Pour Mgr Hippolyte Simon, le travail du dimanche nuit au lien social


Si l’Église défend le dimanche, rappelle Mgr Hippolyte Simon, archevêque de Clermont-Ferrand, ce n’est pas pour des raisons uniquement religieuses, mais aussi sociétales.

Mgr Hippolyte Simon, archevêque de Clermont-Ferrand, membre du Comité Études et projets

Le ministre de l’économie Emmanuel Macron veut élargir les dérogations à la règle du repos dominical, notamment dans les « zones touristiques à fort potentiel économique ». Comment réagissez-vous ?

 Mgr Hippolyte Simon : Nous nous sommes déjà exprimés à maintes reprises sur ce sujet et notre position reste la même. Si l’Église défend le dimanche comme jour de repos pour tous, c’est bien évidemment d’abord pour des raisons religieuses mais aussi, et par surcroît, pour des raisons sociétales.

Comment vivre en société quand il n’y a plus de rythme commun, de temps de respiration partagés par le plus grand nombre ? Il ne s’agit donc pas seulement de défendre un « droit » des chrétiens à célébrer Dieu, mais de rendre service à toutes les familles. Que devient une famille dans laquelle le père se repose un jour de la semaine, la mère un autre, et les enfants un troisième ?

Si chacun vit à son rythme, l’individualisme en sera accentué, avec pour conséquence d’avantage d’isolement et de souffrances, comme je l’entendais dire lors d’un récent colloque coorganisé par le Secours catholique et le conseil général du Puy-de-Dôme, sur la pauvreté en milieu rural. Tous les travailleurs sociaux s’inquiètent du délitement du lien social dans un contexte qui se durcit, et mettent en avant l’importance des facteurs affectifs et spirituels pour lutter notamment contre les suicides des agriculteurs. Ce n’est pas en supprimant les occasions de se retrouver le dimanche que cela va s’arranger.

Mais bien des églises en monde rural ne sont plus desservies ?

 Mgr Hippolyte Simon : Dans le diocèse de Clermont-Ferrand, nous relançons au contraire autour de chaque clocher des petites communautés ecclésiales pour retisser du lien social, en mettant l’accent sur la qualité des eucharisties dominicales. Nous savons qu’en milieu rural, la messe – souvent suivie d’un temps au bistrot – reste un temps privilégié de rencontre et de solidarité.

Comment expliquez-vous que les syndicats se retrouvent sur la même ligne que l’Église dans ce débat ?

 Mgr Hippolyte Simon : Cela n’a rien d’étonnant ! Dès lors que l’on réfléchit et que l’on recherche le bien commun, il y a une évidente sagesse qui s’impose. Et le bien commun n’est pas la somme des intérêts particuliers. Nous avons tous besoin de nous retrouver pour des moments communs de réflexion, de détente, de partage. Cette question du repos dominical est un dossier important, qu’il ne faut pas regarder dans la seule perspective économique, chacun dans sa catégorie de salarié, de consommateur ou de touriste…

Selon cette nouvelle loi, les salariés des commerces concernés devront être volontaires. Que craignez-vous ?

 Mgr Hippolyte Simon : Il ne s’agit pas de dire que personne ne doit travailler le dimanche. Et j’entends bien l’argument de la vendeuse qui est payée le double alors que son temps de travail n’est pas plus long le dimanche. Certes, si l’on propose à un salarié qui gagne le smic de gagner 200 € de plus en travaillant deux dimanches par mois, cela l’intéressera, mais cette possibilité ne détruira-t-elle pas autre chose d’important pour sa vie ? Bref, la seule justification économique ne suffit pas, car sinon l’alliance du libéralisme et du libertarisme conduit droit dans le mur !

La loi prévoit aussi que les maires aient davantage de liberté pour délivrer des autorisations d’ouverture le dimanche…

 Mgr Hippolyte Simon : Si l’État renonce à son rôle de régulateur du bien commun, cela peut encore aggraver le délitement du lien social…

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