Travail dominical : le casse-tête du salaire

Les Echos, 09/07/09

Les mêmes contraintes, mais pas les mêmes contreparties : c’est, pour les salariés, tout le paradoxe de la proposition de loi Mallié sur le travail dominical, en cours d’examen à l’Assemblée. Dans sa volonté de mettre fin à « la jungle des dérogations » et de clarifier des situations « absurdes », le gouvernement prend le risque d’instaurer un système à deux vitesses, dont la lisibilité et la justification ont continué hier à être au coeur du débat parlementaire.

Le texte institue en effet une nette inégalité entre salariés, selon leur lieu de travail. Pour ceux des« Périmètres urbains de consommation exceptionnelle » (Puce), le travail dominical sera basé sur le volontariat et entraînera obli ga toire- ment des revalorisations salariales, par accord ou par référendum interne. A l’opposé, ceux des zones touristiques ne pourront pas refuser le travail et rien n’obligera à les payer plus.

Une équation complexe

Cette inégalité pourrait braquer l’opinion, comme l’ont bien compris les syndicats et l’opposition, qui en font un de leurs principaux angles d’attaque. L’équation est complexe, puisque l’exécutif refuse d’imposer des revalorisations salariales dans les zones touristiques : il estime que le travail dominical y est « structurel » et ne veut pas pénaliser une activité que le texte vise au contraire à développer.

« Il y a aujourd’hui 180 métiers avec des dérogations de droit et 3,5 millions de salariés qui travaillent le dimanche à des conditions définies avec leur employeur. On ne peut pas venir tout remettre en cause avec des obligations. Si on demande par exemple aux loueurs de skis de doubler les salaires le dimanche, beaucoup vont mettre la clef sous la porte », explique Richard Mallié (UMP). « Ceux qui travaillent déjà ont des conventions de toute nature qui ne leur permettent peut-être pas d’être payés double, mais d’avoir des récupérations, des systèmes qui protègent leurs droits », fait aussi valoir Xavier Darcos, ministre du Travail, qui fait notamment allusion au travail saisonnier.

Des accords internes

La question reste toutefois entière pour les salariés des commerces en zones touristiques qui n’avaient pas le droit d’ouvrir le dimanche et pourront désormais le faire. Le ministère du Travail mise sur les grandes enseignes pour bâtir « naturellement » des accords internes sous la pression de leurs syndicats. « Beaucoup payent déjà double quand elles ouvrent les cinq dimanches fixés par le maire », fait-il remarquer. Certes, mais rien n’indique, comme le soulignent les syndicats, que les petits commerces, nombreux dans les zones touristiques et aux moyens plus limités, auront la même approche.

Dans ce contexte, la piste d’une solution intermédiaire tient la corde. Mardi, avec l’approbation de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée, le Nouveau Centre a déposé des amendements rendant obligatoire l’ouverture – mais pas la conclusion, contrairement à la règle dans les Puce – de négociations sur les contreparties dans les zones et communes touristiques, comme cela s’est déjà fait (lire ci-dessous). L’idée, qui fait désormais peu ou prou consensus au sein de la majorité, serait de lancer le mouvement sans rien imposer pour autant.

DEREK PERROTTE, Les Echos

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