Sondage : hostilité sans ambiguïté des Français au travail du dimanche

« Mon dimanche m’appartient »

Depuis six mois, partisans et adversaires du travail du dimanche se battent à coups de sondages. Un de plus, dira-t-on? Notre sondage Viavoice-Libération (1) montre sans ambiguïté l’hostilité des Français à la proposition de loi défendue par le député UMP Richard Mallié : 55 % des personnes interrogées se disent contre, 42% pour (3% ne se prononcent pas). D’autres enquêtes ont, ces derniers mois, donné des résultats apparemment inverses. Mais comme Libération l’expliquait le 27 novembre dans la page Désintox, de la façon de poser la question dépend souvent la réponse. Quand on leur demande s’ils aiment bien voir des magasins ouverts le dimanche, ils répondent oui. Quand on leur demande s’ils veulent travailler le dimanche, ils répondent non. Ce n’est ni de la versatilité, ni de la schizophrénie. Mais selon que l’on s’adresse au salarié ou au client, la préoccupation n’est pas la même.

Pour éviter ce biais, nous avons formulé la question en nous en tenant le plus possible aux faits. «La majorité envisage de faciliter le travail du dimanche, notamment dans les grandes agglomérations et les zones touristiques. Etes-vous favorable ou défavorable à cette mesure?» a demandé Viavoice. La réponse est nette : les Français n’y sont pas favorables. Cela peut faire hésiter un certain nombre de députés de la majorité, qui déjà, en décembre, étaient tellement divisés sur le sujet que le gouvernement avait suspendu les débats.

Divisions. Le deuxième enseignement de notre sondage est que la question du travail du dimanche est devenue un enjeu politique. Nicolas Sarkozy s’est fortement impliqué. Les députés l’ont bien compris. La droite s’efforce de serrer les rangs. La gauche monte à l’offensive. Cette politisation n’a pas échappé aux électeurs. Ceux de gauche sont à 64 % opposés au texte. Ceux de droite y sont favorables à 57 %, taux qui monte à 62% chez les sympathisants de l’UMP.

Le troisième enseignement de notre enquête, que souligne le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault (lire entretien page 3), est la faillite de l’argumentaire économique sur le sujet. Neuf mois de crise mondiale sont passés par là. Prétendre aujourd’hui que légaliser les ouvertures de magasins le dimanche va stimuler la consommation et créer de l’emploi, bref permettre de travailler plus pour gagner plus, apparaît au mieux comme de l’aveuglement, au pire comme une fumisterie.

Trouble. Le travail du dimanche va-t-il soutenir l’activité économique ? Va-t-il créer des emplois ? Même réponse à ces deux questions : non, à 58%. Même les électeurs de droite sont partagés : 51% pensent que le travail du dimanche peut créer des emplois, 47% n’en sont pas convaincus.

Mais l’argument qui risque le plus de semer le trouble chez les parlementaires de la majorité est celui de la qualité de vie. Oui, répondent à 86% les sondés, «le dimanche est un jour fondamental pour la vie de famille, sportive, culturelle ou spirituelle». Plus question de droite, de gauche, d’ouvriers, de cadres, de jeunes ou de vieux: le dimanche, c’est le jour où l’on veut oublier le boulot, la crise, le chômage. Profiter de la vie.

(1) Sondage réalisé par téléphone les 3 et 4 juillet auprès de 1018 personnes.

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