La loi du 10 août 2009 sur le repos dominical n'est pas rétroactive

10/06/10 Cass. crim. 16 mars 2010 n° 09-82.198 (n° 1706 F-PF), Sté D.

L’obtention d’une dérogation au repos dominical par un établissement de vente au détail situé dans un périmètre d’usage de consommation exceptionnel, ne fait pas disparaître les infractions antérieures.

1 Au cours de l’année 2007, un établissement de vente au détail situé dans une zone commerciale de la région parisienne ouvre fréquemment le dimanche sans autorisation de dérogation au repos dominical. Poursuivi, il est pénalement sanctionné pour infractions à ce repos.

En 2010, la zone commerciale ayant été déclarée, en application de la loi du 10 août 2009, périmètre d’usage de consommation exceptionnel (Puce), l’établissement a été autorisé à ouvrir le dimanche.

Dans le pourvoi en cassation qu’il a formé contre l’arrêt d’appel, l’entreprise se prévaut de la loi du 10 août 2009. A ses yeux, ce texte a « remis en cause le principe même du repos dominical » et dépénalisé les faits pour lesquels elle a été poursuivie. Invoquant l’article 112-1 du Code pénal, aux termes duquel les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes, l’entreprise en conclut que la condamnation prononcée à son encontre est nulle et non avenue.

Cette argumentation n’est pas retenue par la Cour de cassation.

2 S’agissant de la portée générale de la loi du 10 août 2009, l’affirmation selon laquelle la loi de 2009 a remis en cause le principe du repos dominical est en contradiction directe avec le texte légal : comme le souligne la Cour de cassation, si la loi a adapté, sous certaines conditions, les dérogations au repos dominical pour les salariés volontaires, elle réaffirme expressément le principe de ce repos, dans son intitulé et à l’article L 3132-3 du Code du travail qui dispose « Dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche ».

 

3 Quant à la prétendue dépénalisation des faits reprochés à l’entreprise, même en sollicitant l’article 112-1 du Code pénal, le classement de la zone en Puce en 2010 n’est pas de nature à faire disparaître les infractions de l’année 2007.

 

Si, en effet, la loi de 2009 a autorisé les commerces de détail situés dans les Puce à déroger au principe du repos dominical, c’est sous certaines conditions (autorisation préfectorale ; accord collectif ou décision unilatérale prise après référendum définissant les contreparties accordées aux salariés ; volontariat et accord écrit des salariés), qui ne pouvaient évidemment pas être remplies en 2007.

 

Par ailleurs, l’entreprise ne peut pas se prévaloir de l’autorisation préfectorale donnée en 2010 pour valider a posteriori une ouverture irrégulière en 2007, cette autorisation ne valant que pour l’avenir.

 

En d’autres termes, dans cette affaire, l’entreprise ne peut pas revendiquer le bénéfice de la loi pénale plus douce, puisqu’elle ne remplissait pas, à l’époque des faits incriminés, les conditions auxquelles est subordonnée son application.

 

4 La Cour de cassation va ainsi dans le même sens que le Conseil constitutionnel, qui a énoncé, dans sa décision relative à la loi du 10 août 2009, que les dispositions créant les Puce ne revêtent pas un caractère rétroactif et sont sans incidence sur l’issue d’éventuelles procédures juridictionnelles en cours relatives à la méconnaissance des dispositions légales en vigueur (Cons. const. n° 2009-588 DC du 6 août 2009, considérant 11).

 

5 Est-ce à dire que la loi du 10 août 2009 exclut toute application de l’article 112-1 du Code pénal ?

 

Il est permis d’en douter. En effet, dans un précédent arrêt, la Cour de cassation a approuvé une cour d’appel d’avoir relaxé une entreprise de location de vidéocassettes et de DVD du chef d’infraction au repos dominical, dès lors que, après l’infraction, un décret avait étendu à ces établissements la faculté de donner de plein droit, sans autorisation administrative, le repos hebdomadaire par roulement. Elle a considéré que cette disposition, plus favorable, s’appliquait aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée (Cass. crim. 14 mars 2006 : RJS 7/06 n° 852).

 

Ainsi, lorsqu’un texte fait bénéficier une nouvelle catégorie d’établissements d’une dérogation de plein droit au repos dominical, il fait disparaître l’infraction antérieurement commise par les établissements concernés, sous réserve, évidemment, des condamnations passées en force de chose jugée.

 

Or, c’est bien ce qu’a fait la loi du 10 août 2009 en autorisant tous les établissements de vente au détail situés dans les communes ou zones touristiques ou thermales à déroger de plein droit, sans autorisation ni condition, au repos dominical (alors que, auparavant, cette dérogation n’était accordée que sur autorisation administrative et sous certaines conditions).

 

L’application de la loi pénale plus douce devrait permettre aux commerces de détail situés dans ces communes ou zones et ayant, avant la loi de 2009, employé des salariés le dimanche sans autorisation d’échapper à toute sanction pénale de ce chef.

© 2010 Editions Francis Lefebvre

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