Censure rejetée, et après ?

L’article 49.3 est quelquefois nécessaire à un gouvernement mis en difficulté par les circonstances, et cet instrument constitutionnel, bien que son utilisation soit délicate, ne peut pas être rejetée dans tous les cas.

D’autre part, précisons que la personnalité d’Emmanuel Macron n’est pas en cause. Tout au long de ces débats épuisants, il a montré un engagement et une capacité de travail peu commune et qu’il faut saluer. Il est seulement à regretter que bien souvent, ses interventions ne soient pas des réponses aux questions posées, mais une répétition des argumentaires de ses communicants, réduisant le débat d’idées à l’application d’un plan marketing.

Les points qui ont posé problème sont de plusieurs ordres.

D’une part, la nature "fourre-tout" du projet de loi. Au lieu de faire travailler les ministères  sur leurs domaines, Bercy a imposé un catalogue de mesures tous azimuths, nécessitant des heures d’épuisants débats, et un travail nécessairement bâclé, traité sans le recul nécessaire. Sur le point du travail du dimanche, il n’est que de prendre connaissance du honteux "rapport" de France-Stratégie pour s’en convaincre.

Le second point est la rupture de l’esprit de la loi avec les positions du Parti Socialiste, et les promesses du candidat Hollande. Qu’il soit appelé virage social-démocrate ou tournant ultra-libéral, le virement de bord est orthogonal, selon le mot de M. Macron. Comment ce point du travail du dimanche, vivement combattu par les socialistes au moment de la loi Mallié, en vient à être imposé à coup de 49.3 par les mêmes socialistes ? Comment un électeur, en voyant le projet de M. Attali, initié par M. Sarkozy, prendre forme sous M. Hollande, peut-il éviter la tentation d’un vote désespéré ?

Le troisième point est l’absence de rapport entre les enjeux présentés et les moyens envisagés. Lorsqu’un ministre parle de "libérer la croissance", et qu’il vient expliquer que cette libération viendra par le travail du dimanche, le transport par autocars, ou la vente de nos aéoports aux Chinois, la tentation du citoyen oscille entre le fou-rire et la pitié. Les grands problèmes sont connus : poids de dette, poids du secteur public, alignement public/privé, fonctionnement de la justice, problème des retraites, confiance dans les institutions, interrogations identitaires, complexité du droit du travail et des systèmes en général. Or cette loi ne s’attaque à aucun de ces grandes questions, à tel point que personne n’en attend grand-chose, pas même le Président Hollande.

Pour le travail du dimanche, trois autres défauts viennent s’ajouter à ce constat : le flou du projet initial (pas de définition des Zones Commerciales ni des ZTI, pas de définition des compensations), l’absence de démonstration de son l’utilité économique, et le travail des lobbies de la distribution laissant à penser que cette loi est faite selon leur unique intérêt (car sinon, pourquoi autant d’acharnement, alors que cette loi n’était demandée par personne d’autre ?).

Il y avait peu de chances que le projet Macron suscite l’entousiasme de la majorité présidentielle, qu’elle prenait à contre-convictions. M. Valls ne comptait que sur le soutien du centre et de la droite pour la faire passer, espérant recycler l’attentat de la rue Nicolas Appert pour évoquer l’union nationale. Las, au fil des débats, la réalité des idées de M. Attali est apparue au grand jour, et l’opposition s’est refusée à tomber dans cette instrumentalisation, tandis que les Ecolos et le Front de Gauche montraient leur différence. Les plus courageux ont certainement été les Frondeurs, qui ont du braver les pénibles éructations de M. Valls visant à les intimider, alors qu’ils ne faisaient que ramener le PS à ses engagements, et que les ouvertures qu’ils avaient proposées avaient été écartées par M. Macron.

Et c’est seulement ici que l’emploi du 49.3 apparaît illégitime : car le potentiel rejet de la loi Macron par l’Assemblée ne relevait absolument pas d’une obstruction politique, d’un chantage quelconque, ou d’une tentative de déstabilisation du régime, mais simplement, à l’issue de débats extrèmement longs, de l’absence de pertinence de ce projet de loi pour une majorité des élus du Peuple. Il s’agit bien là d’une utilisation qui constitue un déni de démocratie, tel que M. Hollande le dénonçait lorsqu’il était Premier secrétaire du PS.

La suite dira si le travail des Sages pourra ramener ce projet à moins d’aberrations. A voir les menaces grimaçantes de M. Valls à se servir à nouveau d’un 49.3, la tâche ne sera pas facile. Nous l’y aiderons, dans la mesure de nos moyens.

Etienne NEUVILLE
Secrétaire Général du CAD 

 

Laisser un commentaire