A Paris, les ouvertures de supermarchés tout le dimanche se multiplient

marché framprix dimancheLe Monde, Claire Gatinois, 16/01/10

Une bataille entre supermarchés pour capter la clientèle du dimanche s’est-elle discrètement déclenchée ? A Paris, depuis quelques semaines, les enseignes multiplient les ouvertures dominicales. Et n’en déplaise à certains chefs d’entreprise, l’argument selon lequel les salariés opteraient pour le travail du dimanche « parce que ça les arrange », n’est que très rarement vérifié.

« Evidemment que ça nous ennuie, on a une famille nous aussi ! », indique ainsi Houssine, employé dans un Franprix près de la gare de l’Est dans le 10e arrondissement. Depuis septembre 2009, le magasin est ouvert le dimanche, le matin comme l’après-midi, grâce à une dérogation préfectorale. Depuis, les employés n’ont visiblement pas d’autre choix que de se plier à ce nouvel agenda.

« C’est l’ordre des grands patrons », déplore un chef de rayon. Le gérant du supermarché, d’astreinte ce dimanche pluvieux de janvier, évoque, lui, la notion de « volontariat obligatoire », inventée par sa hiérarchie. « J’étais d’accord pour signer mon contrat de travail, mais ça s’arrêtait là ! », dit-il.

Ces employés sont d’autant plus amers que les salaires ne sont pas majorés. Et travailler le dimanche ne leur donne pas droit à un jour de repos supplémentaire. En outre, cette nouvelle contrainte ne dope pas spécialement les ventes.« Le chiffre d’affaires est le même que les autres jours de semaine. Dans d’autres magasins, c’est le double, mais pas chez nous », indique le gérant adjoint de ce Franprix.

« Dérogations particulières »

Un peu plus loin, dans un autre supermarché Franprix, lui aussi ouvert le dimanche, on évoque des ventes « significatives » ce jour-là. Mais le personnel n’est pas franchement plus enthousiaste. A la caisse, une employée d’origine indienne explique : « J’ai besoin d’argent, je n’ai pas vraiment le choix. » A côté d’elle, sa collègue opine, discrètement.

Le groupe Casino, qui chapeaute les enseignes Franprix, assure n’avoir pas donné de directive pour ces ouvertures dominicales. La grande distribution alimentaire s’est exclue des débats de 2009 concernant l’élargissement du travail du dimanche. Les acteurs se disaient satisfaits du dispositif en place les autorisant, de plein droit, à ouvrir le dimanche jusqu’à 13 heures. Le nouveau texte a accordé une demi-heure supplémentaire, soit jusqu’à 13 h 30. Mais certains indépendants gérés en franchise font« un peu comme cela les arrange », explique-t-on chez Casino.

Pour les grandes enseignes, il n’est pas question d’être hors la loi. « Certaines peuvent bénéficier de dérogations particulières », indique la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD). Les autorisations préfectorales sont légion, et les enseignes peuvent négocier au cas pas cas avec les autorités. « Cela reste rarissime », assure la porte-parole de la FCD. La profession fait toutefois peu à peu part de ses ambitions dominicales de façon plus officielle. Chez Monoprix, la direction reconnaît ainsi se lancer dans ces ouvertures dominicales « pour s’adapter à la concurrence » et « parce que la clientèle le réclame ».

Depuis janvier, certains Monop’ ouvrent ainsi les dimanches après-midi jusqu’à 22 heures pour tester, dans un premier temps, l’intérêt du dispositif. Et rue du 8-Mai-1945, dans le 10earrondissement de Paris, le manager d’un de ces magasins nous explique qu’une équipe dédiée travaille ce jour-là. Et ce jour-là seulement.

Dans les rayons, à la caisse, le personnel en poste est en majorité composé d’étudiants qui, comme Hakim, en deuxième année de licence en science de l’éducation, trouve même le concept adéquat : « Comme ça, j’ai le reste de la semaine pour réviser mes cours. Et puis, je suis célibataire, et sans enfants. »

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