Travail dominical: "Malgré le discours gouvernemental, on va vers la généralisation"

L’Express – publié le 02/01/2014 à 18:19

Le gouvernement autorise par dérogation les enseignes de bricolage à ouvrir le dimanche avant même que les négociations avec les syndicats aient commencées. Pour Christophe Le Comte (FO), c’est le principe du repos dominical qui est attaqué. Explications.
 

Travail dominical: "Malgré le discours gouvernemental, on va vers la généralisation"

Travail dominical: « Plus rien n’empêche que des magasins de bricolage auparavant fermés le dimanche n’ouvrent ».AFP

Après la fronde de Leroy Merlin et de Castorama pour ouvrir le dimanche, le gouvernement vient d’autoriser par décret les enseignes de bricolage à déroger à la règle du repos dominical. La mesure est applicable dès le 1er janvier 2014. Mais pour la CGT et pour FO, les contreparties auxquelles se sont engagés les employeurs sont insuffisantes, d’autant que les négociations pour les valider n’ont pas encore commencé. Les deux syndicats refusent donc de signer un accordChristophe Le Comte, de la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière, répond aux questions de Lexpansion.com.

Il n’y a vraiment aucune chance pour que vous signiez un accord?

Nous irons aux négociations. Mais les engagements qui ont été pris par la Fédération du bricolage, et que le gouvernement a acceptés, sont vides de sens. Des salaires au moins doublés? Ils sont tellement faibles dans le secteur, entre 1 et 1,6 Smic, que même si on les double, c’est minable. Le volontariat? En droit du travail, cela n’existe pas. Des engagements sur la formation professionnelle? C’est déjà une obligation légale pour l’employeur. Tout ce qui est annoncé est déjà acquis dans la plupart des cas. Cela n’empêche pas que le bricolage soit une des plus mauvaises branches du commerce en terme de salaire et d’accidents du travail. Ce que nous demandons depuis longtemps, c’est une augmentation des salaires de base. Pas seulement les dimanches. Ce décret est une mauvaise base de négociation.

Qu’est-ce qui ne va pas dans ce décret?

Nous nous attendions à un texte de ce genre après le rapport Bailly, qui préconisait de régulariser certaines situations. D’après ce que nous avions compris, seules l’Ile-de-France et la zone commerciale de Plan de campagne, dans les Bouches-du-Rhône, devaient être concernées. Mais le décret va plus loin, il s’applique à toute la France. Et ce ne sont pas seulement les grandes surfaces qui sont concernées, car le décret cite « les commerces de détail de bricolage » sans mentionner de limites de taille. Les petites boutiques sont donc concernées, même si elle ne font pas partie d’une chaîne. C’est tout un secteur, sur toute la France, qui peut désormais déroger au repos dominical. Le décret ne respecte donc pas la convention de l’organisation internationale du travail qui prévoit un jour de repos commun à tous les salariés d’un pays.

D’après le gouvernement, il permet de « sécuriser juridiquement » les ouvertures constatées.

C’est seulement de la communication. Il n’y a que deux choses qui comptent, le décret et la convention collective du bricolage qui est visée. La liste limitative de magasins qui a été évoquée n’a aucune existence légale. Plus rien n’empêche que des magasins de bricolage auparavant fermés le dimanche n’ouvrent. Alors que les pouvoirs publics étaient chargés de faire respecter la loi sur le repos dominical, le gouvernement a choisi de rendre légal ce qui était illégal. D’après nous, c’est pour amorcer le principe. Quand les parlementaires commenceront à discuter de la prochaine loi, dans un an, de nouveaux usages seront établis, et on leur demandera d’en tenir compte.

Que craignez-vous de la future loi sur le travail dominical?

Elle sera pire que la loi Mallié en 2009. Jean-Paul Bailly a proposé de pouvoir créer un périmètre d’animation commercial concerté (PACC), ouvrant de droit les dimanches, à partir de 20 000 m2 de surfaces commerciales. La loi Mallié ne concernait que des ensemble plus grands. En fait, il suffira d’un Ikéa et de deux ou trois magasins autour pour avoir un PACC. Les PACC permettront de diffuser le travail du dimanche là où il n’était pas implanté. La loi Mallié ne visait qu’à valider des situations antérieures. Malgré le discours du gouvernement, c’est bien vers une généralisation que l’on va. Pourtant, le travail du dimanche ne crée pas d’emploi. Au contraire, il va casser les petits commerce des centre villes, et contribuer à leur désertification.

 

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