Vers une extension du travail du dimanche et de nuit

 

 

Commerce Le gouvernement veut faire passer de cinq 
à douze par an les « dimanches du maire » et étendre 
les zones de dérogation permanente au repos dominical. 
Il prévoit de créer des zones de « tourisme international » autorisant travail du dimanche et de nuit.

Les salariés pris dans le casse-tête d’horaires de travail atypiques goûteront la formule. D’après le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, le problème ou « blocage » est que « la plupart de ceux qui veulent travailler le dimanche ou en soirée n’en ont pas le droit ». C’est donc pour « libérer » ces salariés que le gouvernement s’apprête à étendre les possibilités de travail du dimanche et de travail de nuit (entre 21 heures et 6 heures du matin selon le Code du travail), même s’il pense faire passer la pilule en parlant de travail « en soirée ».

Les grandes lignes du futur projet de loi « pour l’activité », présentées hier par le ministre lors d’une conférence de presse, frappent fort en matière de déréglementation du travail. Comme le préconisait le rapport Bailly remis en décembre dernier au gouvernement, le nombre de « dimanches du maire » où les commerces peuvent ouvrir passerait de cinq à douze par an, dont cinq seraient « garantis ». Autrement dit, les maires ne pourront plus s’opposer totalement à l’ouverture dominicale des commerces sur leur territoire. Les actuelles zones touristiques et périmètres d’usage de consommation exceptionnel (Puce), où l’ouverture dominicale des commerces est autorisée toute l’année, seront « aménagées » avec « ajout du critère de potentiel économique ». Une formulation assez floue pour que de telles zones puissent être créées partout en France autour des centres commerciaux, alors que les Puce étaient réservées aux agglomérations de plus d’un million d’habitants. Comme le suggérait le rapport Bailly, le gouvernement annonce une « compensation » pour les salariés qui seraient payés double le dimanche, mais uniquement dans les entreprises de plus de onze salariés. Un leurre, d’après Karl Ghazi de la CGT commerce : « On voit mal les employeurs payer durablement leurs salariés à 200 %. Soit ils se rattraperont en baissant les effectifs, soit ils reporteront le coût sur le consommateur, soit ils remettront à terme ces majorations en question. »

Mais le projet dépasse la feuille de route du rapport Bailly, avec la possibilité d’ouvertures dominicales dans les « principales gares » – une « dizaine » en France, a précisé le ministre de l’Économie. Et surtout, il prévoit la création de « zones touristiques de dimension internationale à fort potentiel économique », où « le travail en soirée et le dimanche doit pouvoir être autorisé si accord majoritaire et volontariat contre compensation (payé double) ». Une innovation qui répond au cas des grands magasins du boulevard Haussmann à Paris, qui n’ont jamais décroché le classement en zone touristique, et aux enseignes des Champs-Élysées comme Sephora, qui vient d’être condamnée à fermer à 21 heures, faute de démontrer la nécessité de faire travailler ses salariés la nuit. Karl Ghazi dénonce le « lobbying de Sephora, qui comme par hasard vient de relancer une négociation sur un accord sur le travail de nuit, en anticipant sur ce projet de loi. Il y a une coordination évidente entre ces patrons et le gouvernement ».

Les critères de ces zones de tourisme international seraient définis par décret, puis la délimitation par arrêté « après concertation avec les élus » locaux, a précisé le ministre hier, en soulignant le caractère « sensible » de la question. Allusion à la situation dans la capitale, où le Conseil de Paris a refusé en 2010 le classement du boulevard Haussmann en zone touristique, et doit se prononcer début décembre sur les travaux d’une mission d’évaluation en cours sur la question.

 

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