Gérard Filoche : le retour au travail le dimanche serait du vandalisme social

Gérard Filoche est inspecteur du Travail et miltant socialiste, espèce apparemment en voie d’extinction… Accueilli par Télérama pour un chat ce 17 juin, journée de protestation sociale, Gérard Filoche ne mache pas ses mots, et rappelle quelques points forts, dont le point du travail dominical. (Article complet sur le lien lire la suite, une lecture intéressante.)

Sur le chat de Télérama, 17 juin 2008

bouh : Qu’en est-il de la réforme envisagée du repos dominical ?
Gérard Filoche : Vouloir faire travailler des femmes caissières, pauvres, précaires, le dimanche s’apparente à du vandalisme social. Ça fait un siècle qu’on a conquis le droit au repos dominical. Il faut vraiment être sacrément réactionnaire pour vouloir le remettre en cause.
Cela reviendrait à remplacer la civilisation du loisir par la civilisation du Caddie, à empêcher un jour commun de rencontre dans toute la société entre les femmes, les hommes, les enfants, les familles, les amis, les associations, etc.

Gérard Filoche : “Demandez des hausses de salaires partout !”

Le 17 juin 2008 à 16h30 Réagissez réagissez Envoyez à un ami envoyez à un ami   Imprimez imprimez
Mots-clés : code du travail     35 heures     tchat     Gérard Filoche

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LE FIL IDéES – Menaces sur les retraites, les 35 heures, le code du travail… Nous avons choisi ce mardi 17 juin, journée de protestation sociale, pour accueillir Gérard Filoche, inspecteur du trav
ail et militant socialiste. Durant une heure, il a répondu en direct à vos questions. Voici la transcription de la discussion.

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Gérard Filoche : Bonjour !

J.H. de la Roche-Bernard : Cher Monsieur, Télérama vous présente comme « inspecteur du travail et militant socialiste ». A quel titre allez-vous intervenir pour qu’il n’y ait pas mélange des genres ?
Gérard Filoche : Comme militant syndical et politique. En cette journée de grève, c’est normal

bigk87 : Bonjour, je lis assidûment Gérard Filoche, alors j’ai bien conscience de la casse…. mais ils attaquent de partout pour faire tomber l’édifice « protection & acquis sociaux » (retraites, 35h, code du travail…), alors de quel côté défendre en premier pour éviter que la belle structure ne s’effondre ?
Gérard Filoche : Il faut se battre en priorité pour l’augmentation des salaires, car tout le reste en dépend. Si vous augmentez les salaires, vous renflouez en même temps les caisses de retraite et de Sécurité sociale. Si vous augmentez les salaires, les gens peuvent faire face à la hausse des prix de l’essence et du logement. Si vous augmentez les salaires, vous prenez aux profits une grande part de ce que, depuis vingt ans, ils ont pris aux salariés. Et en défendant les 35 heures, on défend aussi les salaires, car toute attaque contre les 35 heures, dorénavant, ne peut avoir comme résultat que la baisse des salaires.

Justine : Ne pensez-vous pas qu’il est grand temps d’en finir avec la semaine de 35 heures ?
Gérard Filoche : En 70 ans, la France a prouvé qu’elle pouvait faire trois choses à la fois : réduire la durée du travail de 40 h à 39 h et à 35 h, augmenter la productivité, et augmenter les salaires. C’est une aspiration de toute l’humanité de pouvoir travailler moins, travailler tous et gagner plus. Pourquoi les néolibéraux conservateurs qui sont au pouvoir actuellement en France inverseraient-ils une si belle tendance affirmée depuis 70 ans ?

Jean : Les Français ne travaillent pas assez… D’après les statistiques eurostat, c’est exactement l’inverse, que ce soit par semaine ou sur l’année, les français travaillent plus que les Anglais, Allemands, Hollandais, Belges. Pourquoi ce silence étourdissant ?
Gérard Filoche : Parce que le pouvoir actuel, pour faire passer sa politique, a besoin de mentir. En mentant, il n’a déjà plus que 35 % d’opinion favorable. S’il disait la vérité, il serait à – 5%. Donc ils mentent sur tous les chiffres. Par exemple, ils disent que les caisses sont vides, que la France est en faillite. C’est un mensonge énorme, la France n’a jamais été aussi riche, et les richesses, aussi mal redistribuées. Les caisses privées débordent : 105 milliards d’euros de bénéfices pour le CAC 40 l’an passé, le double d’il y a cinq ans, les 500 premières familles ont touché 80 milliards d’euros de plus l’année dernière que l’année précédente. Il y a 72 milliards d’euros dans les niches fiscales. L’Etat donne 65 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales aux entreprises. Et « bling-bling » a ajouté 15 milliards de cadeaux fiscaux l’an passé. Avec tout ça, la France pourrait vivre autrement si ses richesses étaient mieux distribuées. Nous n’aurions pas de problème, ni dans nos quartiers, ni dans nos écoles, ni dans nos hôpitaux, ni dans nos services publics…

bouh : Qu’en est-il de la réforme envisagée du repos dominical ?
Gérard Filoche : Vouloir faire travailler des femmes caissières, pauvres, précaires, le dimanche s’apparente à du vandalisme social. Ça fait un siècle qu’on a conquis le droit au repos dominical. Il faut vraiment être sacrément réactionnaire pour vouloir le remettre en cause.
Cela reviendrait à remplacer la civilisation du loisir par la civilisation du Caddie, à empêcher un jour commun de rencontre dans toute la société entre les femmes, les hommes, les enfants, les familles, les amis, les associations, etc.

nadine55 :
Monsieur Filoche, comment prétendez-vous défendre les droits sociaux alors que votre parti s’est rallié ce week-end aux dogmes du libéralisme ?
Gérard Filoche : Vous n’avez pas bien lu la déclaration de principe adoptée par le Parti socialiste. Elle situe le parti dans la tradition du mouvement ouvrier du XIXe et du XXe siècle en faisant explicitement référence à la Commune de Paris, à mai-juin 1936, à la Libération, à Mai 68, et cela me convient très bien. Le sort du PS n’est pas joué. Il y a de vrais sociaux libéraux qui veulent mettre la main dessus et en chasser des militants de gauche, comme moi et mes amis. Mais on n’est pas décidés à se laisser faire.

Laurent : Je déprime face à la faible réaction des salariés. La France est mise au pas. Le PS devient officiellement un parti de droite. Comment faites-vous pour être encore optimiste ?
Gérard Filoche : Parce que, justement, j’ai confiance dans le salariat. Il n’a jamais été aussi puissant numériquement, homogène sociologiquement et prêt à se mobiliser socialement et politiquement. Nous sommes un pays qui a une forte tradition de mouvement d’ensemble depuis Mai 68. C’est pour ça que Sarkozy veut liquider Mai 68, c’est parce que, 40 ans après, ça l’obsède encore. Mais moi, je milite pour que ce soit un nouveau Mai 68 qui liquide Sarkozy.

Gabrielle : Quelle peut être notre action, concrètement?
Gérard Filoche : Concrètement, syndiquez-vous ! Concrètement, faites grève aujourd’hui. Concrètement, manifestez. Concrètement, demandez des augmentations de salaire partout, le smic à 10 euros de l’heure,  à 1 500 euros par mois, 200 euros d’augmentation pour tous. C’est la solution pour notre économie, redresser notre pays, redistribuer les richesses accumulées.

Renaud +D : Au train où vont les réformes, quelles seront les principales différences entre la situation d’un travailleur dans 5 ans et maintenant ?
Gérard Filoche : Bling-bling et Fillon veulent détruire la France telle qu’elle est depuis le Conseil national de la Résistance. Ils l’ont dit explicitement, ils ne veulent plus de la Farnce des soixante dernières années. En fait, ils veulent un monde anglo-saxon, tel que Thatcher et Reagan l’ont fabriqué. Si vous voulez savoir ce qui arrivera s’ils parviennent à leurs fins, regardez les 40 millions de pauvres aux Etats-Unis, les 40 millions de privés de Sécurité sociale, les 40 millions de retraités qui sont dans les mouroirs, le recul de l’espérance de vie et la progression de la mortalité infantile, les inégalités criantes qui existent entre New York et San Francisco, Denver et Houston, Chicago et Dallas. Regardez là-bas, et réfléchissez. Notre monde est meilleur, protégeons-le.

patfromnice : Comment expliquez-vous le silence généralisé des organisations syndicales sur la nouvelle mouture du code du travail ?
Gérard Filoche : Les organisations syndicales s’y sont globalement opposées. Elles n’ont sans doute pas fait tout ce qu’elles pouvaient faire contre. Elles ont eu du mal à apprécier la gravité des changements, le sale boulot fait par les recodificateurs, le fait que le Code ait été passé à l’acide des exigences du Medef. Mais enfin, toute la gauche a voté contre : PS, PC, Verts, e
t tous les syndicats, aujourd’hui, essaient de défendre le Code et d’en revenir à des droits plus protecteurs pour les salariés dans les entreprises. Pour y arriver, il faut l’unité des huit syndicats de ce pays : CGT, CFDT, FO, Unsa, FSU, Sud, CGC, CFTC.

ariane : Monsieur Filoche, d’abord merci pour toutes vos brillantes interventions : je voulais vous signaler qu’il y a de plus en plus de discriminations liées à l’âge dans le monde du travail. Moi-même, la quarantaine, munie d’un doctorat d’Etat, alors qu’il y a peu je trouvais sans difficulté, je me retrouve aux abois… Lors de mon dernier entretien d’embauche, qui a duré 2 heures, je me suis entendu dire : « d’habitude, je recrute des jeunes » !
Gérard Filoche : Oui, bien sûr, vous avez raison. D’ailleurs, deux personnes sur trois arrivent à l’âge théorique de la retraite sans être en activité. Elles sont soit au chômage, licenciées, soit inaptes, malades, et cela est dû au fait que les entreprises les chassent dans la cinquantaine. Ce qui fait un paradoxe énorme avec les prétentions de M. Fillon de nous faire travailler 41 annuités pour toucher une retraite décente. Puisque les Français travaillent en vérité 37 ans en moyenne. Prétendre les faire travailler 41 annuités, c’est les faire sauter à la perche sans perche ! Ils n’ont aucune chance d’y arriver, en moyenne. Le seul résultat est donc de faire baisser leurs retraites, qui sont déjà trop basses. C’est tout un processus, que vous avez raison de dénoncer, de ségrégation, de discrimination, d’exclusion par le management des entreprises qui se produit dans la cinquantaine, et peut même vous arriver, comme à vous, dans la quarantaine.

james : Que pensez-vous de la future et nouvelle définition de la représentativité des syndicats telle que définie dans la position commune ?
Gérard Filoche : C’est l’ANI (Accord national interprofessionnel du 9 avril), signé par deux syndicats sur huit, la CGT et la CFDT. Il pose sans doute plus de problèmes qu’il n’en résout. Il a l’énorme défaut de supprimer la « présomption irréfragable de représentativité » pour cinq syndicats (CGT, CFDT, FO, CFTC, CGC) au lieu de l’accorder aux trois (Unsa, SUD, FSU) qui ne l’avaient pas. Du coup, tous les syndicats, grands et petits, vont se retrouver face à des règles plus difficiles pour se faire reconnaître. Ils devront passer la barre de 8 à 10 % aux élections professionnelles, il faudra deux ans pour qu’un syndicat soit reconnu dans une entreprise, un délégué syndical nouvellement nommé ne disposera plus que de 4,5 heures de délégation par mois au lieu de 20, et il perdra son mandat s’il ne franchit pas la barre des 10 % aux élections d’entreprise suivantes, lesquelles ne se tiennent que tous les quatre ans. On voit que la représentativité syndicale sera plus dure à obtenir dans toutes les petites entités économiques. C’est vrai, les gros syndicats peuvent ne pas avoir de souci, c’est sans doute pour ça que la CFDT et la CGT ont signé. Mais 97 % des entreprises ont moins de 50 salariés, et je crains que les nouvelles règles ne nuisent à l’extension du syndicalisme.

gab :
Lorsque l’on vous écoute, les choses semblent simples (les relations entre les différents acteurs – salariés, patronat, politiques –, les intérêts des uns et des autres, les mesures à mettre en œuvre pour une plus grande justice sociale…). La réalité est-elle vraiment si complexe, comme on nous le répète souvent pour expliquer que telle mesure aurait des effets collatéraux négatifs sur l’économie, ou ne s’agit-il que d’un écran de fumée pour faire passer des décisions contestables ?
Gérard Filoche : La propagande de TF1 est entièrement faite pour rendre complexes des choses qui sont simples. Les salariés ont intérêt à voir augmenter les salaires et à reprendre au capital une grande partie de ce qu’il leur a volé depuis vingt ans. C’est simple, très simple, mais les grands médias sont là pour obscurcir cette vérité, expliquer que c’est impossible, que les capitaux vont fuir, qu’on ne peut pas, qu’on n’y arrivera pas, qu’il ne faut pas, etc. Pourtant, en Mai 68, le patronat a de lui-même proposé, sous la menace de la grève générale, 33 % d’augmentation de salaire pour le Smig, et 55 % pour le Smag. Ça s’est fait, c’était possible. Pendant une décennie, les salariés ont mieux vécu, ils ont pu acheter des choses qu’ils ne pouvaient pas acheter avant, les salaires étaient indexés sur les prix, c’était bien. Ce qui a été possible une fois peut l’être encore. Si l’on appliquait l’augmentation de Mai 68 au Smic d’aujourd’hui, celui-ci atteindrait immédiatement 1 750 euros. Croyez-moi, ne croyez pas TF1.

sergpert : La possibilité de partir à la retraite pour les gens ayant commencé à travailler tôt va t-elle évoluer ? J’ai 55 ans cet été et jai commencé à travailler en 1969 à l’âge de 15 ans et demi.
Gérard Filoche : Moi aussi, j’ai commencé à travailler à l’âge de 16-17 ans, et j’en ai 63. Croyez moi, le problème des retraites est un problème de répartition des richesses, et non pas d’espérance de vie. Car l’espérance de vie elle-même est liée à l’âge de la retraite. Si vous travaillez plus tard, au-delà de 60 ans, vous vivrez moins longtemps. Les assurances qui se précipitent dans vos boîtes à lettres pour vous faire des propositions afin de remplacer l’échec organisé par M. Fillon de la retraite par répartition, ces assurances ont des tables de mortalité. Ces tables de mortalité signifient que si vous travaillez jusqu’à 61 ou 62 ans, vous avez six mois de moins d’espérance de vie. Si vous travaillez jusqu’à 63 ans, vous avez un an de moins, jusqu’à 65 ans, deux ans de moins. Vous voulez vraiment renoncer à la retraite à 60 ans ?

Préretraité : Comment assurer les retraites à venir quand on voit la précarité et les maigres salaires actuels ? Qui a la recette miracle ?
Gérard Filoche : Je l’ai ! Il faut augmenter les cotisations sociales pendant la période où les baby-boomers d’après guerre vont être en retraite. Le COR (Conseil d’orientation des retraites) a calculé qu’avec 0,37 % d’augmentation des cotisations dans les trente ans à venir, nous n’aurions aucun problème pour financer nos retraites à 60 ans, et même à 55 ans dans les métiers pénibles physiquement et mentalement. Les néolibéraux n’envisagent qu’une seule chose, la baisse du niveau des retraites. Nous avons une solution alternative : la hausse des cotisations sociales, salariales et patronales. Dans les trente ans à venir, le PIB va doubler. Même avec une faible croissance de 1,7 point. Avec 1 800 milliards d’euros de plus, on peut mettre 216 milliards pour conserver nos retraites. C’est un choix de société.
Il ne plaît pas aux fonds de pension, il ne plaît pas aux actionnaires, il ne plaît pas au Medef, mais il est sûr qu’il plaît aux 24 millions de salariés qui produisent les richesses de notre pays et n’en reçoivent pas la part qu’ils méritent.

dylan : Une hausse des salaires, en même temps que l’actuelle hausse des prix, ne nous mènerait-elle pas vers une spirale inflationiste ?
Gérard Filoche : Monsieur, vous vous trompez totalement. Cela fait 25 ans qu’on nous dit qu’il ne faut pas augmenter les salaires parce que cela crée de l’inflation, donc les salaires n’ont pas augmenté. Mais vous contasterez que nous avons de l’inflation quand même. Donc l’inflation n’est pas due à la hausse des salaires. Elle est due à la spéculation et à la hausse des profits. Je vous propose d’augmenter les salaires.

Cesu : Des journalistes des Echos vous accusent d’avoir plagié leurs articles pour votre livre Les Caisses noires du patronat. Que leur répondez-vous ?
Gérard Filoche : C’est bien la pre
mière fois qu’on peut m’accuser d’avor plagié Les Echos ! En général, ce que j’écris est assez contradictoire avec la ligne éditoriale et les articles de ce journal. Par contre, il est vrai qu’il y a des informations communes dans les dépêches de l’AFP, de Reuters, des articles de Marianne, de L’Humanité, du Monde, du Figaro, des Echos et de quelques chercheurs, historiens, comme Joseph Pinard, qui a travaillé sur ces questions et dont je me suis inspiré. Quand on écrit l’organigramme du Medef, il n’y a pas trente-six façons de le faire. Quand on écrit la liste des anciens patrons de l’UIMM, il n’y a pas trente-six façons de le faire. Parmi les reproches que me fait la société Les Echos, il y a le fait d’avoir écrit que 0,04 % des entreprises de la métallurgie cotisaient à la caisse noire de M. Gauthier-Sauvagnac. Cette information était, je crois, dans ma revue Démocratie socialiste avant d’être dans Les Echos. Je n’ai rien eu besoin de plagier, même si nous avons été nombreux à écrire des choses similaires. Mais je m’étonne que la société Les Echos, dirigée par M. Bernard Arnaud, prenne le temps de s’occuper d’un modeste livre qui dénonce les caisses noires du patronat. Il me demande 25 000 € au total, c’est un peu plus de dix mois de salaire. Si par malheur un juge leur donnait raison, ma retraite s’annonce mal…

gab : On fait rarement la distinction entre grandes et petites entreprises (en caricaturant : « patrons tous voyous » pour la gauche, « tous croulant sous les charges » pour la droite). N’y a-t-il pas de réelles différences dans les difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises, et le débat (et les mesures politiques qui en découlent) n’y gagnerait-il pas si l’on faisait ces distinctions ?
Gérard Filoche : Bien sûr, excellente question. Ce n’est pas la même pour le million de petits patrons d’entreprises de moins de dix salariés et pour les patrons des mille entreprises de plus de 1 000 salariés. En vérité, telle qu’est organisée notre société, tout dépend des donneurs d’ordre et de ces 1 000 entreprises qui produisent 48 % du PIB. En dessous, il y a une cascade de sous-traitances dans laquelle le droit se dissout, l’exploitation s’aggrave, la précarité augmente.
Moi, je milite pour qu’il y ait trois changements juridiques : le premier, c’est que le donneur d’ordre, dans toute passation de marché, soit pénalement, fiscalement, financièrement, juridiquement responsable de tout ce qui se passe sous ses ordres pendant la réalisation du marché ; le deuxième, c’est que toute entreprise intervenante, sous-traitante, le temps de sa mission, soit alignée sur la convention collective du donneur d’ordre, comme c’est le cas pour un CDD ou un intérimaire qui est théoriquement aligné sur celui qu’il remplace ou sur celui qu’il côtoie ;  la troisième mesure, c’est qu’on facilite la reconnaissance juridique des unités économiques et sociales des groupes, afin d’éviter la fausse sous-traitance, le prêt illicité de main-d’œuvre, le marchandage, les fausses franchises. Ces trois approches juridiques permettraient de protéger les petits employeurs et leurs salariés de la rapacité des donneurs d’ordres. Quand j’entre dans un chantier, je vois un grand major du bâtiment qui en est le chef et 70 entreprises en cascade qui travaillent dans des conditions épouvantables et pour des salaires misérables. C’est là qu’il y a le plus de fraudes, d’accidents du travail, de précarité. C’est cela qu’il faut moraliser avec les trois règles juridiques que j’ai proposées ci-dessus.

Modérateur : Le tchat se termine. Un dernier mot pour conclure ?
Gérard Filoche : Je remercie ceux qui ont bien voulu poser des questions. J’espère que vous allez vite quitter votre écran pour aller aux manifestations qui se tiennent aujourd’hui. Pour ma part, je suis en grève, je vais en profiter pour aller faire un meeting à Pau en défense du droit du travail, des 35 heures, de la retraite à 60 ans, contre la politique de Bling-bling et du Medef. Je milite pour qu’il ne tienne pas cinq ans, avec un grand mouvement social qui fasse redevenir la France ce qu’elle a toujours été depuis 1968. Il faut arrêter le hold-up de ces néolibéraux sur notre protection sociale et notre civilisation solidaire.

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