Séance du 15/07/09

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe SRC.

M. Christian Eckert. Mes chers collègues, produire pour construire ou reconstruire, comme après les guerres, c’est permettre à l’homme d’aménager son espace de vie, pour mieux se nourrir, pour mieux se soigner, pour mieux se déplacer, pour mieux se sentir en sécurité, pour vivre mieux et plus longtemps.

Parce que la santé, la sécurité, les transports ne souffrent pas d’attendre, parce qu’un haut-fourneau qui s’arrête ne redémarre pas en une minute, certains métiers s’exercent en continu, tous les jours, et même le dimanche. Ainsi, il manque parfois autour de la table, pendant la sortie avec les gosses ou pour la visite aux aînés, celui – ou plus souvent celle – qui, pour de très bonnes raisons, travaille pour faire ce qui ne souffre pas de s’arrêter un jour par semaine. La loi de 1906 le permettait en dérogeant, pour ces raisons, et elles seules, au principe quasi consensuel du repos dominical.

Produire plus et assurer les services essentiels au mieux vivre et au mieux aménager peut conduire à faire travailler la nuit, longtemps et souvent. Parce que l’homme est un être intelligent, capable de penser l’organisation de sa vie individuelle et collective, il a créé – surtout dans notre pays – l’outil qui permet à chaque salarié de protéger ses intérêts personnels, sa sécurité au travail, son droit de refuser les sacrifices exagérés de ses droits personnels au nom d’un intérêt général discutable et aux contours biens flous. Cet outil, c’est le code du travail.

Selon le rapporteur et le ministre, la proposition de loi soumise à notre vote est un petit texte régularisant des situations qualifiées d’anormales, voire d’illégales. Mais, selon le Président de la République, c’est la marque de l’UMP. Sur ce point, nous pensons qu’il a raison : ce texte est bien la marque de l’UMP.

M. Gilbert Le Bris et Mme Marylise Lebranchu. C’est vrai !

M. Christian Eckert. Ce qui nous est présenté comme un petit texte anodin de faible portée, est en fait une grande brèche ouverte dans le modèle social français, par ailleurs mis en avant à Versailles ou à Genève. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

Cinquante-huit parlementaires UMP l’avaient compris en signant courageusement, en novembre dernier, une tribune, dont l’actualité reste brûlante aujourd’hui, contre ce texte confus et embrouillé, qui affiche le contraire de ce qu’il contient. Et les amendements de replâtrage, déposés en dernière minute, ne répondent en rien aux risques qu’il fait courir.

En effet, dans les communes touristiques, aux contours fluctuant entre le code du tourisme et le code du travail –l’« affluence touristique » étant devenue subitement l’« intérêt touristique » –, dont le nombre annoncé est de 500 mais qui sont en réalité dix fois plus, pas de volontariat, pas de paiement double, même pour les cinq dimanches du maire qui n’ont plus lieu d’être ! Dans tous les commerces, le travail du dimanche pourra être exigé de plein droit par l’employeur, sans aucune contrepartie.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est déjà le cas !

M. Christian Eckert. Dans les PUCE, autorisés à Paris, Lille Marseille et Lyon, on blanchit les enseignes hors-la-loi et le salaire ne sera doublé que faute d’accord entre les partenaires sociaux. La concurrence permettra que des accords moins favorables s’appliquent et fassent tache d’huile. La réversibilité n’est pas garantie.

Ce texte est un modèle d’embrouille. Il crée sept catégories de salariés du dimanche. Il crée des inégalités territoriales qui ne résisteront pas longtemps au marché et à la concurrence. À Paris, il laisse le préfet décider à la place du maire, sans le consulter.

Mes chers collègues, dans la vie politique, il y a les mots et il y a les actes. Le vote de cet après-midi est un acte plus fort que ce que les mots ont prétendu dire. Vous ne voulez pas de la civilisation du tout-commerce, du culte de la possession, de la fin de la respiration du dimanche. Vous voulez des lois applicables, claires et visant à l’intérêt général. Chacun mesurera ses responsabilités, chacun assumera !

Il est des moments où les lois doivent protéger la société de ses propres envies. Acheter tout et tout le temps peut paraître confortable, mais c’est au détriment de bien des salariés, et cela banalise ce jour que l’on a pour soi.

Le groupe SRC veut croire à un sursaut auquel nos concitoyens nous appellent. Il refusera ce texte emblématique, dont les dangereuses dérives n’ont pas fini de faire parler. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. D’ores et déjà, je fais annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

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