Bernard Gaudillère : « Paris est une ville déjà très largement ouverte le dimanche »

Source: LEMONDE.FR Date de parution: 05.12.2014
Le Monde.fr 105.12.2014 à 15h31 1 Propos recueillis par Béatrice Jérôme
 
Bernard Gaudillère, président de la mission d’information et d’évaluation sur le travail dominical à Paris, le 6
octobre. 1 LIONEL BONA VENTURE / AFP
 
Président de la mission d’information et d’évaluation (MIE) sur le travail dominical à Paris, Bernard Gaudillère, ancien adjoint (PS) aux finances de Bertrand Delanoë dénonce les arguments des partisans de l’extension du travail du dimanche.
 
Le rapport de la MIE exprime de très fortes réticences à l’extension du travail dominical à Paris. L’UMP vous accuse d’avoir cédé à la pression des écologistes et des communistes, vos partenaires dans la majorité municipale?
 
Bernard Gaudillère : Pas du tout. Nous nous sommes fondés sur plus de 130 auditions de personnalités, 80 organisations, des élus, des associations professionnelles, féminines, des syndicats, des économistes, des sociologues, qui nous ont permis de nous forger une opinion sérieuse. Au terme de six mois de travail, il nous est apparu que Paris était une ville déjà très largement ouverte le dimanche. Bien plus que les grandes capitales comme Londres ou Berlin !
 
Nous sommes arrivés à la conclusion que l’ouverture plus large des magasins le dimanche se ferait au détriment de la diversité du commerce qui constitue un atout pour Paris. Le sujet est aussi un enjeu de société. Nous pensons qu’ouvrir un pan entier des commerces parisiens le dimanche aurait des conséquences sociales importantes. Les premiers pénalisés seraient les employés. La très grande majorité sont des femmes, pour moitié d’entre elles chefs de famille. La plupart habite en banlieue. Elles auront à régler des problèmes de garde d’enfants importants.
 
Pour autant, nous sommes favorables à des retouches sur le périmètre des actuelles zones touristiques. S’agissant des gares, il suffit qu’on nous démontre de manière très claire que l’ouverture le dimanche aura un effet positif sur le sentiment d’insécurité qui y règne parfois ce que défend la SNCF – pour que nous y consentions. Si le projet de loi que le gouvernement prépare donne à la maire de Paris le pouvoir d’accorder aux commerces davantage que cinq dimanches ouverts par an, je pense que nous aurons des débats au sein du conseil de Paris pour fixer un nombre convenable.
 
Pourquoi refusez-vous l’ouverture tous les dimanches des grands magasins, boulevard Haussmann?
 
Les patrons des grandes enseignes concernées ne nous ont pas fourni de démonstration convaincante, qu’il s’agisse de l’effet sur leur chiffre d’affaires ou de la création d’emplois qui en résulterait. L’argument concernant les touristes est un argument de lobbying! Les touristes étrangers séjournent en moyenne entre 4 jours et 6 jours à Paris. Est-ce que vous croyez qu’un Américain ou un Russe n’a pas le temps en six jours de trouver l’adresse et les horaires du Printemps ou des Galeries Lafayette? D’autant que les tours opérators, qui eux connaissent bien les horaires, perçoivent 33 millions d’euros de commissions du Printemps pour qu’ils lui apportent des clients. Dire que les touristes consommeront davantage si ces
enseignes ouvrent plus souvent le dimanche est un mythe. On ne nous a pas démontré que l’extension du travail du dimanche dans cette zone influerait réellement sur l’emploi ou l’économie. Je rappelle au passage que le pays qui a la réglementation la plus stricte sur le repos dominical est un pays dont ni l’économie ni l’emploi ne me paraissent menacés: c’est l’Allemagne.
 
Etes-vous d’accord avec les écologistes parisiens qui demandent au gouvernement de renoncer au volet consacré au travail du dimanche dans le projet de loi Macron ?
 
Je n’ai pas l’outrecuidance de penser que notre rapport doive dicter les décisions du gouvernement. Je n’ai pas à avoir d’opinion sur son impact. En revanche, le fait que le gouvernement cherche à imposer une tutelle à Paris sur la création de nouvelles zones de travail dominical est à rebours de ce qu’ont engagé toutes les majorités depuis quarante ans.
 
De droite comme de gauche, elles ont toutes rapproché le statut de Paris de celui des autres villes. Un retour en arrière serait surprenant et inacceptable.

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