Travail du dimanche: quel impact sur la vie de famille?

Rien ne remplace les moments passés ensemble le dimanche, affirme le sociologue Jean-Yves Boulin. Travailler ce jour-là a particulièrement un impact sur les femmes et les familles monoparentales.

Alors que la question de l’assouplissement du travail du dimanche est en discussion au Parlement dans le cadre de l’examen de loi Macron, Jean-Yves Boulin, sociologue chercheur associé à l’Irisso, université Paris-Dauphine, spécialiste de la question du temps de travail, nous explique l’impact de cette mesure sur notre société. 
Notre Temps: Quel est l’impact du travail du dimanche sur la sphère familiale ?

J.Y Boulin: "Le dimanche est un jour avant tout consacré aux activités familiales et amicales, où chacun peut se retrouver. Les personnes qui travaillent ce jour-là ont une perte de sociabilité familiale et amicale très forte. C’est mécanique: ils ne sont pas chez eux et ce moment ne peut pas se rattraper en semaine, même en s’organisant autrement. Les enfants sont à l’école, si vous êtes en couple, l’autre conjoint travaille souvent à son tour. D’après différentes études, les travailleurs du dimanche perdent en moyenne trois heures trente de loisirs en famille. C’est le jour qui impacte le plus la vie familiale et sociale. A la différence du samedi, où chacun fait souvent davantage d’activités de son côté."

Pour l’individu, quelle différence entre travailler le dimanche ou un autre jour de la semaine?

J.Y Boulin: "Dans notre représentation symbolique, les jours de la semaine sont consacrés au travail, le dimanche au repos. Dans toutes les sociétés depuis la plus haute Antiquité, il y a un jour de rupture dans l’organisation de la semaine. Même dans les pays où tous les commerces sont ouverts ce jour-là, par exemple aux Etats-Unis, ce n’est pas un jour comme un autre. La société ralentit son rythme: banques, entreprises et administrations sont fermées. Nous l’observons dans les enquêtes; cela reste une journée particulière, y compris pour les retraités. Le dimanche, le repas est différent, on ne voit pas les mêmes personnes. Ne pas y participer peut engendrer un sentiment d’exclusion. Bien sûr, chacun se réorganise la semaine, mais il y a des impacts sur les conditions de vie."

Quel est le profil du travailleur du dimanche?

"Notre société est déjà très engagée dans le travail du dimanche, cela concerne 8 millions de personnes, soit 30% de la population active, avec une croissance importante ces vingt dernières années. Les femmes et les familles monoparentales sont parmi les plus concernées. Bien souvent, ce sont des personnes qui sont déjà en horaires atypiques dans la semaine, à temps partiel, en horaires décalés ou fragmentés. Pour elles, l’organisation de la vie familiale est déjà compliquée la semaine et se poursuit le dimanche. Imaginons qu’avec la nouvelle loi Macron, les grands magasins, assimilés à des zones touristiques, ouvrent jusqu’à minuit. Comment ces personnes, qui habitent souvent loin de leur lieu de travail, vont-elles rentrer chez elles? Cette loi va imposer à  une catégorie de la population déjà peu favorisée des conditions de travail et de vie plus difficiles.

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