Travail du dimanche en zone anti-belge : pas vraiment désiré


Pour le marchand de gaufres Laquemant, ouvert tous les dimanches, la loi n’aura aucun impact.

Nord Eclair, 16/07/09

Le travail dominical, adopté mais pas désiré par tous les commerçants

La proposition de loi sur le travail le dimanche a été adoptée hier par l’Assemblée nationale. Avec Paris et Marseille, Lille est considérée comme une agglomération touristique, et ses commerces devront donc ouvrir le dimanche. Réaction des commerçants.

Dans le centre-ville, on n’est pas ravis. Tandis que la proposition de loi Maillé sur le travail le dimanche vient tout juste d’être adoptée par l’Assemblée Nationale, à 282 voix contre 238, les commerçants de Lille ne sont dans l’ensemble pas séduits par cette idée. « C’est peut-être une bonne idée pour dynamiser la ville et l’emploi, mais je n’ai pas envie de travailler le dimanche », explique Lydie, qui tient le magasin « Et Vous » rue de la Clef.

Vie de famille et temps libre En jeu : la vie de famille, et le temps libre. « Je suis seule avec deux enfants, raconte, remontée, une gérante de magasin de la rue de Béthune, il est donc hors de question que je travaille le dimanche. La vie est trop courte pour mourir derrière son comptoir ! » Si cette femme de 44 ans tient à garder l’anonymat, c’est que le sujet, sensible, n’a pas encore été abordé avec ses patrons, pour qui elle travaille pourtant depuis 20 ans.

Mais au-delà du repos dominical comme tradition immémoriale, légalement instituée en 1906, se pose la question de son intérêt. « C’est peut-être bien pour les magasins touristiques, mais moi je ne vendrai pas grand-chose, le dimanche », avance Francis, gérant du magasin de photo et vidéo « Camara », rue de la Monnaie. Chez Armelle et Sophie, ses voisines, même son de cloche : il faut que ce soit rentable. « Le problème, c’est que ça ne va qu’étaler les ventes », estime Sophie.

Le 14 juillet, jour de fête nationale, certains étaient ouverts. Un argument de plus, pour la commerçante de la rue de Béthune : « On n’a fait que 200 E, quatre fois moins que la veille. » Et quant à l’idée que c’est en ouvrant le dimanche que les clients seront au rendez-vous, elle ne convainc pas : « En province, les gens n’ont pas le déclic d’acheter le dimanche. Ça doit rester limité aux commerces de bouche et aux loisirs. » « Si c’est pour ne pas être payée plus et n’avoir que deux ou trois clients dans la journée, ça ne vaut pas le coup ! » s’insurge Sophie, apprentie chez « Pomme Cannelle », rue du curé St-Etienne. Ce qui inquiète surtout les salariés, c’est la rémunération.

Si certains sont prêts à travailler le dimanche, ce n’est que si le sacrifice en vaut la chandelle. « Si l’on est payés le double, alors d’accord », conçoit Audrey, vendeuse rue de Béthune. À Lille, comme à Paris et Marseille, la loi prévoit des compensations pour les nouveaux salariés : doublement de salaire, volontariat, repos compensateur. Un détail qui n’est pas connu de tous.

Près de la place Rihour, ils ne sont que quelques uns à ne pas être hostiles à la proposition. Si Eric, directeur de La Carterie, voit dans cette loi l’occasion de « récupérer les clients qui vont faire leurs achats en Belgique », Gérard, patron du magasin de gaufres et sucreries Laquemant, ne comprend pas la polémique : « Je travaille le dimanche depuis que j’ai 16 ans. Mes salariés travaillent un dimanche sur trois. Pour nous, rien ne va changer. » C’est également le cas des commerçants autour des marchés de Wazemmes et de la place du Concert. Ils possèdent une autorisation spéciale. Pour Claude Sohet, président de la fédération commerciale de Lille, ces cas particuliers sont peut-être l’exemple à suivre. « Il faut trouver un équilibre ». Une idée, ce serait de créer une zone délimitée place Rihour, comme à Wazemmes ou place du Concert, propose-t-il. « Car ce qui est bien, le dimanche, c’est de se retrouver au même endroit, prendre un café, faire son marché… » Le texte doit maintenant être examiné par le Sénat.
LUCIE HENNEQUIN

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