La voix du Nord : Le bonheur des salariés se conjugue-t-il en jour de repos ou en euros ?

Une question de fond est abordée – partiellement – par la Voix du Nord à l’occasion de l’affaire Match. Les salariés, au final, sont-ils plus heureux d’être contraints par voie de justice que leur employeur les contraigne à se reposer un jour par semaine, au risque de perdre une fraction de leur salaire ? C’était la question de Nicolas Sarkozy, dans sa brusquerie et son infantilisme : « Pourquoi veut-on interdire à un salarié qui le souhaite de travailler le dimanche ? »

Cette question ne peut s’examiner dans le simple cadre individuel : « j’ai envie et je peux travailler le dimanche, donc je dois pouvoir travailler le dimanche ». Poser la question de cette façon est un point de vue à très courte vue, car en société, aucun comportement personnel, « envie » individuelle, n’est sans incidences sociales. Sur moi même tout d’abord, puisqu’une règle permanente (le travail continu) créée sur une envie ou une possibilité temporaire, va se transformer en contrainte à plus ou moins long terme. Ensuite sur ceux qui m’entourent, les collègues de travail (encadrement compris) qui ne partagent pas forcément la même « envie » mais qui seront contraints à la même règle du travail continu. Puis les enseignes du même secteur, qui seront contraintes à l’adoption de la même règle pour des questions de concurrence. Puis les enseignes des autres secteurs (services, transports, etc), soumis à la même pression.

Et quel est le bénéfice du travail continu ? Une « prime » misérable, instrument supplémentaire par lequel les grandes enseignes peuvent jouer facilement sur les salariés ? Ne serait-il pas plus juste de consentir à des salaires – et des horaires – décents, pour les salariés de la grande distribution ?

Oui, il est bon pour l’homme en général, qu’il dispose d’une journée de repos hebdomadaire, pour sa santé physique comme morale. Et il est bon pour la société en général que ce jour de repos soit commun à tous, hormis bien évidemment les services nécessaires. Et c’est précisément le rôle de l’Etat que d’instaurer et de protéger ces règles, rôle régalien qu’il abandonne en allant publiquement soutenir les délinquant économiques, et en promulguant des lois telles la loi Carabistouille, qui ne servt que des intérêts mercantiles personnels.

vendredi 25.09.2009, 04:50 – La Voix du Nord

L’obligation faite par la cour d’appel de Douai aux supermarchés Match de fermer un jour par semaine en cas d’ouverture dominicale constitue un cinglant rappel à la loi (« La Voix » d’hier). Cela étant, tous les salariés n’en sortent pas peut-être forcément plus heureux…

C’est le directeur général de la SAS Match qui a d’emblée soulevé en termes crus le problème dès l’annonce de l’arrêt de la cour d’appel, mercredi matin. « Cette décision aura des conséquences économiques mais aussi sociales », estime en effet M. Gallo. Le patron de l’enseigne, qui s’exprimait pour la première fois depuis le début de l’affaire, en juillet, rappelle que l’ouverture des magasins sept jours sur sept avait permis de créer 85 emplois dans les treize supermarchés de la métropole (1) concernés par l’action en justice de la CFDT. « 70 % des effectifs travaillaient le dimanche ; sans ce jour de travail, certains collaborateurs vont perdre jusqu’à 300 E bruts par mois. Seuls les volontaires travaillaient le dimanche avec une majoration du salaire de 100 % et une autre journée de repos hebdomadaire. »

« Temple d’argent » contre « bien-être »

À cela, la réponse des syndicalistes de la CFDT est, elle aussi, inébranlable : «  Les salariés travaillent presque tous le samedi, si en plus, ils sont aussi sur le pont le dimanche, que reste-t-il de leur vie de famille ? », s’interroge Jean-Yves Debucquoy, responsable de la section commerce et services. « La grande distribution ne pense qu’à son temple d’argent, nous, au bien-être des salariés », ajoute Thierry Delahousse, son collègue de l’union locale CFDT. « L’ouverture sept jours sur sept a conduit à de graves dysfonctionnements quant à la prise du repos hebdomadaire, complète Dominique Bianchi, l’avocat du syndicat.

Dans certains magasins, des salariés n’ont pas pu prendre de repos durant quinze, voire vingt jours d’affilée. » Que faut-il donc pour être plus heureux ? Un dimanche à la maison ? Ou plus d’euros dans le portefeuille ? À cette question de philo pour lycéen de terminale, une caissière d’un Match de Lille répond : « Le dimanche, c’est plus cool que le samedi et on gagne plus, c’est vrai. Maintenant, ça fait trois semaines qu’on dort le dimanche matin. Mais on verra nos fiches de paie à la fin du mois… » •

FRÉDÉRICK LECLUYSE

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