Grand Dijon : L'ouverture dominicale fait (presque) l'unanimité !

DijonScope, 22/11/11

En 2012, les commerces du Grand Dijon n’ouvriront que deux dimanches dans l’année : tel est l’objet de l’accord qui sera signé vendredi 25 novembre 2011 par toutes les organisations syndicales de l’agglomération. Toutes, ou presque, car le Medef Côte-d’Or s’oppose à cette limitation des ouvertures dominicales, alors que la loi en autorise jusqu’à cinq par an… Explications.

Grand Dijon : un accord pour deux dimanches

Ouvrir le dimanche ou ne pas ouvrir le dimanche ? A ce sujet, les commerçants du Grand Dijon ont connu un avant-2003 et un après-2003. « Jusqu’à cette date, ces derniers étaient autorisés à ouvrir cinq dimanches dans l’année en formulant une demande à la mairie. Or, sur cinq dimanches, les ouvertures se faisaient par catégorie de commerce : un dimanche c’était le bricolage qui était ouvert, faisait sa publicité, et le consommateur ne comprenait pas car il imaginait que tous les magasins étaient ouverts. Une autre fois, c’étaient les équipements de la personne… Tout cela était très peu harmonisé et donc peu efficace. D’autre part, il n’existait aucune unité entre les différentes communes de l’agglomération dijonnaise, alors que nous savons aujourd’hui que le consommateur se promène au centre-ville de Dijon aussi bien qu’à Quetigny, à Chenôve, Perrigny ou encore au centre commercial de la Toison d’Or », explique Daniel Exartier, vice-président en charge du commerce à la Chambre de commerce et d’industrie de Côte-d’Or (CCI 21).

L’harmonisation des pratiques entre les différents commerces est vite devenue une nécessité. « Il s’est révélé que les deux dimanches précédant Noël étaient extrêmement porteurs. Nous avons donc décidé de nous mettre autour d’une table avec les syndicats patronaux et salariaux pour voir ce que l’on pouvait faire. La première et la deuxième année, nous avons convenu de l’ouverture de trois dimanches, puis nous nous sommes aperçus que finalement, deux dimanches convenaient à tout le monde. Chaque année, nous décidons si nous maintenons cet accord ou si on l’élargit. A chaque fois il y a des discussions car une partie des commerçants souhaiterait l’ouverture d’un dimanche supplémentaire, pendant le premier week-end des soldes d’hiver. C’est partagé et pour l’instant il n’y a pas eu d’unanimité. Cette année, la CCI 21 a réussi à harmoniser les positions des partenaires sur l’ouverture de deux dimanches par an, sauf avec le Medef, qui ne signera pas l’accord pour la deuxième année consécutive », note-t-il.

Mais quelle est la valeur réelle de cet accord intersyndical, quand l’on sait que la décision finale d’ouvrir les commerces le dimanche revient aux municipalités ? « Chaque année, la communauté d’agglomération du Grand Dijon signe également cet accord. Ce qui veut dire que les deux dimanches sont les mêmes pour l’ensemble de l’agglomération. Les commerces ne peuvent donc pas ouvrir un autre dimanche puisque les mairies de l’agglomération prennent l’engagement de ne pas outrepasser l’accord », précise Daniel Exartier.

Ouvrir plus pour gagner plus ?

Cette décision n’est pas du goût d’un syndicat patronal : le Medef Côte-d’Or. « La loi permet d’ouvrir cinq dimanches et ensuite, chaque collectivité décide d’en ouvrir cinq, quatre, trois, deux, un ou pas du tout. Pour le Medef, deux dimanches par an ne suffisent pas. Il faut aller au-delà », indique-t-on du côté de l’organisation patronale. Pourquoi ? « Tout d’abord, il y a une demande de consommation spécifique le dimanche. Les consommateurs peuvent aujourd’hui satisfaire leur demande en effectuant leurs achats au détriment des commerçants de proximité – par internet notamment. Il est donc important de favoriser l’expression de cette demande de consommation auprès des commerçants du Grand Dijon, compte tenu de la situation économique actuelle où l’on doit favoriser le maintien du chiffre d’affaires pour tous », précise l’organisation patronale dans un communiqué de presse reçu mardi 22 novembre 2011.

Le Medef estime également que l’ouverture dominicale est un enjeu de « modernité » et d’attractivité » : « Limiter les ouvertures dominicales se heurte au style de vie actuel, à l’évolution sociale et familiale en particulier. La diversité des familles et les modèles de familles recomposées modifient aussi les besoins d’accès à la consommation. Il y a enfin un enjeu d’attractivité. Le tourisme est une activité majeure pour la croissance de notre agglomération et le commerce en est des vecteurs importants. La ville de Dijon a d’ailleurs demandé et obtenu son classement en commune touristique en mai 2011. Par ailleurs, notre agglomération voisine avec d’importants pôles commerciaux tels que Troyes ou Besançon ou plus proche de nous, Beaune, qui eux bénéficient d’une ouverture dominicale plus étendue. Elle doit rester dans le jeu concurrentiel pour fidéliser la clientèle domestique et touristique ».

« Quand vous n’avez pas d’argent le mardi, vous n’en avez pas le dimanche ! »

Pour les signataires de l’accord, l’argument économique avancé par le Medef ne tient pas. « Le consommateur n’est pas présent. D’autre part, il faut savoir que quand un commerçant ouvre le dimanche, il accorde traditionnellement un salaire plus important aux employés. Donc il faut aussi se demander si l’ouverture est rentable. Enfin, ce n’est pas en multipliant les ouvertures que les clients vont dépenser davantage ! Chaque année nous consultons les associations de commerçants, qui recueillent les remontées de leurs adhérents. La plupart ne perçoivent pas l’intérêt d’ouvrir un dimanche de juin ou d’octobre car ils ne voient pas les clients. Souvent, aussi, les achats du dimanche ne seront pas faits dans la semaine », analyse Daniel Exartier.

Même constat du côté de la CGT 21, où Sandrine Mourey, secrétaire générale, résume la situation en affirmant que « quand vous n’avez pas d’argent le mardi, vous n’en avez pas le dimanche ! ». Et de préciser : « Le Medef avance l’argument des nouveaux modes de consommation. Soit. Mais ils concernent essentiellement les jeunes consommateurs. Et en Côte-d’Or, on constate que le taux de pauvreté chez les 18-24 ans est de 23,7% chez les femmes et de 21% chez les hommes selon l’Enquête sur les revenus fiscaux et sociaux de l’Insee, en 2009 : cette clientèle qu’ils veulent toucher subit tellement la pauvreté et la crise que je vois mal comment ils iraient davanage consommer le dimanche ! L’argument économique ne tient donc ni chez les commerçants – qui affirment qu’ils n’auraient pas les débouchés suffisants – ni en ce qui concerne les nouveaux modes de consommation, au regard de la réalité économique chez les jeunes ».

« Commençons par ouvrir les commerces entre midi et deux »

Pour la CGPME 21, syndicat patronal représentant les petites et moyennes entreprises dans le département, les commerçants du Grand Dijon auraient intérêt à revoir leurs horaires d’ouverture en semaine avant de se poser la question de l’ouverture dominicale. « Un autre sujet me semble plus intéressant : l’ouverture des magasins entre midi et deux. Pas mal de gens travaillent en ville et vont faire les boutiques. Où se retrouvent-ils principalement ? Aux 
Galeries Lafayette
. Pourquoi ? Parce que c’est ouvert. A Dijon, vous avez une immense majorité de magasins qui sont fermés entre midi et deux. Il faudrait donc peut-être déjà revoir les horaires d’ouverture dans la semaine plutôt que de penser à l’ouverture du dimanche », analyse Patrice Tapie, président de la CGPME 21.

Dans le même esprit, celui-ci pointe du doigt les domaines d’activité qui n’ouvrent déjà pas le samedi. « Aujourd’hui un exemple me travaille : une infime minorité des agences immobilières sont ouvertes le samedi. Les professionels vous renvoient sur leur site. Mais franchement, je serais agent immobilier, je m’efforcerai d’ouvrir le seul jour où vous pouvez tranquillement aller à la recherche d’un appartement à louer ou d’une maison à vendre avec du temps devant vous ! Quand vous avez un boulot qui vous prend de 8h30 jusqu’à 18h le soir, vous n’avez pas le temps de faire le tour des agences et devez jongler avec votre emploi du temps pour obtenir un rendez-vous… Mais l’immense majorité de cette profession n’est pas ouverte le samedi. Là il y aurait une vraie attente des consommateurs », estime Patrice Tapie.

Et les salariés dans tout ça ?

Pour la CGT 21, cet accord est également protecteur pour les salariés. « Quand vous pouviez avoir cinq ouvertures dominicales dans une collectivité, les salariés étaient souvent contraints d’y travailler – même si on dit que le travail du dimanche est sous la forme du volontariat, les nouveaux contrats dans le commerce incluent le travail dominical et souvent, si vous n’acceptez pas le travail du dimanche, force est de constater que vous trouvez rapidement votre lettre de licenciement », note Sandrine Mourey. Et d’ajouter : « Il n’est pas rare de voir une pression exercée sur les salariés, notamment dans les petits magasins ; salariés que l’on voit ensuite arriver ici à la CGT pour demander du soutien. Dans les grands magasins où les syndicats sont bien organisés, les salariés réussissent à riposter mais vous avez une kyrielle de petits magasins où vous avez un ou deux salariés et ils n’ont pas les moyens de se défendre. C’est très fréquent et cet accord sur le travail dominical offre une vraie égalité de traitement ».

D’une manière plus générale, les signataires de l’accord estiment également que l’équilibre familial des salariés est en jeu dans cette limitation des ouvertures dominicales. « Nous tenons à défendre les salariés et la vie de famille. Je crois qu’ils travaillent sufisamment la semaine et le samedi. Donc les faire travailler en plus le dimanche revient à casser la situation familiale, le rôle familial auprès des enfants… On entend suffisamment parler de « démission des parents » donc si, en plus, les parents ne peuvent plus être avec leurs enfants le dimanche, cela pose un vrai problème ! Le dimanche doit être consacré à la famille, aux loisirs, à la culture ou à la détente. La vie des salariés ne doit pas être consacrée qu’au travail », souligne Sandrine Mourey. Même conclusion pour Patrice Tapie, qui estime que « les salariés ont aussi des familles et même s’ils ont des récupérations, on sort du cadre sacro-saint du samedi et du dimanche. Il vaut mieux ne pas trop exagérer en tirant sur la corde des ouvertures dominicales ».

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