La CFTC écrit aux députés

La CFTC aboutit dans ce remarquable courrier, aux mêmes conclusions que le CAD : le travail de la commission dirigée par Madame PERROT est d’une révoltante indigence, et à ce niveau de qualité, cette prestation aurait pu utilement être effectué par un étudiant pauvre, en un ou deux dimanches… 

logo_cftc.jpg

Monsieur le Député,

Le projet de loi « pour la croissance et l’activité » sur lequel vous êtes appelé à vous prononcer est accompagné d’un document dénommé «étude d’impact».

La CFTC s’est plus particulièrement penchée sur l’important travail de quelques feuillets consacré à la réforme du travail dominical au sein de cette « étude d’impact ».

Le qualificatif qui nous semble le mieux correspondre à ce document est : « AFFLIGEANT ».
 
A la décharge de ses rédacteurs, une étude sérieuse sur une problématique aussi complexe que le travail dominical demande plus que quelques semaines de travail.

Pour le reste, nous relevons de très nombreux manquements.
Rien ou presque sur :
  • Les conséquences sur la vie familiale.
  • Le lien social.
  • Le vivre ensemble.
  • L’effet de cascade (le travail dominical des uns, entraînant en cascade celui des autres).
  • La santé (notamment ce que le sociologue, Jean-Yves BOULIN, décrit comme une forme d’isolement social, qui peut finir par peser sur la santé mentale).
  • Le volontariat (ce que le parti socialiste qualifiait en 2008 de « fausse liberté pour le salarié »).
  • Les coûts pour le salarié (frais de transports, gardes d’enfants, frais de nourriture, etc…)
  • Internet.
  • Le commerce de proximité.
  • La désertification des territoires. 
  • L’isolement des personnes âgées dû à la disparition des petits commerces.
  • Le développement durable (quelles économies d’énergie et de production de gaz à effet de serre sont générés par la fermeture, une journée par semaine, des grandes surfaces et autres centres commerciaux par exemple).
  • La réussite scolaire (quelle conséquence sur le cursus scolaire des enfants qui n’ont pas de parents présents pour suivre devoirs et leçons ?).
  • La captation de chiffre d’affaires par les magasins implantés dans une ZC, une ZT ou une ZI, au détriment de ceux qui sont de l’autre côté de la zone.

Cette liste des impasses faites par « la commission d’étude des effets de la loi pour la croissance et l’activité » n’est malheureusement pas exhaustive.

Aucune mention n’est faite de l’étude du CREDOC sur l’ouverture des commerces le dimanche (2008) et de celle de CONFESERCENTI sur la libéralisation des commerces le dimanche en Italie (2013) qui, toutes deux, chiffrent les destructions d’emplois qu’entraînerait l’ouverture des grandes surfaces le 7ème jour (selon la fédération patronale CONFESERCENTI, la libéralisation du dimanche en Italie depuis le 1er janvier 2012 a conduit à la fermeture de 32.000 entreprises et à la perte de 90.000 postes de travail).

Pire peut-être, ces travaux « académiques » s’appuient sur des exemples extravagants pour vous convaincre que déréglementer le dimanche pourrait créer de l’emploi !

C’est le cas de l’étude canadienne, non officielle, de Mikal SKUTERUD (2005) dont les résultats indiquent que la dérégulation de l’ouverture des commerces « s’est traduite par une hausse de l’emploi dans le secteur du commerce de détail, de l’ordre de 3,1% de l’emploi total de ce secteur ».
Partant d’une situation où pratiquement aucun magasin n’était ouvert le dimanche, on peut s’étonner de la faiblesse de ce 3,1%… Partant de zéro, il est facile de progresser en pourcentage.

La situation française où commerces de proximité, superettes et marchés traditionnels, sont ouverts le dimanche matin (voire toute la journée pour certains magasins) n’étant en rien comparable.

Idem pour « l’exemple » Hollandais.

Quand aux Lander Allemands dont « certains ont augmenté les heures d’ouverture dominicale jusqu’à 70% », c’est exactement la même ambiguïté. 70% de presque rien, ne fait toujours pas grand-chose.

Heureusement que les rédacteurs avait pris soin, au détour d’un paragraphe, de parler « d’études empiriques »…

Comment comprendre l’affirmation de la page 3 : « 18 pays parmi les 33 ayant répondu, n’imposent aucune restriction sur le travail dominical. On trouve parmi eux aussi bien des pays Anglo-Saxons (Etats-Unis, Royaume-Uni) que des pays scandinaves ».
Alors qu’en page 4, il est écrit à propos des Etats-Unis « Aujourd’hui, des contraintes sur l’ouverture des commerces, plus ou moins sévères selon les Etats et/ou les types de magasins, existent toujours ».

Monsieur le Député, quel que soit votre sentiment actuel concernant l’ouverture des grandes surfaces et des centres commerciaux le dimanche, le débat parlementaire mérite mieux qu’un travail bâclé et orienté.
 
Avant de vous prononcer sur l’extension de l’ouverture des commerces le dimanche, exigez que vous soit présenté une véritable étude d’impact sur ce choix de société qu’est la préservation d’un temps collectif, nécessaire à la vie familiale, personnelle, associative et spirituelle.

En restant à votre entière disposition pour échanger avec vous sur ce sujet, veuillez agréer, Monsieur le député, l’expression de mes sentiments les meilleurs.


Joseph THOUVENEL
Vice-président

Laisser un commentaire