatives sur leur vie de famille. Il leur est difficile d’organiser des repas ou des sorties avec leurs proches, ce qui pose des problèmes relationnels.
On fait valoir que les salariés sont généralement libres de refuser de travailler le dimanche. On oublie que la plupart ont besoin d’améliorer leur pouvoir d’achat et qu’ils ne le font pas forcément de gaieté de cœur. Quant aux vendeurs temporaires, sur quel contrat de travail peuvent-ils compter ? Le travail le dimanche n’aurait qu’un très faible impact sur le chômage. Si les ouvertures se multipliaient, on glisserait rapidement vers une généralisation touchant le commerce, puis l’industrie. On ne peut pas imaginer que les grandes surfaces ouvrent pendant que les petits commerçants restent fermés, la concurrence serait fatale à ces derniers. Il faudrait aussi approvisionner les rayons, ce qui soulèverait un problème de sécurité alimentaire pour certaines denrées fragiles, sauf si les industriels de l’alimentation assuraient ce jour-là les livraisons. Ce serait la surenchère. À terme, toute l’activité économique reprendrait le dimanche

Les consommateurs seraient-ils satisfaits ? S’ils se rendent dans les magasins ouverts le dimanche, ce n’est pas par nécessité, ils profitent simplement de l’occasion. Lorsqu’on évoque la nécessité de s’adapter aux méthodes de vente modernes, en se référant aux sites marchands sur Internet, on oublie que les achats en ligne ne sont que des commandes. Les consommateurs ne repartent pas avec les produits. Beaucoup de personnes ne s’imaginent pas, d’ailleurs, quelle est la vie des salariés contraints de travailler le week-end. C’est tout un art de vivre qui se trouve remis en question, une façon de partager un temps échappant au travail et à la consommation.» 

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