Travail dominical : le bras de fer continue entre Ed et ses ex-salariés

magasins ED dimancheLe Progres, 26/1/10 – Bertrand Enjalbal

Aucun compromis n’a été trouvé hier lors de la tentative de conciliation entre le hard discounteur ED et ses trois anciens salariés. Un juge devra trancher le 11 octobre.

« Si la direction d’Ed nous proposait quelque chose, c’était reconnaître qu’elle avait eu tort de nous licencier ». À l’image d’Etelvina Fernandes, les trois anciens salariés du magasin Ed (aujourd’hui Dia), d’Oyonnax fondaient peu d’espoir sur une issue heureuse de l’audience de conciliation à laquelle ils étaient conviés avec la direction de leur ancien employeur, hier au tribunal des prud’hommes de Créteil (94). Chacune des parties est restée sur ses positions. La décision est renvoyée au jugement de ce même tribunal qui aura lieu le 11 octobre. Le 12 juin 2009, Etelvina Fernandes, Élise Kongo et Rath Luang sont licenciés au motif officiel « d’insubordination et refus de se plier au planning ».

Eux sont persuadés que leur refus de travailler le dimanche constitue la véritable cause de leur mise à la porte. Tout trois avaient lors des négociations avec leur direction fait part de l’impossibilité pour eux de travailler le dimanche. Et ce pour des raisons familiales. Etelvina Fernandes accompagne en voiture ce jour-là son fils Nicolas interne au Mans et inscrit en sport-études section football américain. Il vient d’ailleurs d’être sélectionné en équipe de France. Une première victoire pour sa maman dans son combat pour préserver ses dimanches à lui accorder. Rath Luang quant à lui, n’a que ce jour pour voir son enfant dont il est séparé de la maman. Ils avaient décidé de porter l’affaire devant le tribunal des prud’hommes pour faire valoir leur « droit à une vie familiale ». Près de sept mois, les trois anciens salariés sont toujours au chômage. « Et on n’est pas prêt de retrouver du travail sur Oyonnax avec la situation actuelle » appréhende Etelvina.

Sans foi aveugle, elle fonde de solides espoirs sur la justice et rêve d’obtenir sa réintégration dans l’entreprise. « Je n’attends pas la décision seulement pour moi mais pour beaucoup de caissières de magasins qui pourraient ouvrir le dimanche. S’ils ne me donnent pas raison, je suis prête à aller devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme ».

La portée de la décision du juge des prud’hommes pourrait en effet avoir un retentissement important dans une affaire qui a déjà largement fait parler d’elle au-delà des frontières de l’Ain. Reconnaître le droit à une vie de famille serait une jurisprudence de taille, quelques mois après la mise en place d’une loi élargissant le travail dominical. Un poids que redoute l’avocate des salariés. « Cela peut peser c’est vrai, avoue maître Inès Plantureux. Mais cette affaire touche à la relation entre l’homme et le travail. Est-ce qu’on doit dire oui à tout ? Il faut que la juridiction soit un garde-fou ». Pour elle la situation est « aberrante ». « Il n’y a pas besoin de loi pour comprendre qu’un parent a besoin de s’occuper de ses enfants ». L’avocate entend montrer que la direction d’ED a fait preuve d’un abus de position. « L’employeur pense qu’il peut modifier les horaires sans l’accord de ses salariés. C’est vrai, mais pour moi le dimanche est une limite à ne pas franchir ».

Derrière ED se cache le géant de la distribution Carrefour

C’est en 1978 que Carrefour lance ED, pour Epicier Discount. L’enseigne voulait importer le discount alimentaire en France alors qu’il avait fait ses preuves en Allemagne et aux Etats-Unis. En pratique, ED concentre au maximum les volumes sur un nombre de produits restreint, ce qui lui permet d’obtenir des conditions d’achat très performantes. Associé à un taux de rotation des stocks deux fois supérieur à celui d’un supermarché classique, le gain sur les prix est de 30% à 35%.Dans les linéaires, deux tiers des références sont sous marque Dia, sa propre MDD. 20% seulement du chiffre d’affaires est réalisé par les marques nationales. En 2008, la branche hard discount de Carrefour a progressé de 1,8 %.

Secteur : alimentaire
Année de création : 1978
Nombre de magasins : 914
Chiffre d’affaires 2008 : 2,9 milliards €

 

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