L'impact économique du travail dominical jugé modeste

La Provence mercredi 02 septembre 2009

PARIS (Reuters) – L’ouverture étendue des magasins le dimanche devrait satisfaire les commerçants installés dans les zones touristiques, compliquer la vie des petites enseignes mais les nouvelles dispositions de la loi, en vigueur depuis le 16 août, devraient au total avoir un impact économique limité.

De leur côté, les syndicats s’opposent à la banalisation du travail du dimanche et exigent des contreparties salariales pour tous les salariés concernés.

Philippe Moati, directeur de recherche au centre de recherche pour l’Etude et l’observation des conditions de vie (Credoc), observe que « depuis des années la France est coupée en deux sur le sujet » du travail du dimanche.

Reste que, selon lui, l’impact économique de cette loi « a minima » devrait être « modeste » tant sur la croissance que sur l’emploi et l’inflation.

« Pour que l’ouverture des commerces le dimanche se traduise par un effet positif il faut faire des hypothèses assez forte sur la baisse du taux d’épargne », observe-t-il.

Philippe Moati estime également que la mesure provoquera un transfert de parts de marché du petit commerce vers le grand, plus productif, « ce qui fera baisser l’emploi ».

Au final, souligne-t-il, la question du travail du dimanche est « une question sociétale avant d’être une question économique ».

PAS DE COMPENSATION SALARIALE SYSTÉMATIQUE

Avec la loi initiée par le député UMP Richard Mallié, tous les types de commerce peuvent désormais ouvrir dans les zones touristiques et sans avoir à verser systématiquement des primes aux salariés acceptant de travailler le dimanche.

Le travail dominical va également être autorisé dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnel (« les marchés aux puces ») de grandes villes, à l’exception des grandes surfaces alimentaires situés dans ces zones.

Dans ces puces, les employeurs doivent toutefois obligatoirement négocier des contreparties salariales ou, à défaut, verser une rémunération deux fois plus élevée qu’un jour normal.

Pour les commerces alimentaires, la loi offre la possibilité de repousser la coupure de la mi-journée de 12h00 à 13h00 le dimanche, à l’exception des grands distributeurs comme Carrefour ou Casino qui ne sont pas autorisés à ouvrir.

Deux décrets d’application de la loi sont attendus en septembre. Le premier porte sur la création de nouvelles zones touristiques et thermales, notamment sur le boulevard Haussmann à Paris où sont situés les Galeries Lafayette et le Printemps. Le second porte sur les puces des agglomérations de Paris, Aix-Marseille et Lille.

UNE MASSE SALARIALE ACCRUE

A la Chambre de Commerce et d’industrie de Paris (CCIP), le vice-président Philippe Solignac souligne que « les commerces qui sont destinés à une clientèle touristique sont très contents » de la loi.

Ils pourront en effet mieux amortir leurs loyers élevés grâces aux achats d’une clientèle qui reste souvent les fins de semaines sur ses lieux de vacances pour pouvoir bénéficier de billets d’avions moins chers.

Certaines activités réalisent le dimanche plus du tiers de leur chiffre d’affaires de la semaine.

« Il fallait donc que la loi s’adapte aux habitudes du consommateur », souligne Philippe Solignac tout en estimant qu’au niveau des salariés un équilibre va s’instaurer en fonction des âges et des situations familiales de chacun.

A l’opposé, Charles Melcer, le président de la Fédération nationale de l’habillement qui représente 44.812 commerces, juge cette loi « indécente et inapplicable ». Elle provoquera selon lui un déplacement de parts de marché au détriment des plus petits commerces.

« On a fait faire des sondages chez nous. Quand on ouvre le dimanche et qu’on lisse le chiffre d’affaires sur l’année ont fait strictement le même chose avec une masse salariale supérieure de 16% car nous payons les salariés le double », explique-t-il.

« Le portefeuille des consommateurs n’est pas extensible. s’ils viennent acheter le dimanche, on ne les verra pas le lundi ni le mardi », fait-il valoir.

Au final, ajoute-t-il, la loi va profiter aux commerçants qui emploient 10 à 20 personnes parce qu’ils pourront effectuer un roulement « pour pouvoir prendre des parts de marché à ceux qui ont entre zéro et trois salariés » dont les prix pourraient bien être revus à la hausse.

Il considère également que même si le principe du volontariat est posé par la loi, en pratique les salariés n’aurons pas véritablement le choix.

Il rejoint ainsi le point de vue exprimé par Michèle Chay, la secrétaire générale de la Fédération CGT Commerce, distribution et services.

« Nous sommes farouchement opposés à l’extension du travail du dimanche qui ne créera pas d’emplois et, du fait de la subordination du salarié à l’employeur, ne peut pas s’effectuer sur la base du volontariat », déclare-t-elle.

« Au moment de l’entretien d’embauche si le salarié refuse le principe du travail le dimanche il ne sera pas engagé, celui qui a un contrat à durée déterminée ne passera pas en contrat indéterminé s’il refuse de travailler le dimanche et celui qui est volontaire à un moment donné ne pourra pas faire marche arrière sans subir de pression », estime Michèle Chay.

Pour la secrétaire générale de la CGT, première organisation dans le commerce de détail, « le travail le dimanche doit rester exceptionnel et, quand cette exception existe, il doit être payé double ».

Édité par Jean-Michel Bélot © 2009 Thomson Reuters

Laisser un commentaire