En réponse à la tribune échevelée de Guillaume CAIROU

En réponse à la tribune échevelée et consternante de Guillaume CAIROU, parue sur les Echos le 26/09  et sur le blog du Club des Entrepreneurs .

 


 

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75017 PARIS 
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                                 Paris, le 29 septembre 2014

 

Monsieur Guillaume CAIROU
Président du Club des Entrepreneurs
154 Boulevard Haussmann
75008 PARIS

Objet : Travail dominical – Travail de nuit (Lettre ouverte)

Monsieur le Président,

Vous avez fait paraître sur le site des Échos, ce 26 septembre, une tribune dans laquelle vous vous « insurgez » contre la décision de la Cour de Cassation interdisant le travail de nuit chez Sephora.

Vous affirmez qu’« aucun pays dans le monde ne se pose cette question délirante de savoir quand et comment l’État doit empêcher les salariés de travailler alors qu’ils sont volontaires et sont mieux payés. ». Nous voudrions vous rappeler qu’exactement au contraire, tous les pays du monde ont adopté des législations sociales, réglementant le temps du travail. Heureusement. Et que par ailleurs, en France, les chefs d’entreprise dont nous sommes, ont une liberté totale de travailler quand ils le veulent, dimanche compris. Heureusement aussi.

Élargissant votre propos, vous écrivez ensuite que « nous devons desserrer les freins à la croissance. Cela passe avant tout par l’étau qui enserre et dégrade l’emploi dans notre pays. Il en va du travail le dimanche comme du travail en soirée  […] Les mesures qui empêchent le travail le dimanche et en soirée entravent l’emploi, la croissance et le pouvoir d’achat ».

Vous avez certainement pris connaissance de l’étude de Xavier Timbeau sur le travail dominical concluant à son absence totale d’impact sur la croissance dans notre contexte, et à un impact possiblement négatif pour l’emploi. Vous avez certainement noté les réactions des économistes concernés aux récentes propositions du MEDEF à ce sujet : chiffrages « totalement fantaisistes » (Philippe Askenazy, CNRS), calcul « très trivial » et « surestimé » (Eric Heyer, OFCE), mesures « ne pouvant pas avoir un effet massif » (Gérard Cornilleau, OFCE), « provocations » (Stéphane Soumier, BFM). Nous avons publiquement mis au défi M. Gattaz de produire une seule étude macro-économique concluant à la création nette d’emplois par la dérégulation du repos dominical : il n’a pas pu nous la fournir. Nous vous faisons le même défi. Vous vous souvenez de la promesse des « dizaines de milliers d’emplois » annoncés par le député Mallié, lors de la discussion de la loi instaurant entre autre le désordre kafkaien des PUCE ? Nous les attendons toujours. Vous avez observé les expériences menées en Allemagne et en Espagne sur ces sujets : le travail du dimanche n’a aucun impact positif sur l’emploi, la croissance, ou le pouvoir d’achat.

Même dans l’hypothèse la plus favorable pour vous, c’est-à-dire que vous ayez raison contre toutes les études, ainsi que l’expérience des pays qui les ont testé, ces mesures sont de l’ordre du gadget (sauf, naturellement, pour les entreprises qui y ont un intérêt individuel, comme Sephora sur les Champs-Elysées). Envisagez-vous sérieusement, M. Cairou, de « déserrer les freins de la croissance » avec de telles propositions ?

Le seul effet incontesté de ces dérégulations est qu’elles génèrent, au détriment de la distribution de proximité, un transfert de chiffre d’affaire vers la grande distribution, représentée par des enseignes que vous connaissez bien, puisque certaines d’entre elles sont situées sur le même boulevard que votre siège social, le boulevard Haussmann, ou propriétaires du support média de votre tribune, … ainsi que de Sephora.

Aussi, il est facile de comprendre pourquoi travailler le dimanche et de nuit n’est demandé que par ces grandes enseignes, qui n’hésitent pas, le cas échéant, à organiser des « manifestations spontanées de salariés », dûment encadrées par leurs services de communication, ou à financer des sondages particulièrement orientés, quand ils ne sont pas carrément bidonnés (JDD 2008).

La dérégulation des temps de travail, non seulement inefficace économiquement, est porteuse de nombreux effets délétères : déstructuration sociale,  impacts négatifs sur la santé, affaiblissement culturel, développement d’un matérialisme déshumanisant, etc. Est-ce là le choix de société que vous faites pour les prochaines années, un retour au XIX° siècle ?

Pour tout vous dire, nous avons étés stupéfaits de lire sous votre plume une pareille accumulation de contre-vérités, d’aberrations économiques, voire d’escroqueries intellectuelles, transformant le Club des Entrepreneurs en supplétif d’intérêts particuliers.

Nous attendons que vous portiez à la connaissance du public les éléments sur lesquels se basent vos affirmations, et, le cas échéant, que vous procédiez à la clarification et aux rectifications nécessaires.

Dans cette attente, Monsieur le Président, veuillez agréer nos courtoises salutations.

 

Jean DIONNOT                   Etienne NEUVILLE
Président                                Secrétaire Général

Copie pour information : M. Morel, Les Échos

 

 


Réponse reçue des Echos, à notre proposition de texte en réponse à cette tribune. Nous aimons bien le mot "malheureusement" !

 

De : "IDEES" <idees@lesechos.fr>
À : contact@travail-dimanche.com
En
voyé 06/10/2014 12:56:36
Objet : Dionnot – Neuville : Réponse à la tribune de M. Cariou

Bonjour, 
Nous vous remercions de la proposition de point de vue que vous nous avez fait parvenir mais elle n’a malheureusement pas été retenue. 
En vous remerciant de l’intérêt que vous portez aux Echos, 
Cordialement 

Daniel FORTIN 
Rédacteur en chef responsable des Opinions. 

Zahia KACEL
Rédaction en Chef / Pages idées 
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