Compte rendu analytique officiel du 8 juillet 2009 : seconde séance

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Le repos dominical existe depuis 1906, ou plutôt il fut alors rétabli car, en 1880, une loi avait supprimé le repos dominical instauré en 1814, soucieux qu’étaient les députés de l’époque « des conséquences néfastes de l’oisiveté des ouvriers, de la baisse de la production et de la fermeture des pâtisseries le dimanche ».

M. Christian Eckert. À droite, ils n’ont pas changé.

M. Marcel Rogemont. Aujourd’hui les consommateurs ont remplacé les ouvriers, la consommation la production, et les pâtisseries sont restées des pâtisseries. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

On veut nous faire croire que l’oisiveté des consommateurs serait néfaste et qu’il faudrait les envoyer en rangs serrés dans les grandes surfaces, sinon la consommation baisserait. Quel programme, quel projet !

M. Bernard Perrut. Ce n’est pas ce que dit le texte !

M. Marcel Rogemont. Vous avez raison. Là où la loi affirmait « le repos hebdomadaire est donné le dimanche », on va écrire « dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche ». Quelle nouveauté !

M. Bernard Perrut. Le texte ne parle pas des grandes surfaces !

M. Marcel Rogemont. Le problème est que le travail du dimanche existe déjà. Il touche même plus de 3 millions de personnes…

M. Richard Malliérapporteur. 3 400 000 personnes.

M. Marcel Rogemont. …et probablement le même nombre de façon occasionnelle, soit environ 7 millions de salariés.

Il existe, mais il est réglementé. S’il l’est, c’est qu’il faut encadrer son utilisation par les employeurs afin de préserver le droit au repos dominical des salariés. Lacordaire disait qu’entre le fort et le faible c’est la liberté qui opprime et la loi qui protège.

S’attaquer à ce droit par une généralisation, ne toucherait-t-elle qu’une partie de l’activité économique et pas les autres, un espace géographique et pas les autres, c’est entrer dans un engrenage sans fin.

C’est cet engrenage, « l’engrenage du travail dominical » que Michel Urvoy avait pris comme thème de son éditorial dans Ouest-France du lundi 6 juillet. Je le cite : « Sous le prétexte d’une modeste – et sans doute nécessaire – adaptation de la règle du repos dominical dans les communes et zones touristiques, le Gouvernement enfourche un véritable cheval de Troie. Les cinquante heures de débat parlementaire, arrachées par la gauche,…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Pourquoi « arrachées » ?

M. Marcel Rogemont.… vont montrer, à partir de demain, qu’il y a loin entre un slogan au bon sens apparent – la liberté de travailler et de consommer comme on veut – et sa faisabilité économique, sociétale et juridique. » Consommer, montre-t-il ensuite, n’a jamais créé de pouvoir d’achat.

Il poursuit : « S’il s’agit d’offrir des dimanches de shopping à l’américaine, disons-le tout de suite. Encourager des rythmes de vie dissociés risque d’accentuer le délitement des relations familiales. On sait trop à quoi conduit la dégradation du lien familial, l’éloignement subi des couples, l’espacement des relations amicales, l’émiettement du temps collectif, de l’espace consacré aux retrouvailles, aux échanges,…

Personne n’aura la naïve illusion de croire qu’un refus, même légal et motivé, de travailler le dimanche n’entraînera jamais de discrimination à l’embauche ou à la promotion. »

Il conclut enfin : « Les soixante députés chrétiens et sociaux de droite qui s’étaient opposés, en plus de la gauche, à la première mouture du projet, feraient bien de regarder si cette version dite allégée n’est pas un coup de ciseaux dans notre pacte social. Et de se demander si nous ne sommes pas autre chose qu’une addition d’individus mus par l’unique besoin de satisfaire un plaisir consumériste. »

Mme Pascale Crozon. Il a tout compris !

M. Marcel Rogemont. Car c’est de cela qu’il s’agit et j’y reviendrai dans un instant.

Mais je résume d’abord mon propos : le travail le dimanche est réglementé et il faudrait modifier cette réglementation au nom des prétendus problèmes posés par la loi actuelle. Pourquoi y a t il des problèmes ? Parce qu’on fait un usage abusif des exceptions prévues par la loi.

La jurisprudence n’est pas tatillonne : elle rappelle seulement invariablement que le travail du dimanche est une exception, et le repos dominical un droit pour tous, a priori. Mais voilà bien le problème qui justifie que nous examinions cette proposition de loi. J’imagine Richard Mallié se dire : « Maudite jurisprudence qui empêche de consommer en rond, ou plutôt de faire des affaires en rond ! »

Évidemment, il est aisé de mettre sur le devant de la scène les quelques centaines de salariés qui travaillent dans les lieux ouverts, de façon illégale, le dimanche, et de poser la question, comme l’a fait Xavier Bertrand, en interpellant l’opposition : « Que direz-vous aux salariés qui travaillent à Plan-de-Campagne
– dans la circonscription de Richard Mallié –, si vous supprimez leurs emplois ? Voulez-vous vraiment supprimer leurs emplois ? »

Je pourrais tout aussi bien, monsieur Darcos, vous demander ce que vous direz aux 15 000 jeunes qui souhaitaient entrer dans l’éducation nationale et qui vont trouver portes closes, puisque vous aurez supprimé autant de postes auxquels ils pouvaient prétendre. Vous voyez bien qu’en posant les questions en ces termes, vous faites tout simplement de la démagogie.

En fait, vous mettez en avant les quelques centaines de personnes qui travaillent à Plan-de-Campagne ou à Éragny pour imposer à des milliers d’autres salariés de travailler le dimanche.

Cette conception de la liberté, vous nous la servez en permanence : « Comment, vous, socialistes, voulez interdire à celui qui veut travailler jusqu’à soixante-dix ans de le faire ? Seriez-vous liberticides ? » Je dis soixante-dix ans, mais pourquoi pas quatre-vingt-dix ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Si quelqu’un a envie de travailler jusqu’à quatre-vingt-dix ans, nous direz-vous, pourquoi pas ?

M. Jean-Claude Sandrier. Absolument !

M. Richard Malliérapporteur. Monsieur Rogemont, parlez-nous plutôt de la cuisson du homard, vous étiez meilleur !

M. Marcel Rogemont. « Vous voulez interdire à celle qui veut travailler durant son congé maternité de le faire ? » Rachida Dati l’a fait, nous direz-vous, pourquoi pas les autres femmes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) « Voulez-vous interdire à celui qui veut travailler durant son congé de maladie de le faire ? » Voilà les questions que vous nous posez, comme si nos réponses allaient faire de nous des liberticides !

Aujourd’hui, vous nous servez la liberté pour chacun de travailler le dimanche en évoquant le volontariat. Je cite le porte-parole de l’UMP : « Ce texte va permettre de répondre à l’attente de nombreux Françaises et Français qui subissent une forme de harcèlement des syndicats et de la justice quand ils ont décidé de travailler le dimanche. » Voilà maintenant que les syndicats et la justice empêchent les gens de travailler le dimanche. Ah, les méchants ! Mais de qui se moque-t-on ?

M. Régis Juanico. De nous !

M. Marcel Rogemont. Nous n’acceptons pas cette façon de présenter les choses. Lorsque l’on légifère, on doit d’abord mettre en avant l’intérêt général et non l’intérêt particulier – même s’il est partagé par quelques-uns –, surtout lorsque l’intérêt d’une personne ou d’un quarteron de personnes entre en conflit avec ceux de la très grande majorité des salariés

Au nom d’une prétendue liberté, vous nous demandez de légaliser tout travail qui s’effectue hors de la loi. En fait, vous voulez tout simplement donner force de loi à la politique du fait accompli que certaines enseignes veulent nous imposer. Ainsi, le cas des Usines Center est très significatif. Ces centres commerciaux ouvraient le dimanche en toute illégalité. Des condamnations ont été prononcées.

M. Richard Malliérapporteur. C’est faux !

M. Marcel Rogemont. L’arrêt de la cour d’appel de Versailles de juin 2006 condamnait les commerçants d’un tel centre. Mais qu’a fait le préfet en février 2007 ? Il a accordé une dérogation aux cent vingt commerçants concernés au motif – écoutez bien ! – que les ventes du dimanche, pourtant réalisées en toute illégalité, ne pouvaient pas être compensées par une augmentation de l’activité en semaine. Une telle motivation est tout de même extraordinaire : il suffit donc de créer du chiffre d’affaires en toute illégalité pour que le préfet vous donne raison a posteriori. Bref, désormais, en contradiction avec les principes de notre droit, on peut se prévaloir de ses turpitudes. Et si une pratique est interdite par la loi, alors on change la loi pour que les turpitudes cessent d’être des turpitudes. Où est la morale dans cette façon de faire ?

Vos lois sont dures avec les délinquants quand ils sont petits, mais faibles avec eux lorsqu’ils sont puissants. Ce texte vise uniquement à permettre aux hors-la-loi de ne plus l’être. Dès lors cette proposition de loi est inique : c’est une amnistie payée sur le dos des salariés. Cela est absolument intolérable.

M. Jean Mallot. Absolument !

M. Marcel Rogemont. M. Maillé, rapporteur de ce texte, parle, pour justifier la proposition de loi, d’une habitude de consommation le week-end, sous-entendu le dimanche.

M. Richard Malliérapporteur. Je n’utilise pas le franglais mais le français, je parle donc de la fin de semaine.

M. Marcel Rogemont. Comment peut-on parler d’habitude de consommation le week-end, ou en fin de semaine, alors que cela est interdit le dimanche – sauf dans les cas prévus par la loi ? En fait, la création d’une telle habitude n’est possible que si on ne respecte pas la loi. Finalement, le texte que nous examinons constitue un encouragement à ne plus appliquer celle-ci ; un encouragement délictueux intolérable.

Il y a quelques instants, Serge poignant, qui se déclarait favorable à cette proposition de loi, relevait qu’elle contenait quelques zones d’ombres qu’il faudrait bien traiter concernant, par exemple, l’alternative entre l’application du droit du travail et le droit du tourisme. En fait, à défaut de savoir lequel doit s’appliquer, on va créer un troisième droit !

Mme Catherine Génisson. Le droit du tourisme et du travail.

M. Marcel Rogemont. À nouveau, cela est tout à fait édifiant !

Je voudrais maintenant examiner quelques arguments venant à l’appui de cette proposition de loi.

Le code du travail serait un carcan empêchant l’initiative privée en France. Regardons donc ce qui se passe en Europe : la vérité en deçà des Pyrénées est-elle vérité au-delà ?

Au sein de l’Union européenne, la situation de la France au regard du travail le week-end est particulièrement intéressante. Comme le rappelait Gérard Bapt, la France est le pays qui travaille le plus en fin de semaine, et nous sommes, malheureusement, dans le peloton de tête pour ce qui concerne le seul dimanche. Il n’y a donc aucune distorsion entre la France et ses voisins. S’il est vrai que certains pays ont totalement accep
té le travail du dimanche, ce n’est pas le cas de la majorité des pays membres de l’Union européenne. L’argument tombe.

Autre argument : le commerce le dimanche serait utile pour la relance. Comme le constatait, Michel Urvoy, dans l’article de Ouest-France, dont je vous lisais un extrait : « Consommer le dimanche ne crée pas de pouvoir d’achat supplémentaire. » Les salariés conservent le même salaire qu’ils le consomment en semaine ou le dimanche. Nombreux sont ceux qui font la même analyse, je lisais dans une revue de presse que c’était le cas de Bernard Thibault. En fait, toute consommation le dimanche se fera au détriment de celle de la semaine. On ouvre des commerces le dimanche, mais on en fermera d’autres toute la semaine pour cause de faillite !

Pis, on allègue de l’utilité de l’ouverture le dimanche en zone frontalière pour cause de concurrence déloyale, avec les commerces belges par exemple. Mais si cet argument vaut pour les zones frontalières, il vaut aussi pour les commerces qui se situent à proximité du PUCE ou de la commune touristique autorisée à ouvrir le dimanche. En effet, il y aura nécessairement une distorsion de concurrence entre ces zones, ou entre une rue dans laquelle le travail du dimanche est autorisé et une rue voisine dans laquelle il ne l’est pas. Si vous appliquez ce raisonnement, inexorablement, de fil en aiguille, la généralisation partielle sera de moins en moins partielle, jusqu’à devenir la règle.

Y aura-t-il des contreparties au travail le dimanche ?

Mme Catherine Génisson. Que nenni !

M. Marcel Rogemont. Je crains qu’il n’y en ait pas.

L’exemple nous est donné par la loi autorisant l’ouverture le dimanche des commerces d’ameublement. Selon un arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier dernier, les salariés travaillant habituellement le dimanche du fait de l’autorisation légale d’ouverture des magasins d’ameublement le dimanche ne peuvent se voir appliquer la convention collective qui prévoit le repos compensateur et une rémunération double.

Oui, la banalisation du travail du dimanche conduit inexorablement à la banalisation des avantages qui y étaient liés et à celle de sa rémunération. Doit-on rappeler que cette banalisation de la rémunération est revendiquée par le rapporteur du texte pour l’essentiel du travail du dimanche ? De même, est revendiqué le fait que le volontariat ne sera pas applicable dans la très grande majorité des cas.

Le volontariat n’est évoqué que pour masquer la réalité des rapports dans l’entreprise, qui, en raison du lien de subordination, place le salarié dans une situation de dépendance par rapport à la décision de son employeur. Voici, extrait d’un article de presse, le témoignage de Mme Fernandez, quarante-cinq ans, travaillant tous les samedis, parfois de neuf heures à dix-neuf heures quarante-cinq, ce qui, dit-elle, créait déjà des tensions avec son mari : « Au mois de janvier, ils nous ont convoqués un par un pour nous demander si on acceptait de travailler le dimanche, sachant que le salaire de cette journée serait majoré de 20 %, ce qui pour moi représente une prime horaire de 5,03 euros. Je leur ai dit que je ne voulais pas : ma vie de famille ne vaut pas cinq euros de l’heure. » Résultat : Mme Fernandez s’est fait virer de son entreprise.

Mme Catherine Coutelle. Pour insubordination !

M. Marcel Rogemont. Voilà la réalité, voilà comment sont traités les salariés, voilà le volontariat dont vous parlez !

Par ailleurs, certains salariés seront effectivement payés double et bénéficieront éventuellement de repos compensateurs, tandis que d’autres n’auront rien du tout. Une telle distorsion de concurrence nous mènera forcément, elle aussi, vers le recul des dispositifs particuliers qui régissent le travail du dimanche.

Après d’autres, ce texte est une brèche dans le droit du travail. Ces réformes ont comme seul dénominateur commun d’abattre le droit du travail au profit du droit des sociétés.

Ce ne sont même plus les dirigeants, le management comme on dit, qui prennent les décisions, mais les actionnaires. Quels seront, alors, les rapports entre les salariés et les actionnaires, même médiatisés par le management ? Aucun ! Aucun contact ne sera pris : seule l’obéissance sera de mise.

Votre proposition de loi va dans ce sens, et elle considère, pour la première fois, le droit du travail, non plus comme un élément de régulation du marché, mais comme un élément de concurrence dans le marché. Le droit du travail, tel que vous l’écrivez dans ce texte, sera nécessairement un élément de concurrence entre les entreprises, entre les grandes surfaces, entre les grandes surfaces et les moyennes surfaces, voire les petits commerces. Dès lors, nous irons inéluctablement vers un affaiblissement de ce droit et de la protection des salariés.

Votre proposition de loi est nocive. Vous voulez nous faire croire que les acquis – rémunération, repos compensateur – qui limitaient, par les contraintes qu’ils faisaient peser, le recours au travail du dimanche, pourraient ne pas être supprimés dans la très grande majorité des cas. Or ils le seront, concurrence oblige. À qui voudriez-vous faire croire le contraire ? Pas à nous, ni aux salariés concernés par le texte. Et si vous parlez, ici ou là, de dialogue social, celui-ci n’inclut aucune obligation de résultat.

Au reste, là est probablement la raison pour laquelle nous sommes aujourd’hui saisis de ce texte sous la forme d’une proposition de loi. En effet, si le Gouvernement – pardon : le Président de la République – avait présenté un projet de loi, une négociation collective avec l’ensemble des syndicats aurait été nécessaire. J’ajoute, monsieur le rapporteur, que celle-ci n’a rien à voir avec une simple audition des syndicats.

Le 1er juillet, on préside un sommet social, mais, une semaine après, on s’assoit dessus ! Comme si le dialogue social dépendait des seuls intérêts du Président de la République, et non des entreprises et des salariés ! De qui se moque-t-on ?

C’est bien à l’Élysée que le texte qui nous est présenté aujourd’hui a été concocté, rédigé. À preuve, sitôt la lettre de Jean-Marc Ayrault reçue par les députés de l’UMP, le Président de la République les a réunis à l’Élysée autour d’un repas – René Dosière n’aurait d’ailleurs pas manqué de relever les dépenses supplémentaires ainsi occasionnées (Protestations sur les bancs du groupe UMP) – pour les faire rentrer dans le rang.

M. Richard Mallié, rapporteur. On vous a connu meilleur !

M. Marcel Rogemont. Faut-il que le Président de la République doute de vous, mes chers collègues, pour vous convoquer au seul motif que Jean-Marc Ayrault vous a adressé une lettre !

Qu’aurait donné une négociation collective sur ce sujet ? Sans doute nous aurait-elle rappelé que chaque Française, chaque Français est volontaire pour le repos dominical. N’oublions pas, en effet, que souhaiter que d’autres travaillent le dimanche, c’est, in fine,
accepter de travailler soi-même le dimanche. Mais jamais les instituts de sondages ne posent la question en ces termes : ils préfèrent demander aux personnes interrogées ce qu’elles pensent du travail le dimanche pour les autres !

Autre argument avancé par la majorité : nombreux sont les salariés qui travaillent déjà le dimanche. C’est vrai – ce sont même, pour 62 % d’entre eux, des femmes. Mais est-ce une raison pour l’imposer aux autres ? Non, d’autant que ceux qui travaillent le dimanche en subissent les conséquences dans leur vie familiale. Ainsi, le taux de divorce des femmes – public cible de votre mesure – qui travaillent le dimanche est très sensiblement plus élevé que celui des autres femmes. De même, plus du tiers des femmes qui ont arrêté de travailler à la naissance d’un enfant travaillaient régulièrement le week-end dans leur emploi précédent.

Le travail le dimanche est donc un puissant moteur de désorganisation des équilibres de vie. C’est ce constat qui doit primer, car nous avons été élus pour organiser la vie commune et non pour verser dans un consumérisme effréné ; pour appeler chacun au bonheur et non pour réduire nos concitoyens au rôle de consommateurs.

À ce propos, je remarque que l’un des chapitres du rapport de la commission des affaires économiques, saisie pour avis, s’intitule : « La règle du repos dominical doit épouser les évolutions de la société et des modes de consommation. » Parmi ces évolutions, le rapporteur cite les familles monoparentales, lesquelles sont composées à 86 % de femmes seules avec leurs enfants. Davantage présentes sur le marché du travail que les femmes vivant en couple, elles auraient besoin de consommer le dimanche.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Pourquoi ne pas consommer le dimanche plutôt qu’un autre jour ?

M. Marcel Rogemont. Elles peuvent en effet faire leurs courses dans un certain nombre de commerces ou au marché le dimanche matin.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous sommes d’accord !

M. Marcel Rogemont. Mais elles le font déjà, monsieur Ollier : une nouvelle loi n’est pas nécessaire. Actuellement, vous pouvez faire vos courses à Rueil-Malmaison le dimanche matin. Point n’est besoin d’ouvrir les grandes surfaces !

En outre, chacun sait que ces femmes occupent les emplois les plus précaires, notamment dans le commerce. Elles seront donc les plus touchées par l’extension des dérogations au repos dominical.

Non, la règle du repos dominical ne doit pas épouser les évolutions des modes de consommation, au contraire. Car la première question que nous devons nous poser est celle de la société que nous voulons.

M. Jean-Claude Sandrier. Voulons-nous la société du fric ?

M. Marcel Rogemont. Notre réponse est claire : nous n’avons pas besoin d’une nouvelle loi étendant le travail le dimanche. Au reste, Laurence Parisot elle-même a dit qu’elle aurait préféré que l’on maintienne le cadre législatif actuel, quitte à permettre la conclusion d’accords locaux entre les partenaires sociaux et les élus. C’est d’ailleurs ce qui passe à Rennes, où une charte d’urbanisme commercial régit les conditions de travail des salariés dans les commerces.

Cette proposition de loi est un coup de canif dans notre pacte social, et je veux dire à ceux qui s’apprêtent à la voter au motif qu’un amendement écarte de son application les commerces de leur circonscription, comme à ceux qui la voteront pour réguler l’ouverture des commerces de leur commune, que les conséquences de cette loi dépasseront, hélas ! leurs petits arrangements. La France et notre mission de législateur valent plus qu’une loi de complaisance.

La recherche, ici et maintenant, du bonheur de nos compatriotes : tel est le sens de notre action. Or celui-ci ne se résume pas à la consommation le dimanche, dont il n’a nullement besoin. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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