Lettre ouverte sur le travail dominical à tous ceux dont la richesse n'est pas que monétaire

On arrivera jamais à faire de la politique : au lieu de dire « grosse carabistouille », il faut dire « insincère », vous le saviez, vous ?

Quoi qu’il en soit, ci-dessous la lettre ouverte décapante de Chirtophe Sirugue sur le travail du dimanche.

Site de Christophe Sirugue, député maire de Chalon sur Saône 7 juillet 2009 

Devant la campagne de désinformation orchestrée par le gouvernement pour faire croire aux citoyens que le dernier texte sur le travail du dimanche a été édulcoré au point de nous garder de tout risque de généralisation, j’ai décidé de m’adresser directement à vous.

La quatrième version, présentée aujourd’hui, à l’Assemblée nationale, propose que les commerces des communes touristiques puissent, de droit, «le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel». Ce qui signifie l’ouverture dominicale immédiate et permanente des commerces pour les 523 communes touristiques actuelles mais il s’agit surtout d’un pied dans la porte pour les 5000 communes potentiellement classables dans cette catégorie sur une simple demande du maire en préfecture. Pour ces communes, aucune contrepartie n’est prévue pour les salariés, ni salaire double, ni repos compensateur obligatoire, ni volontariat.

Cette réforme a-t-elle des vertus économiques ? Examinons les arguments de ses défenseurs.

L’argument de la création d’emploi est insincère : lorsqu’une ouverture dominicale crée 1 emploi dans une grande surface, elle en détruit 3 dans un commerce de proximité ou dans l’artisanat.

L’argument du maintien de l’emploi est insincère : le Conseil économique et social affirme que les 30 000 emplois espérés, s’ils étaient créés, ne seraient que transférés de la semaine au week-end.

L’argument de la relance de la croissance est insincère : l’acte d’achat se déplacera de la semaine au dimanche mais les Français ne dépenseront pas ce jour-là l’argent qui leur fait défaut le reste de la semaine.

L’argument de la dynamisation des territoires est insincère : ce n’est pas l’avantage donné aux grandes surfaces et aux zones commerciales des périphéries urbaines qui va permettre le maintien des commerces de proximité en centre-ville et de lutter contre la désertification.

L’argument du pouvoir d’achat est insincère : l’ouverture dominicale des commerces entraînera un surcoût des prix chiffrés à 5% minimum, même pour ceux qui achètent en semaine en raison des charges salariales supplémentaires, des charges de fournisseurs augmentées par les prestations dominicales, etc.

Mais cette dérégulation aurait des vertus économiques, serait-elle pour autant acceptable ? Quelles en seront les conséquences sur la vie professionnelle ? Les chômeurs qui refuseront de s’y plier ne passeront pas la barrière de l’embauche, le maintien de l’égalité entre commerçants sera ruiné par la captation de clientèle, le chantage à la progression de carrière, aux augmentations de salaire et aux attributions de formation fera pression sur les salariés et les rémunérations supplémentaires, pour beaucoup, ne feront que payer la garde dominicale des enfants.

A côté de toutes ces discussions, si j’ai voulu partager avec vous ce débat, c’est que le principe qui sous-tend ce texte me semble beaucoup plus grave qu’il n’y paraît.

Remettre en question le repos dominical, c’est toucher aux fondations de notre société. Le dimanche est une parenthèse. On le consacre à sa famille, à ses amis, à son couple, à ses enfants, à des parents âgés. Certains le consacrent aussi à des pratiques sportives, culturelles, associatives, d’autres à une vie spirituelle. C’est le jour des pratiques amateur de musique, de dessin, de danse. C’est le temps privilégié du jardinage, de la cuisine. C’est surtout le moment, quoiqu’on fasse, de prendre son temps. Et l’appétence de notre société pour un temps différent, c’est qu’elle y reconnaît le repère structurant de la cellule familiale et de la cohésion sociale. Comment organiser des événements communs si chacun prend son repos hebdomadaire un jour différent ? Comment organiser des rendez-vous populaires ?

Il faut sanctuariser un jour de la semaine, hors de la logique marchande, pour assurer la concordance des temps sociaux, maintenir la qualité du temps libéré, respecter la synchronisation des pratiques, tisser des liens sociaux et poser un repère temporel identitaire pour les communautés urbaines et rurales. La suppression de cette pause commune dans le quotidien déstructurerait non seulement la société mais aussi les familles dont les membres ne feraient plus que se croiser sans parler de l’impossible répartition des week-ends pour les enfants des couples divorcés et de l’insondable désarroi des familles monoparentales. C’est un choix de société fondamental pour la collectivité mais aussi pour l’individu.

Cette fausse liberté d’acheter le dimanche a un coût humain. L’horizon indépassable de la consommation qui nous est proposé privilégie à nouveau une société de l’avoir sur une société de l’être. L’accomplissement de soi n’est pas l’affairement, la gesticulation, la fuite en avant et la consommation. Nicolas Sarkozy, l’instigateur de cette réforme, poursuit son processus de déréglementation du monde du travail. Mais il touche ici à la structure de la société et va se heurter à l’ensemble de la gauche, à une partie non négligeable de la droite, aux organisations syndicales, aux associations familiales, sportives et culturelles et aux responsables des cultes. Le débat que vous suivrez avec moi cette semaine le verra probablement passer en force, comme à son habitude.

Mais il reste une chance de contrer la civilisation du supermarché. J’appelle tous les citoyens à transmettre aux députés de la majorité des mails de protestation pour accompagner le combat mené par les députés de gauche. Je reste persuadé que le travail est un bien collectif, qu’il est source d’accomplissement s’il est aménagé pour l’humain. A travailler plus pour gagner plus, je préférerai toujours travailler tous et travailler mieux.

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