Le repos sabbatique, c’est écolo

 
Si les juifs, les musulmans et les chrétiens cessaient toute activité un jour par semaine, ils pollueraient d’autant moins.
 
 
A l’heure actuelle, les dirigeants religieux se convertissent à l’écologie, mais ils ont négligé l’un des enseignements judéo-chrétiens qui permettrait pourtant de réduire la consommation d’énergie et la pollution de 14,2857 %. Ce chiffre correspond à un septième – comme le sabbat, ce jour de la semaine où toute activité s’arrête. Cette journée de repos – longtemps considérée comme un don de Dieu – est censée offrir un répit joyeux et libérateur dans le travail ou la consommation, deux activités bassement matérielles qui, l’une comme l’autre, puisent dans les ressources de la planète.
 
Dès lors, remettre le sabbat à l’honneur serait aussi un bienfait pour l’air, la terre et l’eau, que nous consommons les six autres jours de la semaine. “Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage”, avait dit Yahvé aux juifs sur le mont Sinaï. “Mais le septième jour est celui du repos du Seigneur, ton Dieu ; et tu ne feras aucun ouvrage ce jour.” Les juifs ont interprété le quatrième commandement comme une injonction à ne pas travailler le dimanche, ou bien le samedi, car Dieu aurait créé le monde en six jours avant de se reposer. Alors, ils laissent la nature en repos durant toute une journée. Il est même interdit de faire du feu, si bien que beaucoup de juifs, le plus souvent orthodoxes, ne prennent pas le volant le jour du sabbat, car qui dit conduite dit combustion, et se débrouillent pour résider à proximité de leur synagogue. Toujours dans le même esprit, Yahvé demanda à son peuple de laisser ses terres en jachère durant l’année sabbatique.
Quant aux premiers chrétiens, pour le repos hebdomadaire, ils ont choisi le dimanche, jour où Jésus est ressuscité. Tout comme les juifs, certains chrétiens le considèrent comme un jour sacré et, traditionnellement, évitent toute activité qui puisse les détourner de sa nature divine, tels le travail, les affaires ou le shopping. Et, même si leur obligation première est d’assister à la messe, ils ont repris l’idée de repos et de joie qui est au cœur du sabbat.
Pour les musulmans, c’est le vendredi qui est saint. Cette “journée de rassemblement”, la juma, n’est pas sanctifiée par le repos, car Dieu n’a pas besoin de se reposer. Dans le Coran, Allah s’adresse aux musulmans et leur demande d’effectuer leur prière du midi, mais ils peuvent ensuite retourner travailler. Le vendredi est toutefois un jour de repos dans de nombreux pays islamiques, et les musulmans considèrent que la juma doit être réservée à la charité, à la famille et à des joies simples. Chacune de ces religions encourage donc ses fidèles à tout arrêter un jour par semaine. Beaucoup de non-croyants prennent aussi un repos hebdomadaire. Si nous réduisions tous nos activités, et donc notre consommation énergétique d’un septième, la pollution en serait réduite d’autant. Nous devrions éviter les loisirs très gourmands en énergie, ce qui signifierait peut-être se priver de longs trajets en voiture ou des marathons pour aller au cinéma. Et, même si certains services doivent rester assurés ce jour-là – médecine, police… –, ce serait extrêmement bénéfique pour l’environnement.
Les responsables religieux se sont ralliés à la lutte contre le réchauffement climatique, car ils veulent préserver la Création. Mais, dans leur souci d’encourager la baisse de la consommation et le recyclage, ils ont négligé le potentiel d’un arrêt de l’activité pendant toute une ­journée. L’Evangelical Climate Initiative (ECI), créée en 2006 par 86 leaders religieux, appelle à une action internationale, mais invite aussi directement les fidèles à vérifier que les pneus de leurs voitures soient bien gonflés, à marcher ou à faire du vélo. Pourquoi ne pas invoquer le sabbat et suggérer aux fidèles d’habiter près de leur église et de respecter le caractère sacré du dimanche en ne faisant pas les boutiques ou en ne travaillant pas ? Ils pourraient ainsi se passer totalement de leur voiture un jour par semaine.
Dans le cadre d’une opération nationale, aux Etats-Unis, des centaines de synagogues installent des ampoules à basse consommation. C’est un bon début, mais, selon la tradition, les juifs ne doivent pas allumer l’électricité le jour de sabbat, ce qui est encore plus écologique. De son côté, l’Eglise anglicane a lancé une campagne baptisée “Réduire l’empreinte écologique”, qui préconise elle aussi le remplacement des ampoules traditionnelles et invite à éteindre les photocopieuses des locaux paroissiaux la nuit. Ce ne serait pas un bien grand effort, quand on sait qu’il y a cent ans, le dimanche, toutes les activités s’arrêtaient, tant sur les quais que dans les usines.
Le réchauffement climatique a rassemblé les grands monothéismes, malgré leurs nombreuses divergences. En septembre dernier, des dirigeants juifs, chrétiens, musulmans et d’autres religions venus de tous les pays se sont réunis une nouvelle fois à l’occasion d’un symposium sur l’environnement, organisé cette fois au Groenland, notamment pour évoquer la fonte des glaciers. Ensemble, ils pourraient œuvrer bien davantage pour la planète en faisant mieux respecter l’une des plus vieilles pratiques de leur tradition commune.

* Journaliste et spécialist
e des religions, il a publié en 2006 A Day Apart : How Jews, Christians and Muslims Find Faith, Freedom and Joy on the sabbath (Un jour à part : comment les juifs, les chrétiens et les musulmans trouvent la foi, la liberté et la joie le jour du sabbat), éd. Kindle Book.

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