Mgr Michel Guyard : « Cette loi enferme les gens dans une logique exclusivement économique »

La Croix, 10/02/10

L’évêque du Havre estime que les premiers effets, mitigés, de la loi Mallié, soulignent le bien-fondé de la parole de l’Église, opposée au travail du dimanche

Entretien avec Mgr Michel Guyard, évêque du Havre, membre du conseil épiscopal Famille et Société

La Croix : Six mois après la promulgation de la loi Mallié sur le travail du dimanche, dénoncée par l’Église, quel constat faites-vous de sa mise en application ?

Mgr Michel Guyard : S’il est encore trop tôt pour dresser un vrai bilan, je continue à déplorer cette loi et ses effets. Au Havre, un nouveau centre commercial, inauguré à l’automne dans l’ancien port de la ville, est désormais ouvert le dimanche. Beaucoup de gens vont s’y promener, alors qu’ils déambulaient autrefois sur la plage. Est-ce vraiment bénéfique pour leur équilibre personnel ? Je m’oppose toujours à cette relance de la consommation à tout prix. 

Nicolas Sarkozy disait : « Travailler plus pour gagner plus. » Il s’agit plutôt de « gagner plus pour dépenser plus »… Est-ce vraiment un objectif dans la vie que de se procurer la dernière trouvaille technologique à la mode ? Notre opposition au travail du dimanche n’est pas uniquement liée à la défense de la messe : elle s’inscrit dans une vision plus humaine de l’existence. Acheter ne rend pas forcément plus heureux…

Vous continuez à affirmer que le travail du dimanche ne constitue pas une liberté, y compris pour les salariés…

Effectivement, cette loi enferme les gens dans une logique exclusivement économique. Or, le profit qui en résulte est assez faible : en janvier, les magasins du Havre n’ont pas effectué d’importantes ventes le dimanche, tout simplement parce que les gens n’ont pas d’argent. Je le dis sincèrement : je souhaite que l’ouverture dominicale des commerces ne soit pas une réussite. Et j’espère qu’on finira par se rendre compte qu’il faut absolument sauvegarder ce temps d’humanité et de convivialité.

Et concernant les salariés qui peuvent trouver là une manière d’améliorer leurs revenus ?

Tous ne sont pas forcément enchantés de cette possibilité. D’autant qu’ils ne se donnent pas toujours la liberté de la refuser, par peur d’éventuelles sanctions. De toute façon, je ne trouve pas convenable d’utiliser des arguments individuels pour légiférer. L’intérêt personnel ne doit pas gouverner les législateurs qui ont à envisager le bien commun.

Avez-vous l’impression que l’Église arrive à se faire entendre sur ce sujet ?

Nous n’avons pas été les seuls à prôner le respect du dimanche, par souci d’humanité. Je crois que nous avons raison de parler. D’autant que les premiers résultats de la loi montrent clairement que les Français n’ont pas envie de travailler le dimanche.

 

Recueilli par Bruno BOUVET

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