Travail du dimanche, c'est aux maires de choisir

Nord Eclair, 10/09/09 VIOLAINE MAGNE

Petit à petit la loi sur le travail dominical fait son chemin. Le préfet de région a donné hier la liste des villes dans lesquelles les commerces pourront ouvrir les dimanches. C’est maintenant aux mairies de décider.

Idéologie ou pragmatisme, le maire d’Halluin, Jean-Luc Deroo, a choisi. L’édile socialiste d’Halluin est très favorable au fait de demander un « périmètre d’usage de consommation exceptionnelle » sur sa ville permettant aux commerces d’ouvrir le dimanche. Notamment dans le quartier jouxtant la Belgique. « Nous souhaitons que les gens qui vont acheter des cigarettes, des fleurs ou une glace à Menin dans le quartier des Baraques puissent aussi le faire à Halluin », explique Jean-Luc Deroo.

Voilà des années que le maire d’Halluin bataille pour obtenir un statut de ville touristique et l’autorisation d’ouvrir les magasins de la rue de Lille.

« Et là, on ne parle pas de grandes surfaces, mais bien de commerces de proximité qui rendent une commune conviviale », précise-t-il.

Si une telle décision est prise en conseil municipal, elle va totalement à l’encontre des positions de son parti et de la majorité à la communauté urbaine de Lille. « Mais la communauté urbaine ne vit pas à proximité du quartier des Baraques. Halluin est dans sa situation très spécifique, alors qu’on nous laisse le droit à l’originalité ! », rétorque le maire d’Halluin.

« Rue de la Monnaie, ça n’avait pas marché »
Hormis la zone frontalière, tous les yeux vont être braqués sur la ville centre. La mairie socialiste de Lille acceptera-t-elle le travail dominical sur son territoire ? Martine Aubry demandera-t-elle au préfet de classer le quartier de Wazemmes ou de la Grand-place en périmètre d’usage de consommation exceptionnelle ? « Avant toute prise de décision de Mme le maire, il y aura une concertation avec les fédérations du commerce de la ville », affirme sans se mouiller Jacques Mutez, l’élu en charge du commerce. Il jure que rien n’est tranché, même si l’hostilité pour le travail du dimanche au sein de la majorité n’est un secret pour personne. « On a fait l’expérience, rue de la Monnaie et ça n’a pas marché, précise-t-il. Il n’y avait pas un chat… » Surtout, Jacques Mutez craint une inégalité au sein de la communauté urbaine entre communes ouvertes et fermées le dimanche et il déplore que Lille métropole n’ait aucun rôle à jouer dans cette histoire. La preuve, le voeu de sauvegarder le repos dominical émis en conseil en décembre 2008 a été balayé par l’arrêté préfectoral. « À Lambersart, à Marcq-en-Baroeul, ils voient bien aussi que ça ne sert à rien ! » 

À Marcq, « ça ne se justifie pas »
En effet, Bernard Gérard, le maire UMP de Marcq, ne va pas se précipiter pour faire voter une délibération en conseil municipal. Pourtant, il est favorable à la régularisation par la loi des salariés travaillant le dimanche. « Si la question est « est-ce que je suis favorable au travail du dimanche en général ? » la réponse est non. Il faut une contrepartie claire pour le salarié. » Mais il assure : « sur ma ville, ça ne se justifie pas ». Par contre, il se justifie à la frontière et… à Lille « une ville internationale et touristique ». Et de mentionner, l’air de pas y toucher, le casino lillois « ouvert tous les soirs, le samedi et le dimanche ». La rue de Béthune à Lille sera-t-elle bientôt gorgée de badauds le dimanche ? La question n’a pas fini d’être posée. Une réunion concernant les dérogations au repos dominical est prévue cette semaine à la communauté urbaine de Lille.

« Cette loi ne va bénéficier qu’aux grandes surfaces »
Hier, le combat entre la CFDT et Match continuait devant la cour d’appel de Douai. La semaine dernière, l’enseigne a été condamnée parce qu’elle ouvrait 7 jours sur 7. Un symbole en plein débat sur le travail du dimanche.La CFDT espère bien faire de cette bataille juridique un symbole contre le travail du dimanche. Hier, le syndicat se retrouvait à nouveau face à l’enseigne de supermarché Match à la cour d’appel de Douai pour le deuxième round. Il l’avait attaquée pour non respect d’un arrêté préfectoral exigeant que les magasins ouvrant le dimanche ferment un jour dans la semaine. Hors les magasins Match sont ouverts 7 jours sur 7. Et il l’avait remporté la semaine dernière, contraignant Match à une fermeture hebdomadaire sous peine d’une astreinte de 10 000 E par jour. L’enseigne a donc fait appel et le jugement sera rendu le 23 septembre prochain.Match avait huit jours pour se mettre en conformité. Les magasins étaient donc ouverts dimanche dernier. « Ils étaient dans les clous, mais maintenant, c’est terminé, on va passer, regarder et faire constater s’il y a des irrégularités », assure Jean-Yves Dubucquoy secrétaire général de la CFDT commerces et services de Lille et environ.Ce feuilleton judiciaire intervient en pleine application de la loi sur les dérogations au repos dominical. « Nous, on attend sur cette question, les positions des différents maires, notamment la position officielle de Martine Aubry, même si on la connaît officieusement, explique Jean-Yves Dubucquoy. Nous avons d’ailleurs demandé à le rencontrer. » Vie de famille saccagée D’ailleurs il révèle qu’à Lille, « les commerçants nous ont encouragés discrètement, ils savent que cette loi ne va bénéficier qu’aux grandes surfaces. Les boulangers, les bouchers, les marchands de journaux seront pénalisés parce que les gens iront faire leurs courses dans les grands magasins. C’est tout un tissu social qui est remis en cause. » Pour lui, le travail le dimanche dans les magasins aura aussi des répercussions sur les conditions de travail dans d’autres branches : « On parle des commerces, mais les agents de sécurité devront aussi travailler ainsi que les transports de fonds et les services de banque qui devront réceptionner l’argent, ça va faire boule de neige et ce sera de pire en pire. Ce que je vois surtout, c’est la vie de famille saccagée : c’est difficile d’élever ses enfants quand on travaille samedi et dimanche… » La loi est votée depuis plusieurs semaines déjà, mais la CFDT Commerce veut empêcher que le débat sur le travail du dimanche soit clos trop vite. V.M.

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