A Paris, les syndicats se mobilisent contre la loi Macron

Les Inrocks,  

Macron, patrons, même combat !”, “La loi du patronat, on n’en veut pas !”, “Nocturne, dimanche et jours fériés : ça suffit !”. Ce 16 décembre quelques centaines de personnes ont défilé à Paris en scandant ces slogans pour marquer leur opposition au projet de loi “sur la croissance et l’activité”, dite loi Macron, à l’appel du Comité de Liaison Intersyndical du Commerce de Paris (CLIC-P) – une intersyndicale qui regroupe la CGT, SUD, l’Unsa et la CFDT. L’assouplissement du travail le dimanche et la nuit cristallise leur colère. Selon le projet de loi, le nombre annuel d’ouvertures dominicales passerait de 5 à 12 sur autorisation des mairies, et certains magasins situés dans des “zones touristiques internationales” (essentiellement à Paris) seraient autorisés à ouvrir jusqu’à minuit.

Les livres, on les achète en semaine, on les lit le dimanche

Dans les slogans, sur les T-shirt rouges de la CGT et sur les banderoles, le message est clair: cet élargissement du travail ne passe pas auprès des salariés du commerce. “Les livres, on les achète en semaine, on les lit le dimanche”, lit-on sur la banderole de la CGT de la Fnac de Paris. “Que l’on soit ouvert quatre dimanches au mois de décembre, d’accord, mais passer à douze dimanches, non, proteste Boris, de la CGT Fnac-Etoile. La majorité des salariés sont avec nous, ils veulent des salaires décents sans être obligés de travailler le dimanche”.

 

Alexandre Bompard, le président de la Fnac depuis 2011, rêve que ses magasins soient ouverts tous les dimanches. Dans un entretien auxEchos le 17 novembre, il affirmait vouloir adresser “une lettre au gouvernement pour que les magasins qui distribuent des biens culturels disposent d’une dérogation de plein droit pour ouvrir le dimanche”. Le projet de loi Macron va dans son sens. Il prévoit que le travail dominical et le soir se fasse sur la base du volontariat et qu’une “compensation salariale” récompense les employés. Cette promesse laisse cependant sceptique l’intersyndicale, comme elle l’avait déjà fait savoir lors d’une précédente manifestation à la mi-novembre. “Volontariat, majorations, c’est du pipeau !”, entend-t-on parmi les slogans qui émanent du mégaphone de la CGT. Les syndicats craignent que le gouvernement ne se heurte au principe de réalité alors que le “coût du travail” subit les tirs nourris du patronat.

Une contagion sociale en Europe ?

Le conseiller régional et secrétaire national du Parti de Gauche Eric Coquerel, présent à la manifestation en signe de soutien, se félicite de son caractère unitaire. La gauche au pouvoir a-t-elle eu un effet anesthésiant sur les syndicats ? C’est “incontestable” selon lui. Les révélations sur le train de vie du secrétaire général de la CGT Thierry Lepaon ont également pu entraver les mobilisations : “Les gens demandent du combat social, pas ce genre d’affaires qui nous font perdre du temps. On n’avait pas besoin de ça”, constate amèrement Boris, de la CGT-Fnac.

Mais alors que de grandes manifestations ont lieu en Italie contre les réformes du travail et que la Belgique a connu le 15 décembre une grève historique contre l’austérité, Eric Coquerel se veut optimiste : “J’espère qu’il y aura une contagion sociale en Europe”. La loi Macron n’est pas étrangère aux politiques européennes selon lui : “C’est une loi fourre-tout dans laquelle le gouvernement a mis de quoi satisfaire Bruxelles et Berlin en échange de l’assouplissement de la règle d’or de limite du déficit budgétaire à 3 % du PIB”.

Majorité divisée

Au milieu du cortège, un drapeau rose du Parti socialiste détonne dans la marée de drapeaux rouges de la CGT. Il rappelle que la majorité socialiste est elle-même divisée sur le projet de loi Macron. Martine Aubry s’y estvigoureusement opposée, de même que Benoît Hamon, les Jeunes socialistes et les députés frondeurs. Arrivés sur la place de la République, les manifestants se sont rassemblés autour du speaker qui a appelé du haut du camion de la CGT à poursuivre la mobilisation en janvier : “La majorité étale sa dissension au grand jour. La loi Macron est une loi scélérate qui porte en elle des régressions qui vont toucher l’ensemble du salariat”. Et de fixer comme objectif une mobilisation pour le 22 janvier, jour de la présentation du projet de loi à l’Assemblée nationale.

Pendant la harangue du porte-parole de la CGT, les syndicalistes distribuent des cartes postales pré-écrites et dispensées d’affranchissement à envoyer massivement à l’Elysée. On y lit une citation de François Hollande le 17 avril 2012, alors qu’il était encore candidat :“Le combat de 2012 c’est de préserver le principe du repos dominical, c’est-à-dire de permettre aux travailleurs de consacrer un jour de leur semaine à leur famille, au sport, à la culture, à la liberté. Et j’y veillerai !”. Amer souvenir.

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