De l’esprit de lucre…

De l’esprit de lucre avancé comme argument pour empêcher la liquidation de l’astreinte

Les enseignes de l’ameublement ont été assignées devant le Juge de l’Exécution de Pontoise pour faire liquider les astreintes prononcées par le juge des référés.

Pour se défendre, un argument de poids préfiguré dans des expressions déjà utilisées devant les médias par certains responsables des enseignes concernées : Nous sommes victimes d’un véritable racket. Ou encore, pourquoi nous et pas les autres ?

Pourtant, toutes ces enseignes ont en commun d’avoir choisi d’ignorer les injonctions judiciaires et il n’y a qu’à voir à ce sujet les titres de la presse rapportés sur le site.

A ce jour, pas une n’a eu à débourser le moindre centime, pas même le remboursement des frais d’avocat auxquels elles ont été condamnées.

Il a ainsi fallu assigner en liquidation d’astreinte la société CASA, pour que celle-ci, prenant enfin la menace au sérieux, décide, dès le lendemain de l’assignation du 16 octobre, de fermer son établissement d’Herblay alors que l’injonction judiciaire lui a été signifiée le 5 juillet et confirmé par la Cour d’Appel de Versailles le 3 octobre.

CASA dit désormais : il n’y a plus de raison de me poursuivre.

Elle ajoute qu’un syndicat n’a pas vocation à s’enrichir sur le dos des enseignes et à obtenir le prix du respect de la loi sociale. Seul l’Etat serait légitime à y prétendre. Un syndicat n’a pas en charge le respect de la Loi. Faire du profit en obtenant la liquidation des astreintes serait en quelque sorte immoral.

Pourtant elle a enfreint l’interdiction judiciaire durant 16 dimanche alors qu’elle n’a pas la moindre autorisation d’ouvrir. Elle a donc engrangé un profit qui est à la fois illicite et immoral et violé une décision de justice.

A suivre son raisonnement, doit elle alors rester impunie en raison de ce revirement tardif et surtout contraint ? Autrement dit, que faire des astreintes ? En faire cadeau à l’enseigne alors qu’elles sont illégales et immorales ou en faire profiter les salariés dans des actions syndicales ?

Si la réponse apportée par FO consiste à ne pas liquider l’astreinte, il ne faut pas oublier que les autres enseignes vont vouloir procéder de même, c’est-à-dire ignorer les injonctions judiciaires jusqu’à la veille de l’audience rendue nécessaire par leur comportement.

Elles diront ensuite, comme à l’école maternelle, « pouce on ne joue plus », alors qu’elles auront continué durant ce même temps à engranger des bénéfices au profit de leurs actionnaires.

Cette solution est immorale et injustifiée.

A l’opposé, si la réponse apportée par FO avait été de demander la liquidation au taux maximum, soit 600.000 Euros, ce qu’il est légalement possible de faire, qu’aurait on été dire ?

On ne se gêne déjà pas pour prétendre que les syndicats veulent en réalité simplement des sous et ont déjà empoché des millions d’Euros.

C’est ce qu’on voit fleurir sur le forum du site, dans le dernier article du Monde ou dans des commentaires de gens peu ou mal informés.

Il faut rappeler qu’une organisation syndicale n’est pas une société commerciale qui va partager un bénéfice entre ses adhérents. Les astreintes obtenues vont être utilisées dans l’intérêt de la défense des droits des salariés.

Au regard des scandales révélés au sein de l’UIMM ou encore récemment chez VEOLIA, si vraiment il s’agissait d’une vulgaire histoire de gros sous, n’aurait il pas été plus facile d’acheter la paix sociale ou pour reprendre une expression utilisée plus politiquement correcte, de « fluidifier les relations sociales ».

FO prend des risques au regard des élections prud’homales de l’an prochain. On ne se lasse pas de le lui répéter. La frilosité d’autres syndicats qui n’en restent qu’à des positions de principe le démontre. Ses sections syndicales dans les entreprises n’ont pas en ce moment la vie facile. Certaines, craignant de voir fondre leurs membres s’en sont faites l’écho. Les salariés concernés ont été allègrement manipulés et désinformés. Ils craignent pour l’emploi, les conditions de travail et les conditions de salaire dans leurs entreprises, argument plus terre à terre mais plus porteurs auprès des salariés concernés à qui on répête sans cesse que tout est de la faute de FO.

C’est la raison pour laquelle, entre les deux positions possibles, l’UD FO a pris une position médiane, demander la liquidation de l’astreinte à hauteur de la marge dégagée pour les enseignes qui finiront par appliquer la Loi, si tant est que l’enseigne donne des éléments permettant de la déterminer, ce qui semble à certaines, particulièrement difficile.

Pourquoi cette limite ? Parce que la marge dégagée correspond au profit illicite obtenu sur le dos des salariés. Limiter l’astreinte à ce montant revient à ne pas mettre en difficulté l’entreprise et les salariés mais simplement à l’empêcher d’enrichir ses actionnaires.

C’est ce que demande FO contre la société CASA pour les 16 dimanche assujettis à l’astreinte, c’est-à-dire ne pas ajouter à l’illicite, l’immoral.

Maître Vincent Lecourt

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