Point de vue : Sur le marché du travail, les employeurs ont tout pouvoir

Boulevard Voltaire, 15/10 — RenaudAubanel Technicien d’accueil client chez France Telecom

ferme-le-dimancheJe voudrais réagir à l’article de M. Tesson concernant le travail dominical, en me permettant de lui proposer une vision de la réalité bien plus crue et sordide que celle qu’il semble imaginer.

Philippe Tesson semble en effet ignorer qu’aujourd’hui, sur le marché du travail, le rapport de force est favorable aux seuls employeurs, qui disposent de fait des pleins pouvoirs, et qui n’hésitent pas une seule seconde à s’en servir, que ce soit pour se débarrasser du personnel et des syndicats, ou rabaisser et humilier les employés par une pression constante. On peut remercier en cela la mondialisation et l’Union européenne.

On se permet donc toutes les fantaisies comme, au hasard, exiger 30 ans d’expérience pour un CDD de 6 mois de secrétaire, organiser des entretiens d’embauche où les candidats dansent ou s’humilient d’une façon ou d’une autre (!), proposer des offres d’emplois par enchère inversée (où celui qui proposera le salaire le plus bas sera recruté), etc. Les exemples ne manquent pas et la plupart des gens de ma génération (j’ai 31 ans) ont eu à subir ce genre de pratiques.

De même, à l’instar de la plupart des Français, Philippe Tesson n’a pas dû voir passer la loi sur la « sécurisation » (sic) de l’emploi adoptée le 14 mai 2013, qui renforce encore plus les pouvoirs des employeurs, leur permettant de forcer en toute légalité leur personnel à la mobilité (en France et ailleurs) sous peine de licenciement, et de décider unilatéralement des baisses de salaire ou de la durée du travail, là aussi sous peine de renvoi en cas de refus. Cette loi mériterait à elle seule un article, mais pour résumer, elle rendra simplement licites des pratiques qui, bien que déjà très courantes, étaient pour l’instant illégales.

Tout cela est la réalité du monde du travail contemporain. Les employés n’ont pas d’autre choix que celui d’obéir à toutes les fantaisies de leurs employeurs, et d’accepter la diminution de leurs salaires tout en observant l’augmentation des dividendes, primes et salaires de la direction.

Comment peut-on donc imaginer qu’il en serait autrement pour le travail dominical ? Les employeurs n’embaucheront que ceux qui seront volontaires pour travailler le dimanche, et ceux qui refuseraient une fois embauchés se retrouveraient vite dehors, ou relégués dans un quelconque placard. Il n’y aura aucun choix en vérité, ou seulement marginalement, et forcé par les circonstances, car les salaires versés sont de plus en plus bas.

Monsieur Tesson, pour permettre aux employés de gagner plus, vaut-il mieux encourager à travailler le dimanche, ou trouver de vraies solutions pour sortir de la crise, comme s’engager enfin dans le protectionnisme et reprendre le contrôle de notre monnaie ? Car n’en déplaise aux pseudo-experts, ce n’est qu’en contrôlant sa monnaie et son marché intérieur que l’on peut vraiment prospérer économiquement, et éviter cette régression totale et, pour le coup, « antimoderne », qu’est le travail dominical.

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