Christophe Dufour, évêque coadjuteur d'Aix et Arles, regrette la logique libérale de la loi

La Provence, 26/9/09

Travail dominical : « Ne volez pas le dimanche au Bon Dieu », écrit l’évêque

Christophe Dufour, évêque coadjuteur d’Aix et Arles, regrette la logique libérale de la loi

Il y a quelques jours à Aix, l’évêque Christophe Dufour – futur successeur de MgrFeidt – signait un éditorial dans le journal diocésain et sur le site internet , intitulé: « Ne volez pas le dimanche au Bon Dieu ». Un texte au ton acéré, revenant sur la loi portée par le député UMP Mallié, qui autorise l’ouverture dominicale des commerces dans certaines zones. Entretien.

– Comment avez-vous accueilli la loi votée cet été ?
Christophe Dufour  : 
« Je suis arrivé dans la région il y a un an. Dans mon homélie d’accueil, j’avais déjà évoqué Plan-de-Campagne. C’est une orientation que je compte donner: expliquer que le dimanche, ce n’est pas seulement la messe, mais aussi un temps de bonheur, de solidarité. L’occasion de se tourner vers les gens en difficulté. De développer les rapports entre toutes les générations, tous les milieux sociaux, d’accueillir les étrangers, de plus en plus nombreux dans notre région. » 

– Pour vous, que signifie le dimanche ? 
« La question est de savoir si l’on veut une société uniformisée -où tous les jours de la semaine se ressemblent- ou bien avec un rythme. Moi, je préfère la seconde option. Ici, les seuls arguments avancés sont les arguments économiques. C’est la logique de l’argent. On nous dit: ces emplois sont vitaux pour les étudiants. Mais peut-être qu’il faut inventer quelque chose pour eux. On doit être capable de leur soumettre une alternative. 

Par ailleurs, nous ne sommes pas sûrs que la seule logique économique tienne: une étude en Allemagne a démontré qu’ouvrir plus longtemps ne fait pas consommer plus. En France, le Credoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) estime que l’ouverture dominicale aura un faible impact économique. » 

– Quelle est la place de l’Église dans ce débat ?
« Il s’agit d’un vrai débat de société -à distinguer du débat parlementaire. Les syndicats ont pris la parole, les partis politiques aussi. Les églises ont fait entendre leur voix. Les chrétiens respectent le dimanche, comme les juifs le samedi ou les musulmans le vendredi. À Jérusalem, qui accueille toutes les religions, les commerçants chrétiens n’ouvrent pas le dimanche… » 

– Vous percevez donc cette loi libérale comme une menace pour la vie spirituelle…
« Le libéralisme menace la vie spirituelle, mais aussi la vie en société. Cette dernière ne peut pas se baser uniquement sur l’argent. C’est devenu une mécanique, une aliénation. Nous devenons dépendants du marché…
J’en appelle à la résistance. Si nous ne sommes pas d’accord, nous ne devons pas aller faire nos courses le dimanche. Ça devient un engagement personnel. » 

– Certaines écoles de pensée estiment qu’on consomme trop. Partagez-vous cette conception ? 
« Il ne faut pas raisonner en terme quantitatif, mais d’un point de vue qualitatif. J’espère que la consommation de demain, on la vivra autrement. Nous ne pouvons plus considérer la Terre comme un gigantesque self-service. Aujourd’hui, les Occidentaux achètent encore des terres en Afrique pour les derniers gisements de pétrole: c’est invraisemblable au XXIe siècle! » 

– La Bible dit pourtant que l’homme doit exploiter la Terre… 
« Le croyant considère que la vie, la Terre et l’univers sont un cadeau. Ou bien nous le recevons en jouisseurs, ou bien en humains
responsables. Après deux ou trois siècles de développement économique à tout crin, nous devons prendre nos responsabilités. Il y a une prise de conscience, mais qui n’a pas encore changé nos comportements. »

Par Julien Danielides ( jdanielides@laprovence-presse.fr )


 

Laisser un commentaire