L’appel à l’aide des commerçants en crise

Tribune de Genève, 5/12/11

VENTE AU DÉTAIL | Les détaillants invoquent une situation critique pour bénéficier de mesures d’exception, mais les syndicats et l’Etat s’y opposent.

«J’ai dit à mon personnel que jusqu’au 31 décembre, je pouvais leur assurer leur place et leur salaire. Au-delà, je ne peux rien leur promettre.» Après trente années dans la vente de vêtements, René Haus, le président de l’Association genevoise des détaillants en textiles, est un brin désabusé. Jamais il n’a vécu une pareille situation. L’avenir de ses cinq employés dépend du chiffre d’affaires du mois de décembre.

Ouvertures prolongées

Mais René Haus ne semble pas être le seul à souffrir. «L’ensemble des détaillants se plaint. Leur chiffre d’affaires a chuté de 10 à 40% depuis le mois d’août. Devant la gravité de la situation, nous avons interpellé le Conseil d’Etat et lui avons demandé des mesures exceptionnelles. Nous voulions ouvrir un dimanche avant Noël. Cela nous a été refusé. Légalement, seuls les prolongations d’horaires le samedi auraient pu être mises en place, mais il fallait l’aval des syndicats. Ils ont bien entendu refusé», détaille Isabelle Fatton, secrétaire de la Fédération du commerce genevois.

Responsable du commerce de détail pour le syndicat Unia, Joël Varone estime que les patrons en font beaucoup trop: «Il faut avancer des chiffres crédibles. Avec de tels résultats, il y aurait déjà eu des vagues de licenciement dans les entreprises. S’ils veulent ouvrir davantage, les patrons doivent s’engager dans la signature d’une Convention collective de travail (CCT). Ils en sont incapables! Inutile alors de venir autour de la table nous demander plus, s’ils ne peuvent pas donner de contrepartie pour le personnel.» Le dialogue entre les partenaires sociaux est au point mort à un moment critique. Les statistiques nationales sur le commerce de détail non alimentaire présentent un recul de 3,8% en une année pour ce secteur. A Genève, la proximité avec la France renforce probablement ce glissement vers le bas.

L’Etat aussi incriminé

Pour les associations de commerçants, les syndicats ne sont pas les seuls à faire preuve de mauvaise volonté. Le Département des affaires régionales, de l’économie et de la santé, dirigé par Pierre-François Unger, est aussi incriminé. «Même au courant de la problématique de crise du secteur, le département de l’économie ne va pas être proactif ni une force de proposition. Il ne fait rien pour nous sortir de la panade», accuse Isabelle Fatton.

Des reproches que le conseiller d’Etat récuse vigoureusement et qu’il met sur le compte de la votation sur les heures d’ouverture des magasins perdue l’année dernière par les associations de commerçants: «On ne peut pas nous demander de faire des choses illégales, comme ouvrir deux dimanches en décembre. J’ai défendu ce projet de loi, mais on a perdu. Il faut donc respecter la décision du peuple.»

Pas de chômage partiel

Pour éviter des licenciements, les détaillants auraient aimé pouvoir, au besoin, recourir à la réduction d’horaires de travail (RHT). Une circulaire datée de la fin du mois de novembre, signée par MM. Longchamp et Unger, rappelle aux entreprises concernées par une baisse d’activité la possibilité d’adopter cette mesure. Pourtant, le secteur du commerce de détail en est exclu car, comme le rappelle le courrier, «la RHT n’indemnise pas une baisse de chiffre d’affaires, mais bien une baisse de l’activité». Or dans le commerce, le personnel de vente, en recevant les clients, est considéré comme occupé.

Pour le deuxième employeur du canton, près de 20 000 employés, la fièvre consumériste de la fin de l’année sera attendue avec encore plus d’impatience qu’à l’accoutumée.

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