Compte rendu analytique officiel du 8 juillet 2009 : seconde séance

La parole est à Mme Corinne Erhel.

Mme Corinne Erhel. Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui de la quatrième version de ce texte, mais les Français ne veulent pas plus de cette version que des précédentes, en témoignent les nombreux mails, courriers et autres interpellations dont nous sommes tous destinataires.

Vous devez vous faire une raison, quelle que soit la forme sous laquelle vous le présentez, ce texte se heurte à une forte opposition dans l’opinion publique et à des réserves au sein de votre majorité, même si celles-ci se font plus silencieuses. Vous avez, dès le départ, mal mesuré l’ampleur des divergences sur ce sujet de société.

Vous développez un double argumentaire : d’une part, les Français auraient absolument besoin du dimanche pour faire leurs courses ; d’autre part, en temps de crise, les salariés devraient saisir toute opportunité, quelles que soient les conditions.

Ce texte est emblématique de l’action menée par ce gouvernement : boulimie des réformes et impact social fort. Il répond à une idéologie très claire de détricotage du droit du travail que vous jugez, à tort, trop contraignant et archaïque.

Vous ouvrez, une fois de plus, une brèche dans le pacte social. Vous légiférez par pallier : après la défiscalisation des heures supplémentaires malgré la dépression économique et sociale que nous connaissons, vous exprimez la volonté de reporter à tout prix l’âge de départ à la retraite – à soixante-sept ans semble-t-il –, vous donnez la possibilité de s’installer sans qualification avec le statut de l’auto-entrepreneur, et j’en passe. C’est à une véritable dérégulation sociale que vous vous livrez, qui ne laisse de place qu’au développement de la loi du plus fort. On peut se demander jusqu’où vous comptez aller.

M. Christian Eckert. Ça, on ne sait pas !

Mme Corinne Erhel. Parce qu’il ne répond pas à la vision de la société qui est la nôtre, parce qu’il constitue une véritable régression sociale, parce qu’il est anti-écologique, parce qu’il n’a aucune efficacité économique réelle, nous nous opposons à ce texte.

Cette proposition de loi représente une vision de la société à laquelle nous n’adhérons pas, pas plus, semble-t-il, que la majorité des Français, comme en témoigne un sondage paru hier dans un grand quotidien national.

M. Christian Eckert. Eh oui !

Mme Corinne Erhel. En effet, 55 % des Français se déclarent opposés au travail le dimanche et 82 % considèrent le dimanche comme un jour fondamental pour la vie de famille, sportive, culturelle ou spirituelle. Cela semble plutôt clair.

En réalité, le dimanche conserve un caractère structurant pour bon nombre de nos concitoyens.

M. Christian Eckert. En effet ! Mais pour combien de temps encore ?

Mme Corinne Erhel. Il est de notre responsabilité de défendre la vision de la société dans laquelle nous souhaitons vivre : voulons-nous vraiment une société rythmée par la consommation, une société du caddie et du passage en caisse ? Nous pensons, au contraire, que la société a besoin de moments de respiration, de détente, de rencontres amicales, culturelles, sportives et familiales. La consommation ne peut constituer une fin en soi.

Mais, au-delà de l’argument sociétal, votre texte constitue également une régression sociale pour les salariés.

Certes, le principe du volontariat est réaffirmé pour certains, mais n’exagérons rien. En effet, quoi que vous en disiez, la réalité du lien de subordination entre employeur et salarié fait que, par nature, le salarié, s’il ne peut être contraint, est soumis à une pression. De fait, s’il ne souhaite pas travailler le dimanche, de toute manière, il n’osera pas s’y opposer. En outre, le fait de rendre le travail dominical « de droit » dans certaines zones touristiques efface bien évidemment toutes les supposées avancées de ce texte par rapport à ses précédentes versions.

M. Christian Eckert. Voilà !

Mme Corinne Erhel. Il ne saurait être question de ne pas considérer le dimanche comme un jour exceptionnel et de ne pas accorder à tous les salariés qui travaillent ce jour-là les mêmes garanties. Pour nous, le travail dominical doit être considéré comme une exception, et ce en toutes circonstances. Le rendre « de droit », même si cela ne concerne que certaines zones, constitue réellement une banalisation du travail du dimanche, que vous le vouliez ou non.

J’avoue ne pas avoir bien compris combien de communes seront réellement concernées : 500, si l’on s’en tient à la définition des stations classées…

M. Richard Malliérapporteur de la commission des affaires sociales. Non, selon le code du travail.

Mme Corinne Erhel. …ou 5000, si l’on écoute le conseil national du tourisme ? Vos explications sont floues. Quelle est la bonne définition ? Qu’est-ce qu’une zone d’influence touristique ? Vous jouez sur les mots, pour rassurer, je pense, votre propre majorité mais j’aimerais que vous nous disiez clairement quelle est la différence entre une zone touristique et une zone d’influence touristique.

M. Serge Blisko. Il ne peut pas le faire !

Mme Corinne Erhel. Moi je n’ai toujours pas compris votre définition.

M. Christian Eckert. Il n’y a pas de définition.

Mme Corinne Erhel. Votre texte, en outre, tourne le dos aux engagements pris dans le Grenelle de l’environnement.

En effet, avec les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE, vous favorisez la consommation dans les grandes surfaces, même si vous vous en défendez. Or c’est le principe même de la consommation dans ces magasins qui n’est pas bon pour l’environnement : transports individuels et collectifs supplémentaires, livraisons supplémentaires, consommations énergétiques majorées et j’en passe. En décembre dernier, la précédente secrétaire d’État à l’écologie le reconnaissait d’ailleurs sur certaines radios.

Votre texte, enfin, est inefficace économiquement. Des études de l’OFCE, du Conseil économique et social ou encore du CREDOC relativisent l’intérêt de l’ouverture le dimanche pour la consommation et pour l’emploi.

La consommation induite par une ouverture dominicale consiste en un déplacement dans le temps de l’acte d’achat qui s’inscrit dans un budget contraint. Je vous rappelle que le pouvoir d’achat, c’est la quantité de biens et de services qu’un revenu donné permet d’acquérir. Si l’on veut aller au-delà, il faut faire appel, sans raison et sans compter, au crédit à la consommation. Il me semble que ce n’est pas une bonne voie. J’aurais aimé vous entendre sur ce point. L’exemple anglais le prouve, non seulement les avancées économiques sont nulles, mais, fait plus grave, la banalisation du travail dominical a entraîné la banalisation de sa rémunération.

En conclusion, ce texte est brouillon et ne manquera pas, puisque vous faites référence à deux codes en ce qui concerne la définition des communes touristiques ou zones d’influence touristique, de provoquer de multiples contentieux.

M. Christian Eckert. C’est un rideau de fumée !

Mme Corinne Erhel. Vous touchez, avec ce texte, à un symbole qui est cher aux Français. N’en déplaise au Président de la République, qui a déclaré hier que « travailler le dimanche n’est pas un drame », en réalité, pour la majorité de nos concitoyens, ça l’est. Il est vrai que les symboles sociaux ne représentent pas grand-chose à vos yeux. Cette loi n’est qu’une marche de plus vers la déconstruction des droits sociaux que vous semblez souhaiter à tout prix. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Pages : 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13

Laisser un commentaire