L'ouverture le dimanche est déjà dans les mentalités !

M. COHEN-HADDAD a le mérite d’être clair : il plaide pour le travail du dimanche, dans un monde ou la consommation est devenu un loisir.

Qu’il nous permette de préférer un autre modèle, dans lequel les hommes sont des hommes, et non pas seulement des consommateurs. 

 
 

Dans un magasin de bricolage… dont certains sont ouverts le dimanche (Crédits : reuters.com)
 
Les PME ont parfois été réticentes face à l’ouverture des magasins le dimanche. Mais ce n’est plus enjeu, c’est une nécessité. par Bernard Cohen-Hadad, président du think tank Etienne Marcel et Philippe Gosselin, consultant en organisation
 
Face au développement des sites marchands de vente en ligne, des méga centres commerciaux ou centres de magasins d’usines lowcost, les PME indépendantes sont confrontées à une nouvelle forme de concurrence. Elle bouscule nos codes: notre façon d’acheter, la relation au client et au produit mais aussi les heures et les jours d’ouverture des magasins. Cette apparence de liberté parle aux consommateurs d’autant que les grands groupes à la manœuvre ont su s’en saisir. Ils intègrent les modes de vie des clients, maîtrisent les outils web, le marketing, le paiement à distance, disposent d’une forte capacité d’investissements et du poids politique de la concentration de l’emploi. Les commerçants traditionnels ne sont donc plus seulement confrontés aux zones touristiques mais aussi à l’atomisation des emplois. Ils se trouvent face à un changement de société. C’est par ce contexte que l’on doit débattre de l’ouverture des magasins le dimanche.

On ne peut pas balayer d’un revers de main notre histoire sociale, mais…
Le sujet est passionnel. Le repos hebdomadaire chômé, du dimanche, est à la croisée de tout ce qui a fait le monde du travail industriel en France depuis des siècles. Et l’acquis d’un deuxième jour non travaillé pour les salariés a été une avancée sociale forte. On ne peut donc pas balayer pas d’un revers de main, notre histoire sociale, notre héritage judéo chrétien et nos traditions laïques. Mais aujourd’hui, dans la crise, face à la mondialisation des échanges ou la circulation du tourisme de consommation, avec l’importance grandissante du web les lignes bougent en permanence. Et des citadelles s’effondrent. D’autant que les consommateurs, de plus en plus informés, adoptent ou subissent de nouvelles attitudes de consommation. Accrochés à leurs Smartphones ou à leurs tablettes ils zappent et se font « hameçonner » par ceux qui maîtrisent la puissance du média.

 Des dérogations multiples
Depuis la loi 1906 et jusqu’à la loi Maillé de 2009, les évolutions et les dérogations sur l’ouverture du travail le dimanche se sont multipliées notamment avec les Puces. Les autorisations administratives accordées n’ont pas toujours jouées la transparence voire l’équité. La récente affaire Leroy Merlin-Castorama contre Bricorama n’a été qu’un rebondissement de la querelle du bon ou du mauvais trottoir déjà médiatisée, en 2006, par les affaires Louis Vuitton et Usine Center. Notre dispositif est compliqué. Il faut aller vers plus de simplicité et permettre clairement l’ouverture des magasins le dimanche.

 La consommation comme loisir
Pourquoi ? Pour beaucoup, consommer est devenu une occupation-loisir voire culturelle. C’est aussi l’occasion de faire partager des goûts et de se faire plaisir ensemble. Ensuite, il n’y a pas que les consommateurs qui veulent l’ouverture le dimanche. Une partie des salariés plébiscite le travail le week end : les chômeurs à la recherche d’un emploi, les jeunes qui veulent s’installer, les étudiants à la recherche d’un job et tous ceux qui veulent concentrer leur semaine de travail. Ils revendiquent leur liberté au travail par l’instauration d’un nouveau modèle social et ils comprennent mal ce blocage imposé au nom des acquis sociaux. Bien entendu, les grandes enseignes y sont favorables car un jour non ouvré d’ouverture c’est plus de fréquentation dans les magasins ouverts. On comprend alors l’inquiétude des PME du commerce et des services.

 Les PME doivent se saisir de ce débat
Dans notre monde en pleine mutation, victimiser éloigne des réalités. Et jusqu’à présent notre réglementation contraignante n’a pas été un gage de répartition équilibrée des valeurs ajoutées, ni de vie commerçante pour nos centres-villes, ni de protection de l’emploi. Les PME doivent se saisir de ce débat et le penser. Elles doivent accompagner le mouvement, faire leur révolution organisationnelle et numérique pour être prête. Tirer profit de cette révolution culturelle et sociale.

L’entreprise patrimoniale doit valoriser, ses produits et marques moins publicisés, ses savoirs faire en matière de conseil ou de sociabilité marchande et justifier d’éventuels surcoûts par sa proximit&
eacute; et la qualité de sa relation client. Beaucoup de consommateurs, aux extrêmes de la ménagère de moins de 50 ans, misent sur l’authenticité des commerces et leur nouvelle responsabilité et leur implication dans les territoires. La grande majorité des patrons de PME sait qu’une telle évolution des attitudes et des modes de pensée est inéluctable. Et que le poids de l’adaptation des systèmes d’organisation n’est pas anodin. Cette adaptation a même un coût. La complexité des normes sociales pour intégrer le travail dominical pèse plus lourdement sur les PME que sur les grandes enseignes succursalistes. Et au moins autant que le coût de démarrage avant que l’attractivité de la densité d’ouvertures dominicales ne soit rentabilisé par la modification des comportements. Ce sont ces sur-coûts cumulés qui brident l’entreprise dans son développement.

Un partenariat gagnant-gagnant
 Aujourd’hui, les PME peuvent être fières de leur apport social et économique. Elles savent orchestrer entre consommateurs, salariés et patrons, la qualité relationnelle de la proximité. Elles doivent ouvrir au monde leur différence, d’autant plus qu’elles peuvent être les vrais bénéficiaires du tourisme commercial de centre-ville. L’ouverture des magasins le dimanche n’est donc pas leur crépuscule. Et ce qui manque à ce débat c’est d’abord d’oublier les tabous. Du partenariat entre patrons et salariés et en fonction du projet entrepreneurial peuvent naître, ici et là, de bonnes initiatives. C’est pourquoi, il faut généraliser, sur la base du volontariat, la modulation du repos hebdomadaire en garantissant à chaque partie, patrons ou salariés un partenariat gagnant-gagnant. L’ouverture des magasins le dimanche n’est plus un enjeu pour les PME. C’est devenu une nécessité.

Bernard COHEN-HADAD

Président du think tank Etienne Marcel

Philippe GOSSELIN

Consultant en organisation

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