En Bretagne, deux salariés licenciés pour avoir refusé de travailler le dimanche

Le travail du dimanche sera sous le régime du volontariat, nous disaient-ils. Ben voyons. Depuis Henri Queuille, nous savons que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent…

Deux salariés de l’hypermarché Cora de Saint-Malo ont été licenciés pour faute grave après avoir refusé catégoriquement de travailler le dimanche. Une décision contestée vigoureusement par les représentants du personnel.

C’est un fait divers qui fait rugir les syndicats. Et pour cause: il concrétise l’une de leurs craintes exprimées au moment du débat sur le travail dominical. Fin avril, la direction de l’hypermarché Cora de Saint-Malo, en Bretagne, a licencié deux employés du magasin pour «faute grave». Le motif: ces derniers ont fait preuve «d’insubordination» en refusant catégoriquement de travailler le dimanche. Des renvois contestés vigoureusement par les représentants du personnel, qui promettent de se battre pour les faire annuler.

La direction de l’hypermarché a décidé d’ouvrir tous les dimanches matin à partir de mars 2018, et a demandé aux employés de venir travailler six dimanches par an. Une décision qui s’appuie sur la mise en place de la loi Macron d’août 2015, qui augmente les possibilités offertes aux commerces d’ouvrir ce jour-là, traditionnellement dédié au repos des travailleurs. Mais deux employés refusent de se plier à cette nouvelle organisation, un choix qui pousse la direction à les licencier pour «insubordination». «Vous avez mentionné le refus total de venir travailler le dimanche matin. Au vu de ces éléments, je me vois contraint de vous notifier votre licenciement immédiat pour faute grave», écrit la direction du magasin dans le courrier de licenciement adressé à l’un des deux employés concernés.

Sous le choc, les deux salariés, employés par le magasin depuis huit ans pour l’un et dix-huit ans pour l’autre, sont défendus par les représentants du personnel. «Elle avait 18 ans d’ancienneté, 18 ans qu’elle fait bien son travail, qu’on ne lui fait aucun reproche et on la licencie pour un dimanche», commente Cyril Lechevestrier, représentant de la CFTC chez Cora Rennes, au sujet d’une des deux personnes concernées. Patrick Frutier, délégué syndical central CFTC de Cora, précise au Figaroqu’un dossier va être déposé auprès des prud’hommes pour contester les licenciements. «Si rien n’était écrit et prévu dans le contrat de travail sur le travail dominical, le licenciement est injuste», estime-t-il, rappelant que les conditions de travail le dimanche ne sont guère attirantes: «Au niveau de Cora France, nous avons demandé l’ouverture de négociations sur le travail dominical pour avoir des solutions acceptables pour les salariés. Travailler 7,5 euros de l’heure, ça ne donne pas envie de venir le dimanche», explique le syndicaliste.

Dans un courrier qu’a pu consulter l’AFP, l’inspectrice du travail de Saint-Malo estime de son côté que «l’accord de la salariée […] semble nécessaire» pour que les salariés travaillent le dimanche. En effet, l’une des personnes concernées affirme n’avoir signé «aucun avenant» à son contrat, qui prévoit uniquement une répartition de ses horaires de travail «sur six jours, du lundi au samedi». Le dimanche exclu, donc. Interrogée par Europe 1, la salariée se dit «dégoûtée» et «en colère»: «OK pour le volontariat, mais on ne doit pas forcer les gens à travailler le dimanche», s’exclame-t-elle. Elle promet donc d’aller «jusqu’au bout» pour que justice soit faite, face à un licenciement qu’elle conteste. Le magasin Cora n’a pu être joint au moment de la rédaction de cet article.


Travail le dimanche: que dit la loi?

Le Code du travail rappelle qu’un employeur doit forcément accorder un jour de repos à ses salariés et ne peut les garder occupés «plus de six jours par semaine». L’article L3132-3 précise également que «dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche». En règle générale l’écrasante majorité des salariés ne travaille pas ce jour-là.

Pour autant, ces dernières années, plusieurs types de dérogations ont émergé, rappelle le ministère du Travail. D’abord, ces dernières peuvent être permanentes, dans certains établissements «dont le fonctionnement ou l’ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l’activité ou les besoins du public». Auquel cas les salariés travaillent le dimanche par roulement et se reposent un autre jour. La liste des types d’établissements et activités concernés est donnée dans l’article R3132-5 du Code du travail. Sont notamment cités le traitement du lait, par exemple dans les brasseries ou beurreries industrielles, ou encore la conduite des étuves dans les usines de fabrication de cuir verni.

D’autres dérogations peuvent également être accordées par plusieurs autorités, par exemple pour les commerces de détail alimentaire, ou dans les zones touristiques internationales (ZTI) et les zones incluses dans «l’emprise de certaines gares», comme Saint-Lazare, à Paris, ou Avignon-TGV et Nice-Ville. Les préfets ou les maires peuvent aussi permettre à certains commerces d’ouvrir le dimanche, dans certaines conditions bien définies.

Les salariés restent protégés par la loi, et doivent avoir droit à un jour de repos pour compenser le dimanche travaillé. De plus, «une entreprise ne peut prendre en considération le refus d’une personne de travailler le dimanche pour refuser de l’embaucher. Le salarié qui refuse de travailler le dimanche ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail», précise le ministère du Travail. Des accords collectifs doivent couvrir le travail dominical, et proposer des compensations adaptées pour les salariés mobilisés.

Source : http://www.lefigaro.fr/social/en-bretagne-deux-salaries-licencies-pour-avoir-refuse-de-travailler-le-dimanche-20190521

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