Wauquiez persiste et signe sur commande ?

Laurent Wauquiez n’est pas n’importe qui : tout jeune secrétaire d’Etat chargé de l’emploi (il est né en 1975), il est aussi un homme brillant, ancien de Normale Sup, et n’est pas sans qualités humaines. Mais l’article qu’il vient de publier dans les Echos est agaçant.

Il s’y livre à une dithyrambe de l’action du gouvernement pour ce qui concerne l’emploi, qui serait, dit il, une « politique volontariste ». Et pour illustrer ce propos, il ne trouve rien d’autre que de citer la fameuse « réhabilitation de la valeur travail », qui serait symbolisée par « l’assouplissement des 35 heures, la défiscalisation des heures supplémentaires, la création du régime de l’autoentrepreneur et du revenu de solidarité active ou encore la loi sur le travail du dimanche. »

Nous ne ferons pas ici de commentaire ironique sur l’aplomb de ce jeune homme, qui ne doute pas qu’il aurait, presqu’à lui tout seul, « réhabilité la valeur travail » dans les consciences de 60 millions de nos concitoyens, qui ont sans doute, et depuis plus longtemps que lui, des idées sur ce que travailler, gagner sa vie, veut dire. Mais ressortir la loi sur le travail du dimanche comme expression d’une politique volontariste pour l’emploi, cela laisse pantois. Comment cet homme brillant peut-il ignorer la somme de tractations frauduleuses qui sont derrière cette loi ? Comment peut-il ignorer à quel prix le Château l’a imposé à sa propre majorité ? Comment peut-il faire l’impasse sur ses résultats économiques plus que douteux : combien d’emplois ont été créés, précaires et sous-payés, dans la grande distribution, et combien ont ils été irrémédiablement détruits dans la distribution traditionnelle ? Monsieur Wauquiez fait l’impasse sur ces questions, et n’en pipe d’ailleurs pas un mot dans la suite de son article.

Une des explications possibles de cette erreur manifeste est qu’il s’agit d’un article pour partie de commande : la communication gouvernementale, dans la continuité, s’obstine à faire du travail du dimanche un « marqueur » de la politique de Nicolas Sarkozy. Perseverare diabolicum… Si rappeler que le taux de popularité de Nicolas Sarkozy n’est pas au plus haut est sans doute cruel, il serait quand même temps pour messieurs les communicants du Gouvernement d’imaginer que MM Seguela ou Attali puissent ne pas avoir toujours raison.

Les Echos, 10/5/10

Depuis l’élection de Nicolas Sarkozy en mai 2007, une crise trois fois plus forte que le choc pétrolier de 1973 a frappé l’économie mondiale et a eu de graves répercussions sur l’emploi, particulièrement dans les pays occidentaux.

Très clairement, la France de 2010 n’est plus celle de 2007. Mais, avant comme après la crise, l’action du gouvernement a été guidée par un fil rouge fermement assumé : la réhabilitation de la valeur travail, symbolisée par l’assouplissement des 35 heures, la défiscalisation des heures supplémentaires, la création du régime de l’autoentrepreneur et du revenu de solidarité active ou encore la loi sur le travail du dimanche.

Ce changement profond des mentalités appelait une méthode novatrice, en rupture avec les habitudes de notre pays. […]

Alors que les socialistes avaient fait le choix d’imposer la réduction du temps de travail de manière autoritaire et uniforme, sans évaluation véritable, nous avons bâti notre plan d’urgence contre la crise en concertation étroite avec les partenaires sociaux et à partir d’objectifs chiffrés, à l’efficacité mesurable. Grâce à cette gestion commune, nous avons mis en place des dispositifs majeurs : le fonds d’investissement social, l’activité partielle couplée avec la formation, le contrat de transition professionnelle, la convention de reclassement personnalisé et, plus récemment, l’aide exceptionnelle pour les demandeurs d’emploi en fin de droits. Le sommet social sur l’emploi qui se tient aujourd’hui à l’Elysée témoigne de notre détermination à poursuivre cette politique d’évaluation systématique, fondée sur la responsabilisation de tous les acteurs. Cette méthode innovante s’est accompagnée d’une nouvelle ambition : contre une politique de l’emploi spectatrice, nous avons voulu activer une politique actrice, qui soit un levier de compétitivité pour notre économie. A rebours de l’assistance passive, fondée sur une culture du chèque et sur un traitement statistique et court-termiste du chômage, nous avons mis en oeuvre des outils actifs, offensifs, dans un double objectif : protéger les Français et anticiper la reprise.

En rénovant l’activité partielle, nous avons aidé les entreprises à former plutôt qu’à licencier. En stoppant le financement des préretraites, nous avons refusé de pousser les seniors vers la sortie pour faire baisser artificiellement les chiffres du chômage : en 1997 et 1998, du temps de Martine Aubry, 200.000 personnes étaient en préretraite ; aujourd’hui, elles sont dix fois moins nombreuses.

Parallèlement, nous avons amélioré le cumul emploi-retraite et incité les entreprises à aménager les fins de carrière : les trois quarts des salariés du privé sont désormais couverts par des accords ou des plans d’action. Et, dans la crise, pour la première fois, le taux d’emploi des seniors a renoué avec la hausse. Pour stimuler la création d’emplois, nous avons préféré les mesures simples et rapidement utilisables par les entreprises aux usines à gaz coûteuses et inefficaces comme les 35 heures. Le dispositif « zéro charge » a ainsi permis aux petites entreprises de recruter plus d’un million de personnes, dont deux tiers de jeunes.

Contre une politique qui intervient en aval, une fois qu’on a perdu son emploi, nous avons agi en amont en investissant dans la formation et en accélérant les reconversions vers les secteurs porteurs. Nous avons réformé la formation professionnelle pour mieux toucher les demandeurs d’emploi et les salariés des PME. Pôle emploi a doublé ses aides à la formation et à la mobilité et lancé des prospections dans les territoires pour anticiper les besoins en recrutements. Et nous avons fait du développement de l’alternance le moteur du plan pour l’emploi des jeunes, car c’est le meilleur tremplin pour s’intégrer dans l’entreprise.

En faisant fonctionner toutes nos mesures à plein régime, nous avons pu apporter une solution à 2,7 millions de Français. Jamais un plan pour l’emploi n’avait eu un tel impact. Résultat : le chômage progresse plus faiblement en France que dans les autres pays européens. C’est un encouragement très fort à poursuivre notre mobilisation générale. Car une leçon à tirer de la crise, c’est que seule une politique volontariste, entièrement tournée vers l’emploi, est à même de protéger les victimes de la crise et d’investir efficacement sur l’avenir.

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