Quand le remaniement banalise le dimanche

Ivan Rioufol, 15/11/2010

Christine Lagarde, qui conserve le ministère de l’économie, a estimé ce lundi matin, sur France Info, que le nouveau gouvernement était « totalement révolutionnaire ».  N’exagérons rien… A moins que la révolution consiste, pour la majorité, à revenir au bon sens qui lui commandait de répondre aux attentes de son électorat. Si la révolution est d’être attentif aux préoccupations de son camp, alors Lagarde a sans doute raison. Car ce nouveau gouvernement Fillon est incontestablement de droite: une audace qui se mesure aux renoncements deNicolas Sarkozy à poursuivre l’inutile ouverture à gauche (Bernard Kouchner, Fadela Amara, Jean-Marie Bockel sont remerciés), mais aussi l’ambigüe politique de la diversité qui faisait de l’origine ethnique ou religieuse un critère de compétence (Rama Yade n’est pas non plus reconduite). En remerciant également, à travers le départ de Jean-Louis Borloo, le centrisme du cul entre deux chaises, le chef de l’Etat se donne les moyens symboliques d’aborder la dernière étape de son mandat d’une manière plus lisible.

Fallait-il pour autant organiser tout ce ramdam un dimanche? La question n’est nulle part soulevée par les commentateurs, qui prennent comme une évidence la dérégulation d’un jour culturellement chômé. Or, comme l’écrit Hélène Bodenezdans un petit livre qui vient de paraître (A Dieu le dimanche ! Editions Grégoriennes) ; « Modifier cet « ordre des jours », en banalisant le dimanche, c’est vouloir, quoi qu’on dise, déchristianiser le temps et par la même déchristianiser la société. Déchristianisation de fait en cours avec la grande déconstruction commencée depuis le XIX e siècle, mais pas suffisamment terminée au goût d’un petit nombre d’initiés. La suppression du dimanche en serait pour ces derniers  le point d’achèvement ». Il est permis de voir, dans la mise en scène dominicale d’un exécutif hyperactif, la volonté d’en finir à terme avec cette tradition jugée dépassée. Est-ce opportun?

Même si l‘Identité nationale ne sera plus représentée par un ministère (Brice Hortefeux gérera l’Intérieur et l’Immigration, ce qui semble cohérent), cettequestion de civilisation reste évidemment posée. Elle demeurera au centre des préoccupations populaires de 2012. Or, en banalisant lui-même le dimanche, Sarkozy prend le risque d’accélérer l’effacement d’un élément important des racines chrétiennes de la culture française, racines qu’il dit pourtant vouloir préserver. Il l’a même réaffirmé dernièrement devant le Pape. Interviewé dans le Nouvel Observateur de cette semaine, Pierre Manent note très justement: « La proposition chrétienne garde toute sa place dans la conversation contemporaine, parce que les autres propositions, j’ose le dire, proposent une version de l’universel qui me semble moins convaincante ». Ce remaniement, annoncé depuis des mois, ne pouvait-il attendre lundi?…  

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